1973, une année dans le siècle

Publié le 22 juillet 2013 - Bruno Colombari

Boulogne qui s’en va et Kovacs qui arrive, les débuts de Lacombe et Domenech, les Portugais chez eux au Parc et les Stones qui chantent Angie pendant que les Marines quittent le Vietnam : c’était 1973.

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Le contexte historique

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L’année commence par la signature, à Paris, du cessez-le-feu au Vietnam et le désengagement des Américains après dix années de guerre. Le 25 avril, deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, révèlent l’affaire du Watergate. En mai, l’occupation de Wounded Knee par des Indiens est levée, après que l’armée ait acheminée des chars. A Santiago du Chili, le 11 septembre, le général Pinochet renverse avec l’appui de l’armée (et le soutien de la CIA) le président Salvador Allende, qui se suicide pendant l’assaut de la Moneda. Le 6 octobre démarre la guerre du Kippour qui oppose Israël à l’Egypte et la Syrie. En novembre, à Athènes, le régime des colonels est renversé.

En France, les ouvriers de Lip occupent les locaux de leur usine près de Besançon et se lancent dans une expérience d’autogestion qui fera grand bruit. Au cinéma, Les valseuses de Bertrand Blier, l’Exorciste de William Friedkin ou American Graffiti de George Lucas sont à l’affiche. Sur les radios tournent en boucle Le lac majeur de Mort Schuman, Ex-fan des sixties de Jane Birkin, Angie des Stones ou Money des Pink Floyd. Cette année là voit la disparition de Pablo Picasso à 91 ans, de Fernand Raynaud (47 ans) ainsi que les cinéastes Jean-Pierre Melville et John Ford.

Le contexte sportif

Un an avant la coupe du monde en RFA, ce sont les Hollandais qui dominent l’Europe. L’Ajax d’Amsterdam de Stefan Kovacs écrase tout sur son passage et rafle trois coupes d’Europe d’affilée avec son football total fait d’engagement de tous les instants et de mouvement perpétuel. En France, le FC Nantes de José Arribas devient champion de France, profitant de la transition entre deux époques à Saint-Etienne, où Robert Herbin a repris l’équipe un an plus tôt.

Les sélectionneurs en poste

Nommé en 1969, Georges Boulogne, par ailleurs Directeur technique national, a entrepris un long et patient travail de reconstruction après les terribles années soixante. Il ne récoltera pas lui-même ce qu’il a semé : il faudra attendre encore trois ans et l’émergence de la génération 55 (Platini, Rocheteau, Bossis) portée par l’élan stéphanois. Mais sans son travail, il n’est pas sûr que son adjoint Michel Hidalgo aurait connu le succès. Après l’élimination des Bleus pour la coupe du monde 1974, Boulogne démissionne le 1er juin et est remplacé le 14 août par le Roumain Stefan Kovacs, 53 ans, qui va impulser un fort renouvellement de l’effectif avec pour objectif la coupe d’Europe des Nations en 1976. Facile à dire.
 

La première liste de Stefan Kovacs à l’été 1973

Le récit de l’année

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Engagée dans un groupe à trois pour les qualifications mondiales, l’équipe de France n’a aucun droit à l’erreur. Après un bon départ face à l’URSS, les Bleus se sont inclinés à Dublin en novembre 2012 contre l’Eire. Autant dire que tout va se jouer dans deux matches-couperet en mai. Mais auparavant, les Bleus reçoivent le Portugal dans leur tout nouveau Parc des Princes (inauguré en 1972). Pas vraiment un amical puisque les supporters lusitaniens sont comme chez eux à Paris. Et comme sur la pelouse, les Portugais ne laissent pas leur part au chat, un doublé du vieillissant Eusebio (il joue l’un de ses derniers matches internationaux) suffit pour battre des Bleus (1-2) dont le milieu Henri Michel-Georges Lech-Michel Mézy avait pourtant du répondant technique.

 

France-Portugal (1-2), deuxième but d’Eusebio

Contre l’Eire en mai, le deal est simple : gagner par deux buts d’écart pour effacer le 1-2 de l’aller et conserver une chance de qualification en cas de nul à Moscou une semaine plus tard. Mais pour ça, il faudrait une équipe au meilleur de sa forme, et c’est loin d’être le cas. Dans les cages, Georges Carnus qui joue son dernier match international n’est vraiment pas inspiré, le but de Mick Martin à sept minutes de la fin étant pour lui. Dans les autres secteurs, ce n’est pas mieux : la défense centrale Trésor-Adams, prometteuse en 1972, n’y arrive pas, et devant, le trio d’attaquants Bereta-Revelli-Floch ne se crée pas d’occasion. Serge Chiesa, entré à la place de Larqué à l’heure de jeu, marque enfin, mais c’est insuffisant pour l’emporter (1-1).

