Même s’il a annoncé, mercredi 8 janvier, qu’il ne prolongera pas son mandat au-delà, c’est Didier Deschamps qui conduira l’équipe de France à la Coupe du monde 2026 si celle-ci parvient à se qualifier. Cela constituera pour le sélectionneur sa quatrième Coupe du monde consécutive, ce qui est une performance exceptionnelle. Au niveau de l’équipe de France, jusqu’alors, seul Gaston Barreau avait conduit l’équipe lors de trois tournois (1934, 1938 et 1954) et encore, pas toujours comme sélectionneur principal. Par ailleurs, Michel Hidalgo (1978 et 1982) et Raymond Domenech (2006 et 2010) sont les seuls autres qui ont dirigé les Bleus lors de plus d’une phase finale de Coupe du monde.
DD face aux neuf géants
La série de Didier Deschamps prend toute sa mesure au niveau international. En bientôt cent ans d’histoire, la Coupe du monde de football ne compte en effet que neuf sélectionneurs qui ont dirigé une équipe dans au moins quatre phases finales de la Coupe du monde.
Ceux-ci sont à classer dans deux catégories. Il y a les monuments nationaux viscéralement attachés à la sélection de leur pays : les Allemands Sepp Herberger et Helmut Schön, l’Anglais Walter Winterbottom, le Hongrois Lajos Baroti, l’Uruguayen Óscar Tabarez, une confrérie à laquelle on pourra ajouter Didier Deschamps. Et puis il y a les globe-trotters, ces aventuriers que l’on retrouve régulièrement à la tête de différentes sélections, parfois les plus improbables : le Brésilien Carlos Alberto Parreira, le Yougoslave Bora Milutinovic, le Français Henri Michel et le Portugais Carlos Queiroz.
C’est Carlos Alberto Parreira qui détient le record de participations à la Coupe du monde en tant que sélectionneur, avec six phases finales. Il dirige le Koweït en 1982, les Emirats arabes unis en 1990, le Brésil en 1994, l’Arabie Saoudite en 1998, à nouveau avec le Brésil en 2006 et enfin l’Afrique du Sud en 2010. Cela représente un total de 23 rencontres pour 11 victoires (dont une aux tirs au but). On ne compte bien entendu pas les deux tournois (1970 et 1974) où il était l’adjoint de Mario Zagallo. S’il a remporté le titre mondial en 1994 avec la sélection de son pays, il a connu quelques déboires avec les autres sélections.
Le Yougoslave Bora Milutinovic a quant à lui participé à cinq Coupes du monde consécutives avec une sélection différente : le Mexique en 1986, le Costa Rica en 1990, les États-Unis en 1994, le Nigeria en 1998 et enfin la Chine en 2002. Son bilan est de 20 matchs pour 8 victoires. Hormis la sélection chinoise rentrée à la maison sans même inscrire le moindre but, le sorcier yougoslave est toujours parvenu à passer le premier tour malgré les moyens parfois limités de ses joueurs.
Les deux autres globe-trotters notoires sont le Français Henri Michel qui a dirigé la France en 1986, le Cameroun en 1994, le Maroc en 1998 puis la Côte d’Ivoire en 2006, et le Portugais Carlos Queiroz, sélectionneur du Portugal en 2010 puis de l’Iran en 2014, 2018 et 2022.
DD plus grand que Helmut Schön ?
Si l’on s’en tient au nombre de matchs disputés en phase finale, le record est détenu par un autre homme, l’Allemand Helmut Schön. Celui qui fut l’adjoint de Sepp Herberger en 1958 et 1962 a pris la suite en 1966 et a conduit la Mannschaft lors de quatre Coupes du monde, jusqu’en 1978. Il totalise 25 rencontres de phase finale dont 16 remportées, ce qui en fait le recordman absolu dans les deux catégories. Or, en 2026, Didier Deschamps pourrait bien titiller ces deux records. Entre 2014 et 2022, l’équipe de France a disputé 19 rencontres et en a remporté 14. Si les Bleus disputent les quarts de finale de la Coupe du monde 2026 (totalisant ainsi six rencontres), ils feront de leur sélectionneur l’égal de la légende d’outre-Rhin.
Mieux, s’ils parviennent en demi-finales, ils placeront notre DD national au firmament des sélectionneurs de la Coupe du monde. Didier Deschamps comptera en effet le plus grand nombre de matchs dirigés par un sélectionneur et probablement le plus grand nombre de matchs remportés (il est à deux unités du record). En outre, en termes de performance pure, le Français aura également dépassé l’Allemand, qui compte une Coupe du monde remportée (1974), une finale perdue (1966), une demi-finale (1970) et un échec que l’on peut situer au stade des quarts de finale (1978).
Et comme ce serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, on peut imaginer que les Bleus de DD remporteront la Coupe du monde 2026. Cela hisserait alors Didier Deschamps à la hauteur de l’Italien Vittorio Pozzo, le seul sélectionneur à compter deux titres mondiaux (1934, 1938).
DD n’est pas tout seul
Gardons-nous toutefois de rêver trop haut. Didier Deschamps n’est pas le seul sélectionneur à avoir la possibilité de battre en 2026 quelques records d’assiduité. Le Portugais Carlos Queiroz par exemple pourrait disputer sa cinquième Coupe du monde comme sélectionneur. Après avoir conduit le Portugal en 2010 et l’Iran lors des trois Coupes du monde suivantes, il se verrait bien, à 71 ans, à la tête d’une autre sélection pour honorer sa cinquième phase finale.
