Les premiers tirs au but de l’équipe de France

Publié le 29 octobre 2020 - Richard Coudrais - 2

Si l’équipe de France a officiellement découvert les tirs au but en demi-finale de la Coupe du monde 1982, six des héros de Séville, ainsi que leur entraîneur, avaient eu l’occasion d’expérimenter l’exercice dès avril 1976, avec les Espoirs.

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Michel Hidalgo a pris ses fonctions de sélectionneur le 27 mars 1976 avec un match amical prometteur face à la Tchécoslovaquie (2-2). La deuxième rencontre de son mandat se déroule à Lens, le 24 avril 1976, où les Bleus reçoivent la Pologne, troisième de la dernière Coupe du monde. Mais le nouveau sélectionneur n’est pas sur le banc. Il a demandé à son adjoint Robert Guérin de reprendre provisoirement du service et de diriger la sélection à sa place.

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L’ancien adjoint de Georges Boulogne et Stefan Kovacs travaille en effet sur le long terme. Son objectif est de qualifier l’équipe de France pour la Coupe du monde en Argentine et il compte ouvrir son groupe à de jeunes joueurs pour en assurer la pérennité. C’est dans cet esprit qu’il décide de diriger lui-même l’équipe de France Espoirs, laquelle s’est qualifiée pour les quarts de finale du championnat d’Europe des moins de 23 ans. La France est opposée à l’URSS par match aller retour les 20 et 25 avril 1976.

Génération dorée

Il est vrai que le football français compte alors une belle génération de jeunes joueurs. En premier lieu les Stéphanois Dominique Rocheteau, Gérard Janvion, Christian Lopez et Dominique Bathenay, jeunes mais déjà rompus aux joutes européennes - ils viennent d’ailleurs de se qualifier pour la finale de Glasgow aux dépens du PSV Eindhoven. On peut aussi miser sur les prometteurs Michel Platini, Bernard Lacombe, Maxime Bossis ou Alain Giresse… Tous ont alors moins de 23 ans et la plupart ne comptent guère plus d’une sélection en équipe de France A. Seuls les précoces Rocheteau (3 sélections) et Lacombe (5) font exception.

Pour la rencontre des Espoirs face à l’URSS, Michel Hidalgo ne peut malheureusement compter ni sur Rocheteau, ni sur Platini, les deux vedettes étant toutes deux blessées (le Stéphanois ne sera d’ailleurs pas remis pour être titulaire à Glasgow). Les règlements de l’UEFA autorisent chaque sélection espoirs à aligner trois joueurs de plus de 23 ans ( [1]). Le sélectionneur ne s’en prive pas, qui fait appel à Marius Trésor (26 ans) et Henri Michel (28 ans), ce qui représente pas moins de 73 capes à eux deux.

L’équipe alignée par Hidalgo au Parc des Princes a donc fière allure : Dropsy - Janvion, Lopez, Trésor, Bossis - Michel, Rampillon, Bathenay - Zimako, Lacombe, Sarramagna. Devant 25 000 spectateurs, les jeunes bleus (dit-on déjà bleuets à l’époque ?) dominent joyeusement leurs homologues soviétiques. A la 25e minute, le gardien soviétique repousse un tir de Lacombe. Rampillon reprend et ouvre le score.

Tout se présente bien pour les Bleus, même si Bathenay se blesse à la 35e minute et doit laisser sa place à Giresse. Les observateurs notent toutefois la méforme de Michel et et quelques fébrilités chez Dropsy.

En début de seconde période, Dropsy repousse un tir lointain de Mikhail An. Le ballon est repris par les Soviétiques qui parviennent à marquer par Ramaz Shengelia. Ce but contrariant n’empêche pas l’équipe de France de poursuivre sa domination. A l’heure de jeu, une nouvelle offensive française sème la panique devant la cage soviétique. Le gardien Radaev repousse plusieurs tentatives mais s’incline sur celle de Zimako.

Plus rien ne sera marqué en dépit d’une forte domination des Tricolores. Hidalgo fait entrer Olivier Rouyer à la place de Zimako mais si le remuant Nancéien perturbe la défense soviétique, il ne la prendra pas en défaut.

