[894] France-Maroc (2-0) : ça devient une habitude

Publié le 15 décembre 2022 - Bruno Colombari

Et voilà les Bleus finalistes de la Coupe du monde pour la quatrième fois de leur histoire, la deuxième consécutive. Comme en 2018, cette demi-finale serrée s’est jouée sur des détails, mais les détails étaient français. Bravo au Maroc.

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Le résultat était-il prévisible ?

En cinq matchs et huit heures de jeu, le Maroc, équipe surprise de ce tournoi, n’avait encaissé qu’un but, et encore avait-il été inscrit par Aguerd contre son camp (face au Canada). Autant dire qu’un score large, dans n’importe quel sens d’ailleurs (seulement six buts inscrits côté marocain) relevait de l’improbable. Ce qui l’était aussi, c’était de voir un but français très précoce, dans les cinq premières minutes. Pas le genre de la maison à ce niveau de la compétition, et pourtant c’est ce qui est arrivé sur la première attaque française conclue par une reprise du gauche acrobatique de Théo Hernandez, de près (5e). Ça ne pouvait pas mieux commencer pour les Bleus, qui avaient l’occasion de refaire le même coup qu’il y a six ans à l’Euro, face à une Islande noyée par un tsunami en première mi-temps (4-0). Et ça a bien failli, avec un tir de Giroud sur le poteau et une énorme occasion gâchée successivement par Mbappé devant Bounou puis Giroud qui se précipitait devant la cage ouverte.

Faute d’avoir tué le match quand c’était possible, les Bleus donnaient alors l’occasion au Maroc de revenir dans la partie et ces derniers, magnifiques de courage et de volonté, ont bien failli le faire plusieurs fois. Mais mieux valait que le score soit à 1-0 dans ce sens, et plutôt qu’à un 1-1 qui n’aurait pas été volé, on a eu droit à un 2-0 sur une rare situation brûlante dans la surface marocaine. Les Bleus dans le rôle de la RFA des années 1980, les Marocains dans celui des Français de la même époque : l’esprit de 2018 est toujours là.

L’équipe est-elle en progrès ?

Déjà bien secouée face à l’Angleterre, l’équipe de France n’a pas eu la maîtrise de cette demi-finale, hormis sur quelques temps forts en première mi-temps. Mais elle a géré le score pendant quasiment tout le match, et a terminé la rencontre sans avoir encaissé de but, même s’il a fallu pour ça un poteau et un sauvetage miracle de Koundé dans le temps additionnel. De quoi nourrir de gros regrets côté marocain, mais aussi de constater que l’absence d’Adrien Rabiot au milieu a été très préjudiciable, Youssouf Fofana étant loin de le faire oublier.

C’est un match qui est finalement remporté sans dégâts (ni blessé, ni prolongation, ni carton rouge), mais qui laisse un sentiment de frustration. Comme si cette équipe, dans le prolongement de 2018, se contentait de peu quand elle pourrait beaucoup. Elle ne manque certes pas de générosité dans l’effort défensif et le sacrifice, mais donne l’impression de pouvoir aller beaucoup plus loin. On verra dimanche si elle en est capable, contre une Argentine qui commence à faire peur.

Quels sont les joueurs en vue ?

On ne sait pas si on doit s’extasier devant le jeu d’Antoine Griezmann, qui a été partout sur le terrain (hormis dans les vingt mètres adverses, sauf sur le but de Hernandez), ou se demander s’il est bon signe que ce soit un milieu offensif qui vienne sortir de sa surface, et parfois plus bas que ses propres défenseurs, des ballons adverses. Sans lui, tout serait beaucoup plus compliqué.

Comme il l’avait montré au premier tour, Ibrahima Konaté a été encore une fois très sûr dans l’axe, et concentré, notamment pour fermer les brèches laissées par Théo Hernandez dans le couloir gauche. Son association avec Raphaël Varane, qui fait souvent briller ses partenaires, est une des bonnes surprises de ce tournoi. Et son jeu a moins de déchets que celui d’Upamecano, ce qui, à se poste, est quand même d’une importance vitale.

