Le résultat était-il prévisible ?
Compte tenu de l’absence de Lorik Cana dans la défense albanaise, il était raisonnable d’espérer une victoire de Bleus que l’on espérait relâchés et rassurés par leur succès vendredi contre la Roumanie. Mais en se souvenant des problèmes insurmontables posés par l’Albanie en juin 2015 à Elbasan et en novembre 2014 à Rennes, on se doutait bien qu’il fallait tirer un trait sur une victoire facile. Donc l’équipe de France l’a emporté et s’est qualifiée pour les huitièmes de finale, objectif atteint. Mais les hommes de Didier Deschamps se sont compliqués la vie à tel point qu’à l’entame de la 90ème minute, plus grand monde dans les gradins du Vélodrome ne croyait à autre chose qu’un match nul frustrant. Cette équipe-là a assurément beaucoup de choses à revoir, collectivement et individuellement, et il n’est pas sûr du tout qu’elle soit aussi forte que celle de 2014. Mais elle a une capacité à forcer la décision en fin de match qui peut tout changer et qui lui sera précieuse quand viendront les rencontres à élimination directe à la fin juin.
L’équipe est-elle en progrès ?
Le parti-pris de Didier Deschamps, écarter Antoine Griezmann et Paul Pogba (potentiellement ses deux meilleurs joueurs) du groupe des titulaires, pouvait sembler séduisant. Replacer Dimitri Payet dans l’axe avec autour de lui deux joueurs rapides comme Kingsley Coman et Anthony Martial ressemblait fort à un coup de poker audacieux. Mais très vite il est apparu que ça ne marcherait pas. Face à une défense regroupée et bien organisée qui se contentait d’attendre dans ses quarante mètres, les Bleus ont d’entrée tourné en rond, faisant circuler le ballon d’une ligne de touche à l’autre sans prendre la profondeur et sans créer de mouvement devant. La première période a été indigne d’un prétendant au titre, voire même d’un qualifié à l’Euro.
Le changement tactique opéré à la mi-temps, avec un retour à une option plus classique avec Payet à gauche, a donné du mouvement et de la vitesse au jeu français, et c’est dans les cinq premières minutes après la pause que le match aurait dû basculer. Mais sans cadrer le moindre tir en 89 minutes, il est difficile d’espérer quelque chose, et il faudra attendre l’entrée d’Antoine Griezmann pour que les Bleus fassent enfin la différence. L’ensemble aura été quand même bien brouillon, un peu comme lors du huitième de finale de 1998 à Lens contre le Paraguay (but en or de Laurent Blanc).
Quels sont les joueurs en vue ?
Hormis un gros coup de chaud sur l’occasion albanaise de la 52e qui a fini sur le poteau de Lloris, la défense centrale a plutôt bien géré l’affaire. On se souviendra que si Laurent Koscielny n’a pas cadré deux tentatives de la tête, Adil Rami a délivré un centre parfait pour Griezmann au cœur de la surface albanaise. Au milieu, N’Golo Kanté a pris l’ascendant au fil du match malgré un déchet inhabituel pour lui. Dimitri Payet a été bien meilleur de retour sur le flanc gauche après la sortie de Martial. Comme contre la Roumanie, il est monté en régime pour finir plein gaz dans le dernier quart d’heure. Enfin, Kingsley Coman n’a pas eu beaucoup d’espace en première période, mais ses vingt minutes après la pause auraient justifié qu’il reste jusqu’au bout, tant il aura été remuant et très difficile à canaliser.
Quels sont les joueurs en retrait ?
Anthony Martial a sans doute gâché une chance unique de retrouver une place de titulaire perdue cet hiver avec le retour de Payet. Sa prestation a été ratée de bout en bout, ponctuée de mauvais choix, d’erreurs techniques et et de manque évident de coordination avec ses partenaires. Olivier Giroud a eu plusieurs occasions de s’imposer de la tête, mais il les a toutes gâchées, hormis la dernière qui a fini à la base du poteau de Berisha. Patrice Evra a encore une fois laissé de grands espaces derrière lui, notamment sur l’occasion albanaise de la 40e minute où Martial doit s’interposer à sa place. Il aura été plus présent en deuxième période, mais son niveau est inquiétant. Enfin, Blaise Matuidi aura été transparent pendant les trois premiers quarts d’heure, au point qu’on peut se demander si ce n’est pas lui qu’il faudrait remplacer au milieu afin de permettre à Kanté de monter d’un cran.
Quelles sont les attentes pour le prochain match ?
Un nul à Lille contre la Suisse suffira dimanche soir aux Bleus pour finir premiers de leur poule. Un objectif qui semble largement réaliste, même si on se souvient que le dernier match sans vainqueur remonte à novembre 2014. La rotation d’effectif devrait se poursuivre, sans doute pour faire souffler Payet et Kanté, voire Evra et Matuidi, et donner du temps de jeu à Schneiderlin, Cabaye, Sissoko ou Digne. On pourrait imaginer aussi qu’Antoine Griezmann débute, afin d’organiser le jeu devant. Gignac pourrait être aussi titularisé, car il est l’attaquant à avoir le moins joué depuis le début de l’Euro.