La ville de Stuttgart, qui compte aujourd’hui plus de 620.000 habitants, se trouve à une centaine de kilomètres de la frontière franco-allemande. Son stade, qui a porté plusieurs noms au cours de son histoire, est un monument emblématique du sport allemand. Il a abrité dix matchs de Coupes du monde et sept rencontres de l’Euro alors qu’il accueille en juin 2025 deux rencontres de la Ligue des nations. Il a également été le théâtre de championnats internationaux d’athlétisme, de rencontres de boxe, de compétitions gymniques et de finales de Coupes d’Europe de football. L’équipe de France y a joué quatre fois.
Une défaite au Adolf-Hitler-Kampfbahn
C’est en 1929 aux abords de la rivière Neckar que commence la construction du Stuttgarter Kampfbahn, conçu par les architectes Paul Bonatz et Friedrich Eugen Scholer. Après quatre ans de travaux, le stade est inauguré par une rencontre de football entre une équipe de joueurs locaux contre une sélection de Nuremberg et de Fürth. Il a une capacité de quarante mille spectateurs, dont plus de deux mille qui peuvent se mettre à l’abri sous un toit. L’enceinte est bien entendu destinée au VfB Stuttgart, le principal club de la ville fondé en 1893, mais le premier événement, du 26 au 31 juillet 1933, est la quinzième édition du Festival allemand de gymnastique. A cette occasion, le stade prend le nom d’Adolf-Hitler, le maire de la ville étant un sympathisant du chancelier élu quelques mois plus tôt. Le club du VfB Stuttgart gardera quant à lui cette sinistre réputation d’avoir été un club phare du national-socialisme, au même titre que Schalke 04, le Werder Brême et Munich 1860.
En janvier 1935, la capacité du stade est portée à plus de soixante dix mille spectateurs grâce à des tribunes provisoires en bois. L’équipe nationale allemande y dispute son premier match contre la Suisse. Deux ans plus tard, le 21 mars 1937, elle y revient pour affronter la France. Devant soixante douze mille spectateurs pour la plupart vêtus de chemises brunes, tandis que les drapeaux rouges à croix gammée flottent au vent, l’équipe de France s’incline 4-0, un résultat dont paradoxalement se satisfont la presse française et le sélectionneur Gaston Barreau. La fable des valeureux perdants face à ceux qui gagnent toujours à la fin, en quelque sorte.
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Le Miroir des sports du 23 mars 1937 (BNF, Gallica)
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le stade de Stuttgart est réquisitionné par les forces d’occupation américaines qui y organisent des rencontres de base-ball. Il est rebaptisé Century Stadium, en anglais dans le texte. En 1949, il prend le nom de Neckarstadion, en référence au fleuve qui traverse la ville. C’est un nom qu’il conservera pendant plus de quarante ans, et que les Stuttgartois utilisent encore aujourd’hui malgré de nouvelles dénominations. Le stade a subi plusieurs rénovations qui lui permettent d’accueillir près de cent mille spectateurs. La finale de la Coupe d’Europe de 1959, qui voit le Real Madrid conserver son trophée aux dépens du Stade de Reims, est disputée devant 80.000 spectateurs. En septembre 1962, le Neckarstadion accueille la finale à rejouer de la Coupe des vainqueurs de Coupes, l’Atlético Madrid et la Fiorentina n’ayant pu se départager à Glasgow.
Un match nul au Neckarstadion
L’équipe de France revient à Stuttgart le 24 octobre 1962, invitée à une rencontre amicale contre la RFA, puisque le pays a été coupé en deux. C’est la septième opposition entre les deux sélections. Devant soixante quinze mille spectateurs, les Tricolores privés de Kopa mènent 2-0 à la pause mais se font rejoindre en seconde période, les Allemands profitant de l’infortune du gardien français Georges Lamia.
Au cours de l’été 1963, l’éclairage artificiel est installé au Neckarstadion afin de pouvoir organiser des rencontres en nocturne. Il s’agit d’une obligation pour les clubs qui souhaitent disputer la toute nouvelle Bundesliga. En septembre 1965, le stade accueille les épreuves masculines de la Coupe d’Europe des nations d’athlétisme.
En 1966, l’Allemagne de l’Ouest est désignée pour organiser la Coupe du monde 1974. Le stade de Stuttgart subit d’importants travaux en vue du tournoi. La tribune principale est démolie pour y construire des gradins sur trois niveaux. En face, un toit est installé et dans le virage apparaît un impressionnant tableau d’affichage numérique. Quatre rencontres de la Coupe du monde sont jouées dans une enceinte pouvant contenir 70.000 spectateurs. En 1976, les Rolling Stones font du Neckarstadion un lieu de concert qui sera très prisé par la suite.
Dans les années 1980, le tableau d’affichage numérique est remplacé par un écran vidéo. Le stade accueille les championnats d’Europe d’athlétisme en 1986 puis de football en 1988. Il abrite également la finale de la Coupe d’Europe des Clubs champions 1988 qui voit le sacre du PSV Eindhoven aux dépens de Benfica (aux tirs au but). La saison suivante, il vit l’épopée du VfB en Coupe de l’UEFA qui conduit le club jusqu’en finale où le Napoli de Diego Maradona met fin à ses rêves de titre européen.