 

France-Eire (1-1), retour sur le match et interviewes de joueurs

Le 26 mai, c’est mission impossible à Moscou où l’URSS n’a perdu que trois fois en vingt ans. Ce n’est sûrement pas cette équipe de France-là qui va impressionner les coéquipiers de Blokhine, surtout que les Bleus jouent clairement la défense avec un 5-2-3 qui ne ressemble à rien. Comme le nul suffit à l’URSS, le match est soporifique jusqu’aux dix dernières minutes, où Blokhine et Onishtchenko décident que ça suffit et en plantent deux à Baratelli (0-2).

La coupe du monde 1974 est terminée avant d’avoir commencé. Pour l’anecdote, si les Bleus s’étaient qualifiés, ils auraient dû jouer un barrage aller-retour contre le Chili, où la république socialiste d’Allende est renversée en septembre. L’URSS ne jouera d’ailleurs pas le retour à Santiago et sera exclue du Mondial.

Pour Stefan Kovacs, le programme est simple : un an de matches amicaux pour tenter de trouver la formule magique et décrocher une qualification qui fuit l’équipe de France depuis huit ans. Contre la Grèce en septembre, il lance donc le grand brassage en faisant débuter sept nouveaux, dont l’avant-centre lyonnais Bernard Lacombe et l’Angevin Marc Berdoll. Victoire facile (3-1), mise en place du football total sauce tricolore et adaptation de la tactique à l’adversaire. On va voir ce qu’on va voir.

 

France-Grèce (3-1), but de Marc Berdoll pour ses débuts

Le mois suivant, les Bleus s’attaquent sans complexe à l’impressionnante équipe de la RFA, championne d’Europe 1972 et adversaire déclaré des Hollandais pour 1974. Kovacs aligne un 4-4-2 avec Bereta en milieu de terrain qui gêne considérablement l’équipe d’Helmut Schön. Le match serait une réussite si Gerd Müller n’était pas passé par là, plantant deux buts en cinq minutes juste avant l’heure de jeu. C’est Marius Trésor qui a sauvé l’honneur des Bleus à la 82e, car Kovacs a demandé à ses défenseurs centraux de ne pas hésiter à monter (1-2).

Pour le dernier match de l’année au Parc face au Danemark, (dont les joueurs sont à l’époque majoritairement amateurs), Kovacs lance encore cinq nouveaux dont le gardien nantais Jean-Paul Bertrand-Demanes, l’attaquant Patrick Revelli ou le meneur de jeu bastiais Claude Papi. Le score est large (3-0) mais la manière est très moyenne. Il faudra s’en contenter.

 

France-Danemark (3-0), but de Georges Bereta

La révélation de l’année

Bernard Lacombe a 21 ans quand il est appelé pour la première fois en équipe de France, contre la Grèce. Il fait les beaux jours de Lyon avec Serge Chiesa en remportant la coupe de France 1973 (et en marquant après un contrôle de la main). S’il ne dispute qu’un peu moins d’une heure en Bleu cette année-là, il se fait remarquer et deviendra par la suite un pilier de la sélection, avec qui il jouera onze ans, comptera 38 sélections et 12 buts marqués. C’est son flair devant les cages et son association avec Platini, avec qui il évoluera en pivot dos au but, qui le rendront indispensable.

Les joueurs de l’année

Pas moins de 33 joueurs ont été appelés cette année-là en sélection, un total considérable pour seulement six matches joués. Seul Georges Bereta a disputé la totalité des rencontres (sans être remplacé) devant Jean-Pierre Adams, Henri Michel et Serge Chiesa (cinq matches). Claude Quittet, Michel Mézy, José Broissart, Jean-Paul Rostagni, Georges Lech et Georges Carnus ont fait leurs adieux. Le nombre de débutants en 1973 est considérable, avec pas moins de quinze nouveaux, dont quatre qui ne connaîtront jamais de deuxième sélection : Jean-Claude Osman, Dario Grava, Daniel Ravier et Bernard Gardon. Les autres nouveaux sont Bernard Lacombe, Roger Jouve, Alain Merchadier, Marc Berdoll, Raymond Domenech, Claude Papi, François Bracci, Pierre Repellini, Christian Sarramagna, Jean-Paul Bertrand-Demanes et Patrick Revelli. Hormis Lacombe, aucun joueur lancé en 1973 n’aura réussi une carrière internationale conséquente.

Les buteurs de l’année

Les deux buts marqués par Serge Chiesa auront suffi pour faire de lui le meilleur buteur d’une équipe de France bien peu inspirée cette année-là, avec neuf buts en six matches. Les autres buteurs sont Molitor, Jouve, Berdoll, Trésor, Bereta, Hervé Revelli et le Danois Larsen contre son camp.

Carnet bleu

Année prolifique rayon landau, avec les naissances de Claude Makelele (18 février), Vikash Dhorasoo (10 octobre), Tony Vairelles (10 avril), Eric Carrière (24 mai), Lionel Letizi (28 mai), Johan Micoud (24 juillet), Stéphane Porato (19 septembre), Vincent Candela (24 octobre), Robert Pires (29 octobre) et Ibrahim Ba (12 novembre).

Sont décédés cette année-là Jacques Canthelou (18 avril), Jean Batmale (3 juin), Louis Mistral (13 juillet), Robert Défossé (30 août) et Rodolphe Hiden (11 septembre).

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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