Il fut un temps où les Bleus sortaient en janvier

Publié le 8 février 2021 - Bruno Colombari

Le premier mois de l’année n’est pas le plus propice à la pratique du football. Pourtant, les Bleus ont joué 27 fois au cœur de l’hiver, mais jamais en compétition, et jamais depuis 2000. L’équipe de France du troisième millénaire n’aime pas janvier.

4 minutes de lecture
Mise à jour d’un article initialement paru en janvier 2011.

Question piège : vous avez dix secondes pour vous souvenir d’un match joué par les Bleus au mois de janvier. Allez, on cherche... Rien trouvé ?

Le plus facile était sans doute l’avant-dernier, un certain France-Espagne le 28 janvier 1998, disputé sur la pelouse gelée et toute neuve du stade de France inauguré ce soir-là. C’est aussi la dernière fois que les Bleus ont battu les Espagnols en amical, avant les trois défaites de 2001 (1-2), 2008 (0-1) et 2010 (0-2). Zidane avait testé la solidité des filets ce soir-là en reprenant un tir de Djorkaeff repoussé par la barre. Et Trezeguet avait fait des débuts remarqués en sélection, puisqu’il avait trouvé moyen de se procurer plusieurs occasions lors de son quart d’heure de jeu après avoir remplacé Guivarc’h.


 

Le tout dernier de la liste, c’était l’année suivante, un France-Maroc à Marseille, avec Florian Maurice avant-centre (!) alors que Henry et Trezeguet étaient momentanément retournés chez les Espoirs.

Avant ces deux-là, il y a tout de même eu 25 matches disputés depuis 1911, mais aucun en compétition. Le tout premier, comme il se doit, a même eu lieu un premier janvier, à domicile contre la Hongrie (0-3). La Belgique (6 fois), l’Espagne (4), le Portugal et l’Italie (3) étaient les adversaires abonnés à ces matches de tout début d’année. Parmi eux, on retiendra un 4-9 contre l’Italie à Milan en 1920, à la suite d’un véritable périple [1] : 41 heures de train entre Paris et Milan suite à une grève des cheminots, les Bleus qui arrivent un quart d’heure avant le début du match, et grève des joueurs au retour (déjà), avec bannissement à vie du meneur, Louis Olagnier.

Des Bleus militaires et mobilisés en 1940

A noter aussi un match joué en temps de guerre, le 28 janvier 1940 dans l’ancien Parc des Princes contre le Portugal. Les sélectionnés français étaient tous militaires et libérés deux jours avant le match par l’armée. Parmi eux, deux joueurs autrichiens naturalisés français, Heinrich Hiltl (rebaptisé Henri) et le gardien Rudi « Rodolphe » Hiden, qui avait gardé les buts de la prestigieuse sélection autrichienne des années 30. Hiltl rejouera une fois en décembre 1944, mais Hiden ne portera plus le maillot tricolore. Tout comme Etienne Mattler, qui honorait sa 46ème et dernière sélection, record de l’époque.

Une virée koweitienne sept mois avant la Guerre du Golfe

Le dernier fait marquant de ce mois de janvier remonte à 1990. Alors éliminés de la coupe du monde qui se jouera cinq mois plus tard en Italie, les hommes de Platini partent en tournée au Koweït, qui sera envahi par l’Irak sept mois plus tard. Ils sont invités par l’émir Al Jaber, celui-là même qui avait demandé l’interruption du match France-Koweït au Mundial espagnol de 1982, après un but marqué par Giresse alors qu’un coup de sifflet venu des tribunes avait trompé les défenseurs koweïtis. L’autre adversaire des Bleus, c’est la République démocratique allemande, qui n’a plus que huit mois à vivre : la sélection disparaîtra en septembre à l’issue d’un dernier match contre la Belgique, trois semaines avant la réunification. Les joueurs français sont les derniers à s’imposer face à la RDA (3-0, doublé de Cantona et but de Deschamps).

Au final, le bilan du mois de janvier est meilleur que le bilan total, à pondérer par le fait que tous les matches joués n’étaient qu’amicaux. Après-guerre, les Bleus n’ont perdu qu’un match sur les onze disputés (contre l’Argentine en 1971), auquel il faut ajouter deux nuls (contre Israël en 1988 et contre l’Espagne en 1963). Et les sept derniers ont tous été remportés.