Une victoire au Gottlieb-Daimler Stadion
En 1993, le stade se prépare à accueillir les quatrièmes championnats du monde d’athlétisme. Pour l’occasion, le Neckarstadion est renommé stade Gottlieb Daimler en hommage à l’inventeur des premiers moteurs automobiles à essence, décédé à Stuttgart en 1900. En vérité, ce naming déguisé fait partie d’un accord conclu avec la firme Daimler-Mercedes-Benz pour le financement d’une partie des travaux.
C’est un peu plus tard que l’équipe de France réapparaît à Stuttgart. Le 1er juin 1996, juste avant l’Euro en Angleterre, un match amical de préparation oppose les hommes d’Aimé Jacquet à ceux de Berti Vogts, et ce sont les premiers qui s’imposent (1-0) sur un but de Laurent Blanc. Les Français n’avaient plus gagné en terre allemande depuis 1954.
Au début du nouveau siècle, une nouvelle phase de travaux transforme le stade de Stuttgart dans la perspective de la Coupe du monde 2006. La capacité de l’enceinte est passée à 55.000 places. Le Gottlieb-Daimler Stadion abrite six rencontres de la compétition notamment le match France-Suisse du 13 juin 2006 où les hommes de Raymond Domenech sont accrochés (0-0) devant 52.000 spectateurs. On est loin d’imaginer alors qu’une des deux équipes va se retrouver en finale un mois plus tard.
Une demi-finale à la MHP Arena
Deux ans après la Coupe du monde, le VfB Stuttgart obtient que le stade, pourtant un haut lieu de l’athlétisme international, devienne une enceinte exclusivement réservée au football. L’endroit se voit attribuer un nouveau nom, la Mercedes-Benz Arena, ne cachant désormais plus le naming d’un sponsor. Le stade de quarante et un mille places poursuit sa mue au gré des travaux et des changements de noms. Il est réquisitionné pour l’Euro 2024 et prend le nom de Stuttgart Arena le temps du tournoi avant d’adopter celui de MHP Arena, du nom d’une société de conseil filiale du groupe Porsche. Aujourd’hui, le stade peut accueillir entre cinquante quatre et soixante mille spectateurs selon sa configuration.
Le 5 juin 2025, l’équipe de France évoluera pour la cinquième fois de son histoire dans le stade de Stuttgart, se rappelant qu’elle n’y a concédé qu’une seule une défaite pour une seule victoire. S’ils disputent la rencontre, Marcus Thuram devra se souvenir que son père Lilian y a joué deux fois avec les Bleus, à dix ans d’intervalle (1996 et 2006), partageant ce record français avec Zinédine Zidane. Trois tricolores seulement y ont mis un but : Edouard Stako et Yvon Goujon en 1962 puis Laurent Blanc en 1996. Benjamin Pavard n’aura aucun mal à reconnaître un stade où il a joué pendant trois ans, succédant à Didier Six et Gilbert Gress.
Stuttgart : une victoire, une défaite et deux matchs nuls
Num | Match | Date | Nom du stade | Adversaire | Score | Affluence | |
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140 | Amical | 21/03/1937 | Adolf-Hitler-Kampfbahn | Allemagne | 0-4 | 72.000 | |
277 | Amical | 24/10/1962 | Neckarstadion | RFA | 2-2 | 75.000 | |
538 | Amical | 01/06/1996 | Gottlieb-Daimler Stadion | Allemagne | 1-0 | 53.135 | |
672 | CM 2006 | 13/06/2006 | Gottlieb-Daimler Stadion | Suisse | 0-0 | 52.000 | |
924 | LDN 2025 1/2 | 05/06/2025 | MHP Arena | Espagne | .-. |
Les Tricolores qui y ont joué : Laurent Di Lorto, Maurice Dupuis, Raoul Diagne, Michel Payen, François Bourbotte, Edmond Delfour, Jules Bigot, Roger Rio, Jean Nicolas, Ignace Kowalczyk, Fritz Keller, Georges Lamia, Jean Wendling, Maryan Synakowski, André Lerond, Bruno Rodzik, Joseph Bonnel, René Ferrier, Edouard Stako, Laurent Robuschi, Yvon Goujon, Paul Sauvage, Bernard Lama, Laurent Blanc, Marcel Desailly, Éric Di Meco, Bixente Lizarazu, Christian Karembeu, Jocelyn Angloma, Didier Deschamps, Vincent Guérin, Sabri Lamouchi, Patrice Loko, Youri Djorkaeff, Christophe Dugarry, Reynald Pedros, Zinédine Zidane (2), Lilian Thuram (2), Fabien Barthez, Willy Sagnol, William Gallas, Éric Abidal, Patrick Vieira, Claude Makélélé, Sylvain Wiltord, Vikash Dhorasoo, Franck Ribéry, Louis Saha, Thierry Henry.