1985, une année dans le siècle

Publié le 22 novembre 2015 - Bruno Colombari

Dire Straits et Gorbatchev, Cimino et le Heysel, mais aussi un magnifique France-Uruguay, des Bleus empêtrés derrière un rideau de fer finissant et les derniers buts de Platini en France : retour vers le futur, direction 1985.

5 minutes de lecture

Le contexte international

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L’Histoire retiendra que c’est cette année-là qu’a commencé la fin de l’ère soviétique avec l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en URSS le 11 mars, suite au décès de Constantin Tchernenko. Le premier secrétaire du PCUS lance des réformes profondes connues sous le nom de perestroïka (reconstruction), dans un contexte de glasnost (transparence). Il amorce le retrait des troupes russes d’Afghanistan, en place depuis 1979 et entame des négociations avec les Etats-Unis.

Le 19 septembre, le Mexique est frappé par un séisme de magnitude 8 qui fait 10 000 morts et 30 000 blessés. En octobre, un commando palestinien détournent le paquebot italien Achille Lauro et tuent un passager américain, ouvrant une crise internationale impliquant les Etats-Unis, l’Italie et l’Egypte.

En Angleterre, la grève des mineurs s’achève sur un échec. Margaret Thatcher en sort renforcée. Au cinéma sort Retour vers le futur, de Robert Zemeckis, ainsi que l’Année du dragon de Michael Cimino et After Hours de Martin Scorsese. L’album Brothers in arms de Dire Straits est un énorme succès.

Le contexte sportif

L’année 1985 est marqué par un séisme : le drame du Heysel le 29 mai et ses 39 morts à l’occasion de la finale de la C1 entre Liverpool et la Juventus traumatise l’Europe. Michel Platini, qui a marqué le seul but du match, ne s’en remettra pas. En France, les Girondins de Bordeaux conservent le titre de champion acquis l’année précédente et ne sont battus en C1 que par la Juventus en demi-finale. L’AS Monaco d’Ettori, Amoros, Genghini, Bravo et Bellone remporte la coupe de France.

Le sélectionneur en poste

Après avoir hérité de l’équipe championne d’Europe de Michel Hidalgo, Henri Michel avait les coudées franches pour pousser les feux jusqu’au Mexique et améliorer ce qui pouvait l’être. On allait voir ce qu’on allait voir, et on a vite vu : hors de ses bases, cette équipe de France-là ne faisait plus peur à personne, et surtout n’arrivait pas à concrétiser sa domination dans le jeu. Le jeune coach a dû de plus gérer des tensions entre plusieurs cadres, notamment Bossis et Battiston ou encore Platini et Stopyra, dont le niveau était mis en cause par la presse.

le récit de l’année

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Autant l’année 1984 a été prolifique avec 12 rencontres (toutes gagnées, une première), autant 1985 est réduite au strict minimum : il n’y aura que six matches, dont cinq pour la qualification au Mundial mexicain et un pour la coupe intercontinentale face à l’Uruguay en août. Le 3 avril, les Bleus vont donc à Sarajevo chercher au moins un point en Yougoslavie. En l’absence de Bossis, forfait, Henri Michel teste une défense centrale inédite en sélection (Specht-Battiston) mais hermétique en club (Bordeaux). William Ayanche est préféré à Michel Bibard à droite, et l’attaque est composée de Stopyra et de Bellone. Les Bleus dominent mais ne marquent pas, et les Yougoslaves se contentent du 0-0.

Rien de grave encore, mais un mois plus tard à Sofia, les champions d’Europe prennent les Bulgares un peu à la légère. Une faute de jugement de Bats sur corner dès la 11e minute met les Bleus en difficulté, d’autant que devant, Stopyra rate tout ce qu’il tente et que l’absence de Giresse au milieu se fait sentir. Rien ne fonctionne à Sofia et, comme une bande-annonce de la demi-finale de 1986, les Bulgares exploitent au mieux une nouvelle erreur de placement sur corner pour marquer un deuxième but (61e, 0-2). Première défaite en quinze matches et avertissement sans frais.
 


 
Au mois d’août contre l’Uruguay champion d’Amérique du Sud, les Bleus retrouvent enfin leur niveau de 1984 et réalisent, malgré les absences d’Amoros, Tigana et Battiston, un match sublime où Rocheteau et Touré marquent, bien servis par Platini et Giresse. Le score final (2-0) est même flatteur pour la Celeste emmenée par le grand Enzo Francescoli, et on se prend à rêver de ce que pourraient faire ces Bleus-là au Mexique [1].
 


 
Quand arrive la rentrée des classes, les données du problème sont claires : pour aller à la coupe du monde, il faut gagner deux des trois derniers matches. Le premier se joue à Leipzig face à la jeune équipe de RDA. Il y a moyen de faire quelque chose, mais décidément l’équipe de France ne sait pas voyager, et elle va se mettre toute seule en difficulté. Fabrice Poullain remplace Tigana au milieu et Bibard prend le poste d’Amoros derrière. Mais comme à Sofia, rien ne fonctionne, et la domination française ne débouche sur rien, hormis une tête de Touré repoussée par la transversale. Les Allemands s’enhardissent, commencent à sortir et lancent un contre sur lequel la tête de Ernst est sortie sur la ligne par la main de Fernandez. L’arbitre accorde le but. L’attaque Rocheteau-Touré ne fonctionne pas, Platini n’est pas dans un bon jour et la punition arrive sous la forme d’un deuxième but signé Kreer à neuf minutes de la fin (0-2). En trois matches à l’extérieur, les Bleus n’ont marqué aucun but et en ont concédé quatre.
 