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Le match à retenir : Argentine-France, le 8 janvier 1971

Cette année-là, l’équipe de France, alors dirigée par Georges Boulogne, a effectué une tournée en Argentine en janvier 1971, le premier retour en Amérique du Sud depuis la Coupe du monde en Uruguay en 1930. Au programme, deux matches contre les Albiceleste, le premier ayant lieu le 8 janvier dans le stade vertical de la Bombonera où évolue Boca Juniors. Et surprise, les Français jouent bien, mènent 2-0, puis 3-1, avant de l’emporter finalement 4-3 face à un adversaire qui compte dans ses rangs le futur goleador Carlos Bianchi et le futur entraîneur Angel Marcos. Charly Loubet, Jean Djorkaeff, Georges Lech et Hervé Revelli marquent ce jour-là.


 

C’est un résultat aussi inattendu qu’important : c’est la seule fois que l’équipe de France a battu une équipe sud-américaine chez elle. Il est vrai que ce genre de match est assez rare : on en compte quatre contre l’Argentine (0-2 le 13 janvier 1971, 0-0 le 26 juin 1977, 1-2 le 6 juin 1978), deux contre le Brésil (2-2 le 30 juin 1977 et 0-3 le 9 juin 2013), un contre le Chili (1-2 le 1er septembre 2001) et un contre l’Uruguay (0-1 le 5 juin 2013). Les Bleus ont également battu la Colombie, mais c’était au Brésil le 18 juin 1972, sur terrain neutre. Tout comme ils se sont inclinés face à l’Argentine (0-1) et au Chili (0-1) en juillet 1930 lors de la Coupe du monde en Uruguay, alors qu’ils ont fait match nul contre l’Equateur (0-0) le 25 juin 2014 à Rio.

Les principaux débutants et finissants en janvier

Parmi les 44 joueurs ayant connu leur première sélection lors du premier mois de l’année, on retiendra le goleador Belle Epoque, Eugène Maës (en 1911), le leader des années Folles Jules Devaquez (1920), les transfuges autrichiens Auguste Jordan (1938) et Rodolphe Hiden (1940) et les deux futurs champions du monde Bernard Diomède et surtout David Trezeguet (1998). Parmi les 36 qui ont quitté les Bleus en janvier, à retenir un des meilleurs techniciens d’avant la Grande Guerre, Jean Rigal (1912), les défenseurs vedettes des années 30 Etienne Mattler et Raoul Diagne (1940) et beaucoup plus récemment le duo Jean-Pierre Papin et Eric Cantona, partis le même jour (1995).


 

Les 27 matchs joués en janvier

# Genre Date Ville Adversaire score
18 Amical 01/01/1911 Maisons-Alfort Hongrie 0-3
24 Amical 28/01/1912 Saint-Ouen Belgique 1-1
27 Amical 12/01/1913 Saint-Ouen Italie 1-0
32 Amical 25/01/1914 Lille Belgique 4-3
38 Amical 18/01/1920 Milan Italie 4-9
49 Amical 15/01/1922 Colombes Belgique 2-1
51 Amical 28/01/1923 Saint-Sebastien Espagne 0-3
57 Amical 13/01/1924 Montrouge Belgique 2-0
101 Amical 25/01/1931 Bologne Italie 0-5
120 Amical 21/01/1934 Bruxelles Belgique 3-2
127 Amical 24/01/1935 Madrid Espagne 0-2
135 Amical 09/02/1936 Paris (Parc) Tchécoslovaquie 0-3
138 Amical 24/01/1937 Paris (Parc) Autriche 1-2
145 Amical 30/01/1938 Paris (Parc) Belgique 5-3
151 Amical 22/01/1939 Paris (Parc) Pologne 4-0
155 Amical 28/01/1940 Paris (Parc) Portugal 3-2
279 Amical 09/01/1963 Barcelone Espagne 0-0
331 Amical 08/01/1971 Buenos Aires Argentine 4-3
332 Amical 13/01/1971 Mar del Plata Argentine 0-2
468 Amical 27/01/1988 Tel Aviv Israël 1-1
484 Amical 21/01/1990 Koweït City Koweït 1-0
485 Amical 24/01/1990 Koweït City* RDA 3-0
526 Amical 18/01/1995 Utrecht Pays-Bas 1-0
534 Amical 24/01/1996 Paris (Parc) Portugal 3-2
548 Amical 22/01/1997 Braga Portugal 2-0
556 Amical 28/01/1998 Saint-Denis Espagne 1-0
574 Amical 20/01/1999 Marseille Maroc 1-0

[1raconté dans le détail par Michel Oreggia, Jean-Michel et Pierre Cazal dans L’intégrale de l’équipe de France de football, First éditions

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