L’URSS aux tirs au but

L’équipe de France doit donc tenir avec ce maigre résultat (2-1) cinq jours plus tard à Moscou, au stade du Lokomotiv. Le sélectionneur a reconduit une équipe très proche de celle du Parc des Princes. Il titularise Rouyer à la place de Zimako et Giresse à celle de Rampillon. Bathenay étant blessé, il fait monter Janvion au milieu de terrain et le remplace à l’arrière par le jeune Patrick Battiston (18 ans).

L’équipe de France (Dropsy - Battiston, Lopez, Trésor, Bossis - Janvion, Michel, Giresse - Rouyer, Lacombe, Sarramagna) prend le match sur les mêmes bases qu’à l’aller. Après vingt minutes, Giresse envoie un tir sur le poteau. Lacombe récupère et ouvre le score. Les jeunes soviétiques passent à l’attaque, mais Dropsy se montre impérial. Lopez quand à lui manque d’aggraver le score.

La seconde période débute comme celle du Parc des Princes. Les Soviétiques parviennent à égaliser, un tir de Fedorov est dévié par Lopez, ce qui trompe Dropsy. La France reste qualifiée, mais à un quart d’heure de la fin, Lopez décidément maudit commet une invraisemblable maladresse en voulant adresser un ballon à son gardien. Sur un coup-franc défensif obtenu pour un hors-jeu, le défenseur stéphanois semble n’avoir pas vu Fedorov en embuscade, lequel profite de l’aubaine pour dribbler Dropsy et signer un doublé.

Hidalgo enrage d’avoir à disputer une prolongation alors que son équipe a globalement maîtrisé la double confrontation. Mais malgré les exploits de Saint-Etienne en Coupe d’Europe, le foot français souffre toujours d’un manque de confiance en lui, de pannes d’efficacité et de fautes de concentration qui lui sont fatales.

Pour la prolongation, Hidalgo procède à deux changements : Zimako remplace Lacombe aux avant-postes et le jeune Battiston cède sa place au Nancéien Paco Rubio. Le score (2-1) ne change pas et les deux équipes doivent s’expliquer aux tirs au but.

A cet exercice inédit, les Français manquent singulièrement de sang froid. Si Michel et Zimako marquent, Giresse tire sur le montant tandis que Lopez et Sarramagna voient leur tentative repoussée par Radaev. De leur côté, les Soviétiques convertissent leur quatre tirs. L’URSS remporte la série par 4-2 et décroche la qualification pour les demi-finales.

Les regrets sont vifs côté français d’autant que cette équipe soviétique, qui semblait à sa portée, finira l’épreuve en vainqueur après avoir battu la Hongrie en finale. La loterie des tirs au but a basculé du mauvais côté. Aura-t-elle servi de leçon à Michel Hidalgo et à ses joueurs parmi lesquels Giresse, Bossis, Trésor, Lopez, Janvion ? Seul l’avenir le dira...


 

pour finir...

Parmi les joueurs de l’équipe espoirs soviétique, on note les noms de Ramaz Shengelia (remplaçant et buteur du match aller) et de Khoren Oganessian (qu’il avait remplacé à la mi-temps), deux hommes que l’on retrouvera dans la belle équipe soviétique de la Coupe du monde 1982.

Le talentueux David Kipiani, coéquipier de Shengelia au Dinamo Tbilissi vainqueur de la Coupe des Coupes 1981, aurait certainement été présent lui aussi en Espagne sans une blessure qui deux mois avant le début du tournoi mettra fin à sa carrière.

Enfin, deux autres bourreaux des espoirs français auraient aussi pu être présents au Mundial espagnol : l’attaquant Vladimir Fedorov, double buteur du match retour, et le milieu de terrain Mikhail An, lesquels ont tragiquement disparu en 1979 dans l’accident du Tupolev qui décimera le club du Pakhtakor Tashkent FK.

La fiche du match aller : France-URSS 2-1
La fiche du match retour : URSS-France 2-1 (tab : 4-2)

[1L’âge limite de 23 ans est pris en compte au départ de la campagne, c’est-à-dire en 1974. Dropsy, Zimako, Sarramagna et Lacombe ont plus de 23 ans pour cette rencontre, mais ils en avaient moins au départ

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