Le seul autre sélectionneur susceptible de participer à son cinquième mondial est Óscar Tabárez (77 ans). Mais l’Uruguayen, physiquement diminué, s’est retiré en 2021 après n’avoir pu qualifier la Celeste pour le mondial qatari, qui aurait constitué sa cinquième phase finale.
A l’instar de Didier Deschamps, d’autres sélectionneurs sont susceptibles de disputer leur quatrième phase finale en 2026. Le Portugais Fernando Santos (69 ans), qui a conduit la Grèce en 2014 puis le Portugal en 2018 et 2022, est le mieux placé. Certes, il est actuellement à la tête de la sélection d’Azerbaïdjan et une qualification de celle-ci constituerait une sacrée surprise. Toutefois, le Portugais pourrait être appelé à diriger une autre sélection.
D’autres sélectionneurs pourraient également participer à leur quatrième Coupe du monde en fonction des opportunités, de leur motivation et de leur santé : l’Allemand Joachim Low (64 ans), le Colombien Luis Fernando Suárez (64 ans), le Colombien Hernán Dário Gómez (68 ans), l’Argentin José Pékerman (74 ans), le Brésilien Luiz Felipe Scolari (75 ans), le Suédois Lars Lagerbäck (76 ans), le Néerlandais Guus Hiddink (77 ans). On notera qu’à 56 ans, Didier Deschamps fait figure de gamin et aura le temps, si le cœur lui en dit, de battre d’autres records.
Le classement des sélectionneurs de la Coupe du monde
P : nombre de phases finales disputées comme sélectionneur principal. M : nombre de matchs dirigés. V : nombre de victoires hors tirs au but. Vtab : victoires aux tirs au but.
Nom | P | Sélections et tournois | M | V | Vtab | Titre |
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Carlos Alberto Parreira (BRA) | 6 | Koweit 1982, EAU 1990, Brésil 1994, Arabie Saoudite 1998, Brésil 2006, Afrique du Sud 2010 | 23 | 10 | 1 | CM-1994 |
Bora Milutinovic (YUG) | 5 | Mexique 1986, Costa Rica 1990, Etats-Unis 1994, Nigeria 1998, Chine 2002 | 20 | 8 | 0 | |
Helmut Schön (GER) | 4 | RFA 1966, 1970, 1974, 1978 | 25 | 16 | 0 | CM-1974 |
Óscar Tabarez (URU) | 4 | Uruguay 1990, 2010, 2014, 2018 | 20 | 10 | 1 | |
Sepp Herberger (GER) | 4 | Allemagne 1938, 1954, 1958, 1962 | 18 | 9 | 0 | CM-1954 |
Henri Michel (FRA) | 4 | France 1986, Cameroun 1994, Maroc 1998, Côte d’Ivoire 2006 | 16 | 6 | 1 | |
Lajos Baroti (MAG) | 4 | Hongrie 1958, 1962, 1966, 1978 | 15 | 5 | 0 | |
Walter Winterbottom (ENG) | 4 | Angleterre 1950, 1954, 1958, 1962 | 14 | 3 | 0 | |
Carlos Queiroz (POR) | 4 | Portugal 2010, Iran 2014, 2018, 2022 | 13 | 3 | 0 | |
Luiz Felipe Scolari (BRA) | 3 | Brésil 2002, Portugal 2006, Brésil 2014 | 21 | 14 | 2 | CM-2002 |
Mário Zagallo (BRA) | 3 | Brésil 1970, 1974, 1998 | 20 | 13 | 1 | CM-1970 |
Didier Deschamps (FRA) | 3 | France 2014, 2018, 2022 | 19 | 14 | 0 | CM-2018 |
Enzo Bearzot (ITA) | 3 | Italie 1978, 1982, 1986 | 18 | 9 | 0 | CM-1982 |
Guus Hiddink (NED) | 3 | Pays-Bas 1998, Corée du Sud 2002, Australie 2006 | 18 | 7 | 1 | |
Joachim Low (GER) | 3 | Allemagne 2010, 2014, 2018 | 17 | 12 | 0 | CM-2014 |
Guy Thys (BEL) | 3 | Belgique 1982, 1986, 1990 | 16 | 6 | 1 | |
José Pékerman (ARG) | 3 | Argentine 2006, Colombie 2014, 2018 | 14 | 9 | 0 | |
Gavriil Kachalin (URSS) | 3 | URSS 1958, 1962, 1970 | 13 | 6 | 0 | |
Fernando Santos (POR) | 3 | Grèce 2014, Portugal 2018, 2022 | 13 | 5 | 0 | |
Sven Göran Eriksson (SVE) | 3 | Angleterre 2002, 2006, Côte d’Ivoire 2010 | 13 | 6 | 0 | |
Lars Lagerbäck (SVE) | 3 | Suède 2002, 2006, Nigeria 2010 | 11 | 2 | 0 | |
Karl Rappan (AUT) | 3 | Suisse 1938, 1954, 1962 | 10 | 3 | 0 | |
Luis Fernando Suárez (COL) | 3 | Equateur 2006, Honduras 2014, Costa Rica 2022 | 10 | 3 | 0 | |
Hernán Dário Gómez (COL) | 3 | Colombie 1998, Equateur 2002, Panama 2018 | 9 | 3 | 0 | |
Gaston Barreau (FRA) | 3 | France 1934, 1938, 1954 | 5 | 2 | 0 |