Hugo Lloris a été beaucoup plus sollicité qu’on aurait pu l’imaginer, et il a parfois eu de la réussite, sauvé par son poteau sur le retourné d’El Yamiq ou par Jules Koundé sur l’ultime occasion marocaine. Pour le reste, il a été sûr dans ses interventions, notamment sur des balles hautes dans la surface qu’il a captées sans douter.

Théo Hernandez a laissé beaucoup d’espace à Boufal dans son couloir, mais avant ça, il avait fait la différence d’entrée par une volée pas facile du tout qui donnait un but d’avance aux Bleus. C’est la deuxième fois qu’il marque en demi-finale, après celle contre la Belgique en Ligue des Nations.

Marcus Thuram a fait une entrée très intéressante côté gauche, Mbappé prenant l’axe à la sortie de Giroud. Il a sans arrêt percuté la défense marocaine dans un style à la Sissoko, tout en puissance, et c’est sur une de ses actions que Mbappé s’infiltre et provoque le but de Kolo Muani.

L’ex-Nantais a marqué après quarante secondes de jeu, alors qu’il n’avait pas encore touché le ballon. Après des débuts en Coupe du monde décevants contre la Tunisie, il a été clinique face au Maroc et inscrit un but très précieux.

Quels sont les joueurs en retrait ?

Le match de Youssouf Fofana a fait largement regretter l’absence d’Adrien Rabiot, qu’il vaudrait mieux voir de retour dimanche face à l’Argentine. Il a semblé perdu côté gauche où il a fait beaucoup de mauvais choix, pas aidé il est vrai par un Mbappé qui s’est désintéressé des replis défensifs.

Mbappé s’est retrouvé sur la route d’Hakimi, et ce dernier n’a pas trop souffert. Le champion du monde n’était pas dans un grand jour, ni offensivement, ni défensivement. Mais c’est sur un zigzag fulgurant en pleine surface qui a désarticulé la défense marocaine que Kolo Muani a inscrit le deuxième but français.

On a retrouvé le Dembélé irritant d’il y a quelques années, avec un déchet tellement important qu’on est en droit de se demander si c’est vraiment l’option la plus utile à droite. En première mi-temps, il a manqué d’engagement et s’est fait souvent manger dans les duels. Logiquement remplacé.

Olivier Giroud n’a d’abord pas eu de chance, sur la frappe du gauche repoussée par le poteau de Bounou. Mais sur sa deuxième occasion, il aurait pu mieux faire que de tirer précipitamment alors que le but était grand ouvert et qu’il n’avait pas de défenseurs au contact.

Quelles sont les attentes pour le prochain match ?

Difficile de dire quel statut aura l’équipe de France dimanche après-midi à Lusail contre l’Argentine. Elle devrait logiquement être favorite, puisque championne du monde en titre. Mais l’Argentine détient la Copa América, et a fait un tournoi dans l’ensemble plus convaincant que celui des Bleus, malgré une défaite initiale contre l’Arabie Saoudite. Messi est rayonnant et entraîne avec lui tout l’effectif qui est prêt pour la conquête du seul titre qui lui manque encore.

A la limite, on pourrait presque dire que les Bleus arriveront à à ce match avec une étiquette de challenger, comme c’était le cas à Kazan en 2018. Sauf que là, l’effet de surprise ne jouera plus, et que cette Argentine-là est plus forte que la précédente, ce qui n’est pas certain côté français.

En atteignant pour la deuxième fois d’affilée une finale mondiale, ce que personne n’a plus fait depuis le Brésil de Ronaldo (1994, 1998 et 2002), l’équipe de France et Didier Deschamps ont de toute façon atteint et même dépassé leur objectif initial (une place dans le dernier carré). Ils n’ont donc pas grand chose à perdre. Qu’ils en profitent pour lâcher les chevaux !

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Hommage à Pierre Cazal