 
Le 30 octobre, l’équipe de France va se rattraper contre le Luxembourg avec un score de tennis (6-0) au cours d’un match à sens unique où Dominique Rocheteau réussit un triplé, le dernier à ce jour en compétition pour les Bleus. Le résultat final est acquis à la 51e minute et, curieusement, l’équipe de France n’aggrave pas le score alors que si la Bulgarie est déjà qualifiée, la deuxième place du groupe va se jouer à trois entre la France (9 points) la RDA et la Yougoslavie (8). La victoire valant à l’époque deux points, un nul lors du dernier match pourrait coûter la qualification aux Bleus.
 


 
Il faut donc gagner contre les Yougoslaves le 16 novembre au Parc, comme en 1977 et en 1981, au terme d’une année où Platini et ses coéquipiers se sont compliqués tous seuls l’existence. Seul Bossis manque à l’appel (remplacé par Le Roux), alors que Michel aligne le duo Touré-Rocheteau devant le carré magique habituel. On s’attend à un duel serré, et pourtant la deuxième minute n’est pas terminée que Platini a déjà ouvert le score sur coup-franc dans l’axe à dix-huit mètres. Mais rien n’est simple, décidément, et les Yougoslaves mériteraient d’égaliser suite à une faute de Le Roux dans la surface, non sanctionnée. Les Bleus n’y sont pas, l’égalisation semble inéluctable quand, sur une remise de Touré, Platini contrôle de la cuisse et frappe du gauche (71e, 2-0). Muet en Bleu depuis plus d’un an, celui qui va remporter un troisième Ballon d’or signe un doublé à l’instant décisif. On ne le sait pas encore, mais il vient de marquer son dernier but sur coup franc avec les Bleus, et son dernier but en France. La qualification est acquise, mais que ce fut dur !
 


 

Les joueurs de l’année

On peut reprocher ce que l’on veut à Henri Michel, mais certainement pas d’avoir pris des risques inconsidérés en 1985 : il a retenu en tout et pour tout 18 joueurs en six rencontres. Impossible de faire moins. Cinq joueurs ont participé à toutes les matches, dont trois (Bats, Ayache et Platini) dans leur intégralité. Luis Fernandez et José Touré ont quant à eux manqué respectivement une demi-heure et une heure dix de jeu. Fabrice Poullain, appelé à Leipzig contre la RDA, est le seul à n’avoir joué qu’une fois. L’équipe-type du Mundial 1986 est déjà en place, avec Bats dans les cages, une défense Ayache-Battiston-Bossis-Amoros, le carré magique du milieu Fernandez-Tigana-Giresse-Platini et le duo Rocheteau-Stopyra en attaque, même si ce dernier profitera du forfait de José Touré.

Le seul débutant en 1985 est Fabrice Poullain, qu’on ne reverra en sélection qu’après la coupe du monde. Et le seul à achever sa carrière cette année-là est le stoppeur bordelais Léonard Specht (photo), victime du replacement dans l’axe de Patrick Battiston.

Les buteurs de l’année

Dix buts répartis sur seulement trois matches, dont six inscrits contre le Luxembourg : 1985 n’aura pas été une année prolifique. Dominique Rocheteau arrive en tête avec quatre buts, devant José Touré et Michel Platini (deux), Luis Fernandez et Alain Giresse (un).

La révélation de l’année

William Ayache. Le défenseur nantais de 24 ans a débuté en 1983 contre l’Espagne, mais il disparaît de la circulation l’année suivante avant de revenir et de s’installer dans le couloir droit pour ne plus en sortir. Il joue tous les matches de l’année 1985 et donne satisfaction à Henri Michel, qui en fera un titulaire au Mexique où il ne manquera que les matches contre le Canada et le Brésil (suspendu). Sa carrière s’achèvera en 1988 après vingt sélections.

Carnet bleu

En 1985, ont vu le jour Morgan Amalfitano (le 3 mars), Lassana Diarra (le 10 mars), Stève Mandanda (le 28 mars), Gaël Clichy (le 26 juillet), Mathieu Debuchy (le 28 juillet), Jimmy Briand (le 2 août), Bafétimbi Gomis (le 6 août), Laurent Koscielny (le 10 septembre), Aly Cissokho (le 15 septembre), André-Pierre Gignac (le 5 décembre), Adil Rami (le 27 décembre) et Benoît Trémoulinas (le 28 décembre).

Décès de Jules Vandooren (le 7 janvier), Fritz Keller (le 8 juin), Georges Verriest (le 11 juillet) et René Dedieu (le 21 novembre).

[1Lire l’article 21 août 1985 : France-Uruguay

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