Arsène Wenger, l’homme qui ne voulait pas des Bleus

Publié le 30 avril 2017 - Bruno Colombari

Depuis 1996, il a eu sous ses ordres à Arsenal une trentaine de joueurs français. La biographie de John Cross éclaire les méthodes et la personnalité de celui qui aurait pu devenir sélectionneur.

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En lisant le livre sur Arsène Wenger (édité en France par Talent Sport, 388 pages, 22 euros) signé par le journaliste du Daily Mirror John Cross, je me suis demandé par curiosité combien de joueurs français ont joué sous ses ordres à Arsenal depuis septembre 1996. Il y en a eu 28. Dont 19 internationaux, et parmi eux quatre champions du monde 1998 et deux champions d’Europe 2000. De Rémi Garde à Mathieu Debuchy, il y aurait de quoi faire une liste complète et cinq réservistes, même si ça manque sérieusement de gardiens : le seul portier français d’Arsenal est Guillaume Warmuz, qui n’a pas disputé un seul match en cinq mois début 2003.

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Consultant, oui, sélectionneur, non

Le nom d’Arsène Wenger est revenu plusieurs fois dans les conversations lorsqu’il a fallu trouver un sélectionneur aux Bleus, dont il a commenté (fort laconiquement, d’ailleurs) les matches avec TF1 pendant dix ans. En 2004, alors qu’Arsenal sortait d’un spectaculaire doublé Championnat-FA Cup (en terminant la saison invaincu), Wenger était sans doute à son apogée, mais il n’avait aucune envie de quitter le club avec lequel il espérait remporter la Ligue des Champions.

La FFF l’a contacté à l’été 2010, quand elle cherchait un successeur à Laurent Blanc, puis en 2012, avant que Deschamps ne se décide. Les deux fois, Wenger a décliné, affirmant que le poste ne l’intéressait pas. Pourtant, à l’été 2016, il n’excluait pas l’éventualité, après Arsenal, de devenir sélectionneur... de l’Angleterre. Une équipe qui n’a plus atteint le dernier carré d’une compétition majeure depuis l’Euro 1996.

Même si l’épilogue du livre de John Cross évoque l’hypothèse de l’arrivée de Wenger à la tête des Bleus après la coupe du monde 2018, cela semble peu probable : en cas de victoire, Didier Deschamps sera indéboulonnable et sans doute tenté de rester deux ans de plus pour tenter de remporter l’Euro 2020 (et de rééditer le doublé 1998-2000).

En cas d’échec, Zinédine Zidane est le postulant numéro un, d’autant qu’il aura entraîné le Real Madrid (s’il tient jusque là) pendant trente mois, une durée très honorable dans ce club. Kevin Jeffries, traducteur du livre (avec Olivier Bougard), avait d’ailleurs émis des doutes sur le désir de Wenger de devenir sélectionneur des Bleus [1].

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L’Emirates Stadium et le départ de David Dein

Qu’apprend-on dans cette bio à l’anglaise ? Outre les chicaneries (parfois violentes) avec Alex Ferguson et José Mourinho, John Cross revient en détail sur les circonstances de l’arrivée de l’Alsacien en septembre 1996, et sur ce qui reste un événement charnière de sa double décennie : la défaite en finale de Ligue des Champions 2006, l’installation à l’Emirates Stadium deux mois plus tard et le renvoi de David Dein en avril 2007. Le vice-président des Gunners, qui avait fortement contribué au recrutement de Wenger, était aussi celui qui pouvait le conseiller, le soutenir et avoir un tant soit peu d’influence sur lui. Dein parti, Arsenal a commencé à décliner sous la pression financière induite par la construction du nouveau stade et l’obligation vitale de se qualifier chaque année pour la lucrative Ligue des Champions.

Si on ajoute à ces facteurs l’incapacité de Wenger à déléguer une partie de ses prérogatives, notamment en terme de recrutement, à des choix malheureux dans les départs et arrivées de joueurs et à son sentiment d’être inamovible, on arrive au constat suivant : aucun titre depuis 2004, deux Coupes d’Angleterre en 2014 et 2015, régulièrement éliminé en huitièmes de finale de Ligue des champions depuis 2010. Arsenal a de plus en plus de mal à se maintenir dans le top 4, et Wenger de plus en plus contesté.

Docteur Wenger et Mister Arsène

John Cross met bien en avant tout ce que l’entraîneur français a apporté au club londonien, englué dans une querelle d’égos et de sordides histoires de beuveries dans les années 90 : discipline, méthode, hygiène alimentaire, étirements, variété des jeux à l’entraînement, hausse des salaires et investissement dans les infrastructures de pointe. Sans oublier le recrutement de jeunes talents à très fort potentiel, comme Vieira, Anelka, Henry ou Van Persie, revendus à prix d’or.

Mais il n’occulte pas le côté sombre de Wenger, le mépris qu’il peut exprimer pour ses détracteurs (qui ne l’épargnent pas), le manque de reconnaissance envers certains joueurs-cadres et la propension à faire reprendre trop vite des joueurs qui reviennent de blessure. Curieusement, le cas d’Abou Diaby, qui a passé neuf ans au club et a cumulé 42 pépins physiques plus ou moins grave, n’est pas évoqué. Avec cinq matches disputés en deux saisons à l’OM, le milieu de terrain international n’a pas fait beaucoup mieux depuis...

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