Il aura fallu attendre le seizième et dernier match de l’année pour apercevoir quelque chose qui pourrait rester dans les souvenirs. Qui l’aurait cru ? Un millésime européen, normalement, laisse toujours des traces (hormis sans doute les éditions 1992 et 1996, particulièrement arides). Qu’elles soient joyeuses comme les triplés de Platini en 1984, la volée de Trezeguet en 2000 ou le doublé de Griezmann en 2016, ou douloureuses comme la tête de Charisteas en 2004 ou la remontada suisse de 2021.
L’Euro 2024 alimentera sans doute les quizz piégeux dans vingt ou trente ans, tant son impact dans les mémoires n’a pas dépassé celui de l’épaule de Kevin Danso sur le nez de Kylian Mbappé, qui aura joué trois matchs masqué et diminué. Il faudrait du courage (et beaucoup de temps à perdre) pour revoir chacun des six matchs de l’été allemand, mais comment en retenir quelque chose ?
Un type de but en voie de disparition
Finalement, les souvenirs les plus proches sont sans doute les meilleurs. J’ai tout d’abord pensé au but de Florian Wirtz en mars à Lyon, sur une combinaison-éclair au coup d’envoi qui a décousu l’axe des Bleus en sept petites secondes. Mais si on essaie plutôt d’en garder un positif, ce sera le coup franc de Lucas Digne contre l’Italie en novembre à Milan.
Pourquoi celui-là ? Parce que c’est un exercice quasiment disparu. D’arme fatale à l’époque de Platini, Genghini ou Zico, le coup franc direct est devenu un mini-corner avec pour objectif de trouver une tête au premier ou au second poteau par un centre à la trajectoire courbe. Griezmann était très bon à ce jeu-là, et avec Giroud, Varane, Pogba ou Umtiti, les Bleus ne manquaient pas de finisseurs dans la surface.
Le recours à la VAR a multiplié le nombre de pénalties, mais les fautes aux abords extérieurs de la surface se font plus rares, et sont assez peu jouées par des frappes directes. Quand c’est le cas, elles sont le plus souvent hors cadre. L’avant-dernier coup franc direct réussi par les Bleus remonte ainsi à mars 2018 (Paul Pogba contre la Russie). C’est loin !
Un coup franc Digne de San Siro
Le 17 novembre, l’équipe de France joue le dernier match de l’année à San Siro contre l’Italie. Les deux équipes sont déjà qualifiées pour les quarts de finale de la Ligue des Nations 2025, mais il y a un double enjeu pour les Bleus : effacer la défaite du match aller au Parc en septembre (1-3) et prendre la première place, pour être tête de série et bénéficier d’une place assurée en barrages pour la Coupe du monde 2026.
Le match a bien commencé avec une tête victorieuse de Rabiot sur un corner de Digne dès la deuxième minute. A la 33e, Maignan trouve directement Nkunku qui part en contre avant d’être stopppé par Frattesi. Coup franc, à 25 mètres environ dans l’axe, légèrement sur la gauche. Nkunku et Digne entourent le ballon. Le premier, droitier, semble décidé à le frapper mais c’est finalement l’arrière gauche des Bleus qui s’élance. Son tir brossé du gauche contourne le petit mur italien, monte et s’écrase sur la barre de Guglielmo Vicario avant d’entrer dans la cage.
On le donne tous à @LucasDigne le but, on est d’accord ? 🎯🤩#FiersdetreBleus pic.twitter.com/tzbeUqcuQv
— Equipe de France ⭐⭐ (@equipedefrance) November 19, 2024
Le but est superbe, Digne est légitiment fier et heureux (c’est son premier but en équipe de France, à sa cinquantième sélection) et on l’est pour lui. Plus que ceux de Platini, son coup franc rappellent ceux de Genghini en 1982, face au Koweït puis à l’Autriche.
Mais le ralenti montre que le ballon a ricoché sur la tête de Vicario après avoir heurté la barre. Autrement dit, si le gardien italien n’avait pas été sur la trajectoire, il n’y aurait pas eu but. C’est donc un CSC attribué après quelques minutes de doute à Vicario, et c’est bien dommage car Digne le méritait.
On se souvient alors de deux autres buts marqués sur coup franc : celui de Michel Platini contre l’Espagne lors de la finale de l’Euro 1984, où Luis Arconada plonge, semble bloquer le ballon avant que ce dernier ne jaillisse sous son bras et ne franchisse la ligne. Et aussi de la frappe lourde du néerlandais Arnold Muhren en mars 1981 à Rotterdam, avec le ballon qui frappe la barre, puis la tête de Dominique Dropsy avant de rentrer. Dans ces deux cas, le but avait été accordé au tireur. Ce ne sera plus le cas désormais.
Lucas Digne, frustré d’un premier but, aura au moins la satisfaction d’avoir fait une performance de haut niveau, certainement son meilleur match en Bleu : outre ce coup franc, il a délivré deux passes décisives à Adrien Rabiot, la première sur corner, la deuxième sur un coup franc venu de la gauche, peu après l’heure de jeu. De quoi lui valoir, pour 2025, un statut de titulaire ?