Florent Toniutti : « Le joueur clé sera peut-être Tolisso »

Publié le 31 mai 2018 - Bruno Colombari

Pour l’auteur des Chroniques tactiques, la liste de Deschamps ouvre de nombreuses options, du 4-3-3 au 4-4-2 en passant par le 4-2-3-1. Il se réjouit de la présence de Nzonzi et identifie quelques points faibles.

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Florent Toniutti, que les lecteurs de Chroniques bleues connaissent déjà puisqu’il a déjà été interviewé ici-même en décembre 2012 [1], a travaillé notamment pour la Data Room de Canal + ainsi que pour Eurosport. Il tient aussi le site Chroniques tactiques dans lequel il lui arrive d’analyser les matchs des Bleus. Depuis deux ans, il participe au podcast Vu du banc avec Christophe Kuchly et Raphaël Cosmidis, où il décortique le jeu. Pendant la Coupe du monde, le podcast sera quotidien, avec des mises en ligne vers minuit. Autant dire que si vous êtes fatigués des plateaux télé de la chaîne l’Equipe ou des talks de RMC, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

L’interview a été réalisée quelques jours avant le premier match de préparation contre la République d’Irlande.

 

Tout d’abord, que penses-tu de cette liste des 23 ? Elle est très proche de celle que tu souhaitais, avec juste Rami et Fekir à la place de Payet et Lacazette…

Je suis très agréablement surpris de la liste, même si il n’y avait finalement pas de grandes incertitudes. Le seul auquel on ne croyait pas avec mes collègues du podcast (on a fait la liste à 3), c’est la présence de Nzonzi qui remplace Rabiot. Un choix assez logique parce qu’il apporte un profil que la France n’avait pas au milieu de terrain (6 créatif). Par extension du coup, c’est ça le vrai point fort de la liste : il y a des joueurs qui permettent de faire un peu tout sur le plan tactique. 

Tu avais imaginé une liste avec sept défenseurs, en tenant compte de la polyvalence de Pavard et de Hernandez qui peuvent jouer dans les couloirs ou dans l’axe. Jacquet avait fait pareil en 1998, même mieux puisqu’il avait appelé six défenseurs, sachant que Karembeu, Petit ou Vieira pouvait dépanner derrière… C’est une entorse à la règle implicite qui dit qu’on doit doublonner chaque poste, non ?

C’est une réflexion qui se pose à chaque fois que tu as abondance de biens à certains postes. En l’occurrence, ça aurait permis d’avoir une option supplémentaire devant pour avoir encore plus de possibilités pour varier les formules. 

« Au milieu, on a des profils bien plus créatifs qu’il y a quatre ans »

Tu disais sur Twitter que cette liste ouvre beaucoup d’options sur le plan tactique. Plus que celles de 2014 ou de 2016, où les remplaçants avaient très peu apporté ?

Beaucoup plus, oui. Mais c’est surtout le niveau moyen des joueurs qui est bien supérieur. Francisco Filho disait sur SFR Sport que la tactique est l’émanation de la technique. Si les joueurs savent faire plus de choses avec le ballon, cela enrichit forcément le projet de jeu. Aujourd’hui au milieu, on a des profils bien plus créatifs qu’il y a 2 et 4 ans.

Dans cette liste, il y a des joueurs capables de gérer le tempo et la création dans un match à 60/65% de possession... et d’autres qui feront plus le taf quand il s’agira de défendre et miser sur les transitions. En clair, une équipe capable de gérer les premiers matchs face aux petits mais aussi d’être ensuite dans le rôle de l’outsider un peu plus tard dans le tournoi. 

 

Si le point fort de l’équipe de France de 1998 était le secteur défensif, celui de 2018 est à l’évidence l’attaque. Faudrait-il selon toi tout miser là-dessus, ou au contraire partir du principe qu’on ne peut pas gagner une Coupe du monde sans une bonne assise défensive ?

Il faudra de toute façon faire les deux : l’attaque va devoir tourner fort pour éviter de se faire peur face aux plus petits adversaires... mais l’assise défensive sera forcément la clé lorsqu’il faudra battre l’Espagne, l’Allemagne ou le Brésil qui nous prendront sans doute le ballon. 

Avec Sidibé et Mendy qui reviennent de blessure, et des doublures très peu expérimentées au niveau international, le point faible des Bleus ne se situe-t-il pas dans les couloirs ?  

Si... il en faut bien un ! Au-delà de l’aspect défensif, il y a aussi les profils de Pavard et Lucas qui sont peu offensifs. Si les deux titulaires ne sont pas à leur meilleur niveau (voire rechutent...), on risque de perdre beaucoup de poids sur les ailes... Même si lorsque les latéraux ne montent pas, ce sont les milieux qui peuvent le faire. 

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« Une des grandes questions, c’est comment Deschamps va utiliser Mbappé »

En 2014, on mettait beaucoup d’espoirs sur Paul Pogba, qui ne les a toujours pas confirmés sur la durée. N’est-on pas en train de faire la même erreur avec Kylian Mbappé ? 

Pogba avait quand même fait un excellent Euro 2016 en apportant l’équilibre au milieu. Il n’a pas brillé mais c’était pas son rôle justement. Je n’ai pas l’impression que Mbappé ait le rôle principal devant, ça reste Griezmann qui focalise l’attention. Justement, le poids de l’attaque ne repose pas que sur lui et c’est très bien comme ça. En plus, il est assez polyvalent. L’une des grandes questions, ça va être de voir comment Deschamps va l’utiliser. 

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Est-ce que finalement le principal chantier des Bleus ne se situe pas au milieu ? Avec Kanté, Matuidi et Pogba, on se retrouverait avec le trio du premier tour de l’Euro 2016…

Le joueur-clé de l’équipe de France au milieu sera peut-être Tolisso. Il n’a fait que des bons matchs avec les Bleus dans mon souvenir et sait faire tellement de choses qu’il pourra soulager Pogba et lui permettre de se balader plus près du but adverse. Avec Kanté-Matuidi, Pogba devait faire le lien dans l’entrejeu. Avec Tolisso (voire Nzonzi), tu te retrouves avec deux ou trois joueurs capables de dicter le tempo. Et quand l’un prend cette responsabilité, l’autre peut aller plus haut et près du but. Personnellement, c’est la chose que j’attends le plus après cette liste. 

« J’aimerais voir Fekir à la pointe d’un losange derrière Mbappé et Griezmann »

Nabil Fekir est-il là pour faire la doublure de Griezmann, ou pourrait-il avoir un rôle à jouer en tant que titulaire ?

Il est d’abord là parce que Payet s’est blessé au pire des moments. Il aura peut-être un rôle dans les premiers tours, face aux petites équipes, lorsqu’il faudra faire sauter un bloc regroupé. Après, on sait que les hiérarchies peuvent être assez chamboulées pendant ce genre de compétition. La dynamique, la forme du moment, la fin de saison... Plein de facteurs peuvent renverser ce qui semble établi. Personnellement, j’aimerais le voir à la pointe d’un losange avec Griezmann et Mbappé devant (et Nzonzi-Pogba-Tolisso derrière). 

Zidane semble être le seul candidat à la succession de Deschamps, probablement en 2020. Qu’est-ce que sa méthode au Real Madrid nous dit de ce qu’il ferait en tant que sélectionneur ?

Vu ses résultats en Ligue des Champions, il ressemble au candidat parfait. Ses équipes sont toujours prêtes dans les grands matchs et il arrive à manager un vestiaire de grands joueurs. Il aurait les deux en équipe de France. Après sur le plan tactique, difficile de savoir aujourd’hui ce qu’il ferait des Bleus.

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