Les saisons impaires étaient traditionnellement un répit entre deux phases finales. Mais avec le remplacement des phases qualificatives par la Ligue des Nations, qui occupe désormais les neuf mois entre septembre et juin, ces saisons-là ressemblent de plus en plus à celles garnies de matchs amicaux réservées aux sélections qualifiées d’office car organisatrices ou tenantes du titre [1]
Voilà pourquoi on ne tirera aucune conclusion de cette saison 2024-2025 sans aucune continuité, hormis une mini-série d’invincibilité de cinq matchs à l’automne. On y a vu les Bleus battus à domicile par l’Italie, avant de l’emporter à Milan sur le même score. On y a vu la Croatie tourner les Français en bourrique à Split, trois jours avant que ce ne soit l’inverse. On y a vu les attaquants espagnols passer cinq buts à la défense tricolore, puis la défense de la Roja se faire hacher menu par les offensives bleues, puis une victoire face à l’Allemagne, mais pour la troisième place.
La fin de la génération Griezmann
Avec six victoires pour trois défaites et un nul, cette saison n’est statistiquement pas bonne, encore moins du côté des buts encaissés (13). Mais Didier Deschamps, qui a annoncé le 8 janvier qu’il n’ira pas au-delà de la Coupe du monde 2026, a aussi précisé après un Euro décevant que le groupe avait besoin « d’oxygénation », comme il le dit pour la première conférence de presse fin août, où il convoque trois olympiques (Loïc Badé, Manu Koné et Michael Olise). Un projet qui avait encore plus de sens après la cuisante défaite face à l’Italie, début septembre (1-3) et l’annonce, à la fin du mois, de la fin de carrière internationale d’Antoine Griezmann.
« Antoine était et restera un monument du football français, l’un des plus grands joueurs de son histoire. Au-delà de ses 44 buts et de ses 30 passes décisives, son implication dans les résultats que nous avons obtenus lors de la dernière décennie est immense. » C’est une page qui se tourne, après les adieux d’Olivier Giroud en juillet. La génération Griezmann est terminée, reste à construire la suite.
Olise et Koné confirment, Mbappé absent
S’il ne rappelle pas Badé (qui a quitté le groupe blessé avant le match contre l’Italie en septembre), Deschamps maintient sa confiance à Manu Koné et à Michael Olise à l’automne, avec des résultats qui suivent : trois victoires face à la Belgique (deux fois) et Israël, et un Randal Kolo Muani en verve. Mais sans Mbappé, appelé ni en octobre, ni en novembre, ce qui interroge forcément, alors qu’il n’est pas blessé. « Je ne suis pas là pour prendre des risques. », dit-il en octobre, alors que le capitaine des Bleus a joué la veille avec le Real contre Lille. « J’ai pris cette décision sur ce rassemblement-là parce que je pense que c’est mieux comme ça. », explique-t-il en novembre. « Je ne vais pas argumenter mais je peux en revanche vous dire deux choses : Kylian voulait venir et ce ne sont pas les problèmes extra-sportifs qui font que je ne le sélectionne pas. »
Entre temps, le retour de Lucas Digne, désormais le Bleu le plus ancien du groupe [2] fait du bien à la défense française et donne de l’expérience à un groupe très jeune. Et le latéral gauche d’Aston Villa sort face à l’Italie à Milan son meilleur match en Bleu (deux passes décisives, un quasi-but sur coup franc direct). 2024 finit bien mieux qu’elle n’avait commencée.
Et voici Désiré Doué
En mars, pour le quart de finale aller-retour contre la Croatie, Deschamps appelle le Parisien Désiré Doué, qui brille en Ligue des Champions. Mais c’est Konaté qui rate complètement son match à Split, contraignant le sélectionneur à le sortir à la mi-temps, et à faire trois autres changements après l’heure de jeu. « On a glissé très souvent, on ne maîtrisait pas assez le ballon et on a eu beaucoup de déchets sur le plan technique. On a été punis », constate le sélectionneur, qui déplore après le match le manque de préparation (le stage a commencé le lundi, pour une première rencontre le jeudi soir) et les 70 heures avant le retour.
Avec le retour de Dayot Upamecano aux côtés de William Saliba, et un excellent Michael Olise dans le rôle d’un meneur de jeu derrière le trio parisien Barcola-Dembélé-Mbappé, les Bleus renversent la tendance et se qualifient pour le carré final après les tirs au but, qu’ils remportent pour la deuxième fois d’affilée. « Ce sera un match très important dans la progression de cette jeune équipe qui, après, se lancera dans les qualifications pour la Coupe du monde 2026 » se félicite Didier Deschamps, qui confirme ainsi le statut de saison de transition de 2024-25.
Un carré final de trop
En juin, quand arrive les deux derniers matchs, coincés entre la finale de la Ligue des Champions remportée par le PSG avec cinq Bleus (Lucas Hernandez, Zaïre-Emery, Dembélé, Doué et Barcola) et la Coupe du monde des clubs, Deschamps est confronté à une vague de forfaits dont les trois quarts de sa défense titulaire, à savoir Koundé, Saliba et Upamecano. C’est beaucoup trop pour tenir tête à l’Espagne, qui essore le trio Kalulu-Konaté-Lenglet, ce qui était prévisible, et porte le score à 4-0, puis 5-1, ce qui l’était moins.
Mais avec les entrées de Malo Gusto, Bradley Barcola et du débutant Rayan Cherki à l’heure de jeu, puis de Randal Kolo Muani dans le dernier quart d’heure, les Bleus sont tout près de remonter le score et l’auraient sans doute fait avec cinq minutes de plus (5-4). Ce qui confirme le statut d’équipe à réaction observé déjà face à l’Argentine en 2022, à la différence que les séances de tirs au but ne sont désormais plus fatales. Encore faut-il les atteindre.
« Je fais en sorte d’être lucide, il n’y a pas tout à jeter, on fait beaucoup de bonnes choses, on a eu une maîtrise supérieure à cette équipe d’Espagne, c’est très, très rare, on l’a obligée à défendre », souligne le sélectionneur après le match. « Évidemment, si on prend cinq buts, c’est que l’on peut mieux faire sur le plan défensif, mais dans les intentions et sur la qualité de jeu, c’est rageant. »
A défaut de sauver la saison, le tout dernier match avant les vacances permet d’améliorer le bilan contre l’Allemagne, qui restait sur deux victoires face aux Bleus en 2023 et 2024. Mbappé marque enfin dans le jeu, pour la première fois depuis un an, et il offre le deuxième but à Olise. « Bavo aux joueurs car ce n’était pas évident. C’était un peu du mouvement perpétuel mais qui ne nous amenait rien, même si des joueurs n’étaient pas forcément dans la position où ils sont dans leur club. » Le capitaine est revenu, la victoire aussi, les nouveaux se sont montrés : il est désormais temps de penser à préparer le quatorzième et dernier tour de piste. Et surtout, de bien le finir.