René Petit, Bleu malgré lui

Publié le 24 mai 2020 - Pierre Cazal

C’est la première star française à avoir joué pour le Real Madrid, bien avant Kopa et Zidane. Celui qu’on a comparé rétrospectivement à Alfredo Di Stéfano était sûrement le meilleur joueur français des années 1920. Mais il ne compte que deux sélections. Pourquoi ?

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René Petit ne compte que 2 sélections en équipe de France, à l’occasion du tournoi olympique de 1920 (Italie 3-1, Tchécoslovaquie 1-4). Athlétique, brillant techniquement, excellent de la tête, meneur de jeu dominant, Petit l’inconnu fut une révélation à son poste de demi-centre, et unanimement salué comme le meilleur joueur français. C’était un joueur hors norme, mais il ne porta jamais plus le maillot bleu. Pourquoi ?

Tout d’abord il faut savoir que Petit n’était pas un produit du football français, mais espagnol. Quoique né à Dax en 1899, il avait grandi à Irun et à Madrid, et s’il fut sélectionné c’est parce qu’il accomplissait son service militaire à Bordeaux à partir de novembre 1918,et qu’à cette occasion il avait pris une licence au SBUC (Stade Bordelais Université Club), où ses qualités sautèrent aux yeux : pas un footballeur français ne lui arrivait à la cheville ! Mais il ne sauta pas pour autant d’enthousiasme à l’idée d’intégrer l’équipe de France. Voici ce qu’il en dit, dans Amberes !! Alli nacio la furia Espanola (Felix Martiallay) : « No podia justificar de ninguna manera el no tomar parte en el aludido torneo » (Je ne pouvais pas justifier un refus de participer à ce tournoi). Réaction étonnante de froideur, mais ce n’est pas fini.

L'équipe de France aux JO de 1920.
L’équipe de France aux JO de 1920 à Anvers. René Petit est le deuxième debout en partant de la droite.


La France, ce pays qui n’était pas le sien

La FFFA a tenté de le sélectionner à nouveau en février 1921, alors qu’il était retourné à Irun, service militaire accompli, et même jusqu’en 1924 pour les Jeux Olympiques. En vain. Voici ce que Petit en dit : « A pesar de ser requerido varios veces por la Federacion Francesa, para jugar partidos internacionales, siempre me negue a defender los colores de una nacion que no era la mia, con la esperanza de poder jugar algun dia por España » (Bien que convoqué plusieurs fois par la Fédération Française pour des matches internationaux, je me suis toujours refusé à défendre les couleurs d’un pays qui n’était pas le mien, dans l’espoir de pouvoir un jour jouer pour l’Espagne).

Comment expliquer un tel reniement, de la part d’un homme qui a non seulement porté le maillot orné du coq, mais l’uniforme bleu horizon ?

Il faut comprendre que René Petit n’a pas choisi la nationalité française, il a obéi à son père, Français établi en Espagne et marié à une espagnole, mais qui avait pris soin de faire naître ses fils à Dax, sur le sol français, et de les envoyer à Bordeaux faire leur service militaire. Alors qu’il les avait inscrits à Madrid pour leurs études ! En outre, le frère aîné de René, Jean Petit (qui a joué à ses côtés au Real Madrid) a lui été envoyé au front, où il a été gazé en 1918 à l’ypérite.

Les dégâts causés par le gaz moutarde étaient effroyables, et Juan Petit (comme l’appellent les Espagnols) ne s’en remit jamais, et en mourut quelques années plus tard, de retour à Irun. Comment empêcher René de penser que, s’il avait pu opter pour l’Espagne, le frère dont il était si proche ne serait pas ainsi mort dans de terribles souffrances ?