Un joueur, une image : plaidoyer pour une mémoire alternative

Publié le 22 avril 2019 - Bruno Colombari

La carrière internationale d’un joueur peut-elle se résumer en quelques secondes destinées à tourner en boucle dans nos mémoires et les archives vidéo ? Et si on cherchait des images alternatives, moins connues mais tout autant, voire plus, représentatives ?

3 minutes de lecture

Richard Coudrais a montré, dans l’article Un joueur, une image : ce que retiendra la mémoire collective, comment la mémoire collective associe une image, une action ou un fait de jeu à un joueur, même si c’est parfois injuste au regard de de que le joueur a apporté pendant sa carrière. Je voudrais maintenant proposer une mémoire alternative.

Celle-ci viserait à rééquilibrer la balance en ne condamnant pas un joueur sur un fait de jeu dont il a été coupable ou victime, ou en rappelant un autre moment, qui vient moins immédiatement à l’esprit, mais qui illustre, parfois mieux, l’apport d’un individu au service du collectif.

Battiston sauve les Bleus sur la ligne contre l’Espagne

La carrière de Patrick Battiston ne peut se résumer au terrible choc avec Harald Schumacher à Séville le 8 juillet 1982. Je me souviens par exemple du sauvetage de la tête sur la ligne de Bats, qui était battu, à la 32e minute de France-Espagne en finale de l’Euro 1984 sur une reprise de la tête de Santillana suite à un corner (à 1’45 sur la vidéo). Comme la Croatie 34 ans plus tard, la Roja avait dominé la première période, et si elle avait atteint la pause avec un but d’avance, nul ne sait si les Bleus l’auraient emporté.


 

Manuel Amoros, c’est certes le coup de tête à Jesper Olsen en ouverture du même Euro 1984, qui lui vaudra un carton rouge et trois matchs de suspension. Mais c’est aussi un sauvetage de la tête sur sa ligne (lui aussi) à la toute fin du match contre la Tchécoslovaquie en juin 1982. Il y avait alors 1-1. Et à 1-2, les Bleus étaient éliminés. Amoros, c’est aussi une splendide frappe des 25 mètres qui trouve la transversale de Schumacher, deux semaines plus tard à Séville. Quelques centimètres plus bas, ça faisait 2-1 pour les Bleus et le ticket direct pour la finale de la Coupe du monde, sans passer par la prolongation. Le même Amoros, monstrueux de sang-froid au moment de transformer son tir au but, à seulement vingt ans…

Barthez-Chevchenko : le premier qui bougera...

Fabien Barthez : ce qui vous revient sûrement, c’est le vol plané au-dessus de Ronaldo en finale de la Coupe du monde 1998. Et pourtant, son arrêt réflexe à la 55e minute, sur une frappe du Brésilien à cinq mètres, alors que Guivarc’h a été lobé, est autrement plus important. A 2-1 et bientôt réduits à dix, les Bleus auraient-ils tenus jusqu’au bout ?

Je me souviens aussi d’un face-à-face magistralement gagné sur Chevchenko en mars 1999 contre l’Ukraine. Face à celui qui était un des plus redoutables buteurs du continent, il commence à sortir, puis s’arrête, recule jusqu’à la ligne des 5,50 mètres et attend la frappe. Déstabilisé, Chevchenko lui tire dessus (à 1’18 sur la vidéo). Le 0-0 est sauvé.


 

Platini, le rendez-vous de novembre

Pour Michel Platini, le geste emblématique dans une carrière qui n’en a pas manqué est bien sûr celui contre le Portugal en juin 1984, quand il inscrit le but de la victoire dans un vélodrome en fusion. Je retiendrai plutôt le coup franc contre les Pays-Bas en novembre 1981 dans un match décisif pour accéder à la Coupe du monde 1982, celle qui fera basculer les Bleus dans une autre dimension. Et ce, alors qu’il sortait d’une année très mauvaise en sélection, marquée par les blessures et les matchs manqués.

Après trois tentatives ratées, la quatrième (après une épaule très peu évidente du Néerlandais Van de Korput, que personne n’a vue) est la bonne : le ballon va mourir près du second poteau, le gardien Van Breukelen n’étant pas très inspiré pour le coup. Comme il l’a déjà fait en 1977 contre la Bulgarie, et comme il le refera en novembre 1985 face aux Yougoslaves, Platoche apporte sa pierre à la qualification mondiale.


 

Henry en excès de vitesse à Bruges

Thierry Henry est certes l’auteur d’une (double) main de filou contre l’Irlande en novembre 2009, un geste qui a marqué la vrai fin de sa carrière en Bleu, même s’il jouera encore quelques matchs jusqu’à l’épilogue catastrophique en Afrique du Sud. Mais il a aussi signé des actions sublimes, comme celle contre le Danemark à l’Euro 2000 à Bruges. Lancé sur le côté droit par Zidane suite à un corner adverse, il part de sa moitié de terrain, place une accélération mbappesque en quatre touches de balle sur cinquante mètres avant de terminer le travail d’un plat du pied enroulé au second poteau (à 1’30 sur la vidéo).


 

Trezegol, l’Islande avant l’Euro

David Trezeguet est entré dans l’histoire le 2 juillet 2000 contre l’Italie d’une volée en or dans la lucarne de Toldo. C’est aussi lui qui, en octobre 1999 contre une Islande revenue de 2-0 à 2-2, avait forcé le destin en marquant le but de la victoire qui épargnait aux Bleus une élimination de l’Euro 2000. C’est sur un corner de Zidane à la 71e qu’une tête de Desailly repoussée par le gardien islandais était reprise à bout portant par Trezeguet (à 18’45 sur la vidéo). La victoire finale (3-2) faisait passer les Bleus en tête de leur groupe grâce à un nul à la dernière minute entre la Russie et l’Ukraine.


 

Lloris à l’horizontale contre le Plat Pays

Hugo Lloris a encaissé ce qui restera comme le plus célèbre but casquette de toutes les finales mondiales, en tentant de crocheter Marko Mandzukic en juillet 2018 à Moscou. Mais il faut aussi se souvenir de ses parades incroyables durant tout le tournoi, que ce soit contre l’Australie au premier tour ou face à la Belgique en demi-finale sur une frappe soudaine de Toby Alderweireld, alors que le score était encore de 0-0. A la différence près que ces arrêts-là ont été décisifs dans le parcours victorieux de l’équipe de France, alors que l’erreur face à Mandzukic n’a eu aucune conséquence.


 

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