2018, un bilan en bleu (2/6) : le sélectionneur

Publié le 8 décembre 2018 - Bruno Colombari

Après Hidalgo en 1984, Jacquet en 1998 et Lemerre en 2000, Didier Deschamps est devenu le quatrième sélectionneur des Bleus titré. Il a aussi battu le record de matchs dirigés en équipe de France. Qui dit mieux ?

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C’était l’année de tous les records pour Didier Deschamps : après avoir battu le total de victoires de Domenech et Hidalgo en 2017, il est devenu en juin le sélectionneur français ayant dirigé le plus de matchs (80 contre l’Argentine) puis le premier Français à remporter une Coupe du monde comme joueur et une autre comme sélectionneur (comme l’avaient fait avant lui le Brésilien Mario Zagallo et l’Allemand Franz Beckenbauer).

Et pourtant, il a dû faire face à de nombreuses critiques (moindres toutefois que celles essuyées par Jacquet en 1998 ou Domenech entre 2008 et 2010) sur le manque d’ambition tricolore dans le jeu, surtout compte tenu du nombre élevé de joueurs de classe mondiale à sa disposition.

Face à l’Australie, une révolution avortée

Jusqu’à l’ouverture de la Coupe du monde, le sélectionneur a semblé hésiter sur sa ligne de conduite. Face à l’Australie, il aligne Tolisso plutôt que Matuidi au milieu et titularise Dembélé en attaque, Mbappé occupant la pointe à la place de Giroud. Ça ne marche pas, sans doute aussi parce qu’il semble étonnant de tester un dispositif en début de tournoi, alors qu’il y a eu trois matchs de préparation avant.

« Le pressing n’était pas coordonné, analyse-t-il après la rencontre. Il ne s’agit pas de toujours aller chercher la balle. Quand on la récupérait dans une zone médiane, on n’a pas eu ce coup d’accélérateur. Le manque de liant, c’est un ensemble de choses. Il aurait fallu être plus coordonné. »

Retour au pragmatisme

Plus la compétition avance, plus le pragmatisme l’emporte, avec un 4-2-3-1 composé d’une ligne de trois milieux offensifs assez baroque, avec à droite un pur attaquant (Mbappé), dans l’axe un faux avant-centre (Griezmann) et à gauche un milieu relayeur (Matuidi). Cette ligne-là dessinait plutôt une diagonale beaucoup plus basse à gauche qu’à droite.

En début de match contre l’Argentine ou la Belgique, on a ainsi vu des Bleus massés entre l’entrée de la surface et une ligne imaginaire à quarante mètres de leur but, et attendre sans faire de pressing. Une fois l’adversaire dans la nasse, l’idée était de ressortir très vite (le fameux jeu de transition) et de lancer en profondeur le duo Griezmann-Mbappé.

« Plus on a le ballon et plus on les oblige à défendre, et mieux c’est parce que ce n’est pas là qu’ils sont les meilleurs. Ils ont eu une possession plutôt stérile, ils se passaient le ballon entre défenseurs. La pire des choses c’est d’aller chercher pour laisser l’ouverture dans l’axe pour Messi, Mascherano, Banega. Leur relation est systématique, si on veut que Messi ait moins d’influence, c’était important de bloquer ces deux joueurs-là. » 

Un système qui montre ses limites en finale

Astucieux quand il est exécuté avec rigueur et esprit de sacrifice, ce système n’est pas une garantie absolue : contre la Croatie en finale, il a fallu des circonstances très favorables (but croate contre son camp sur un coup franc consécutif à une faute très légère, et pénalty pour une main croate peu évidente) pour sortir vivant d’une première mi-temps effrayante.


 

A l’automne, la machine se grippe

En Allemagne en septembre, avec une composition utraconservatrice (Hugo Lloris, forfait, est le seul titulaire de la finale du 15 juillet à ne pas être aligné) seul un grand Areola a permis de préserver le 0-0 alors qu’en octobre à Guingamp les Islandais ont frôlé la victoire. Privés de Hernandez, Umtiti et Pogba, ce qui fait beaucoup, les Bleus dépassés ont bu la tasse à Rotterdam en novembre, Lloris empêchant (9 arrêts) une raclée historique face à des Néerlandais revanchards.

« Nos insuffisances ont été criantes. Sur les points forts qui nous ont permis d’enchaîner les résultats, il n’y en avait pas assez ce soir. C’est le constat évident. Au match aller, on avait déjà eu une fin de match difficile contre eux. C’est une équipe jeune, mais qui a beaucoup de qualité et avec la confiance et leurs individualités, ils ont créé des décalages et nous ont mis en souffrance. »

Cette deuxième défaite de l’année, la seule en compétition en 1998, a coûté cher aux Bleus puisqu’elle les a sorti de la Ligue des Nations, ce qui ne fait jamais plaisir à un compétiteur acharné comme Deschamps. Mais pour le coup, il peut s’en prendre qu’à lui-même : comme en juin 2017 en Suède, sa stratégie trop frileuse à trois milieux défensifs (Kanté, Nzonzi et Matuidi) conçue pour ramener un nul a échoué.

Pragmatisme contre crispation

C’est d’autant plus surprenant qu’entre l’Euro 2016 et la Coupe du monde 2018, le sélectionneur avait plutôt fait preuve de pragmatisme en lançant des jeunes prometteurs en attaque (Dembélé, Lemar et Mbappé), et en renouvelant ses défenseurs latéraux (Sidibé et Mendy). Depuis le retour de Russie, l’impression qui domine est une crispation de Deschamps sur un schéma qui a marché à un instant T, celui des matchs à élimination directe du tournoi mondial — et encore, essentiellement contre l’Uruguay en quart et la Belgique en demi — et qu’il reproduit autant que faire se peut.

2019 verra-t-elle l’évolution, sinon la métamorphose, de la sélection vers un projet de jeu plus ambitieux, comme Roger Lemerre l’avait fait entre 1998 et 2000 ? Le parcours sur-mesure défini par le tirage au sort du 2 décembre pour les qualifications de l’Euro 2020 pourraient en donner l’occasion. Réponse dans les prochains mois.

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