Génération 3 : les années Baratte (1944-1952)

Publié le 4 mars 2019 - Bruno Colombari - 3

Alors que celle de Mattler avait laissé voir de belles promesses, la première génération d’après-guerre naît la veille de Noël 1944 et dure huit ans, jusqu’à l’émergence de Kopa. Son leader est l’avant-centre lillois Jean Baratte.

Cet article fait partie de la série Générations et de la sous-série Génération 3
4 minutes de lecture
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La deuxième guerre mondiale n’est pas encore terminée quand arrive la veille de Noël 1944. Mais en ce 24 décembre glacial, le football international reprend ses droits avec un bon vieux France-Belgique au Parc des Princes. C’est le premier match des Bleus après la Libération, des Bleus bricolés autour d’Alfred Aston (23 sélections) dont cinq débutants. Parmi eux, l’attaquant de 21 ans du LOSC, Jean Baratte. Pendant près de dix ans, il va être le meilleur attaquant français, inscrivant 19 buts en 32 sélections.

Mais cette troisième génération de l’histoire des Bleus est un cru mineur, sinon dans la durée, du moins dans le nombre de matchs joués : 46 seulement, c’est-à-dire beaucoup moins que le total de sélections d’Antoine Griezmann en cinq années. Et c’est surtout une génération creuse, comme toutes les impaires : il n’y a pas de Coupe du monde 1946, et celle de 1950 est manquée dans des conditions assez ridicules. Donc seulement trois rencontres en compétition.

Après une année 1945 complètement ratée (trois défaites et un nul contre l’Angleterre), elle connaît une bonne période entre 1946 et 1948 (10 victoires pour seulement 4 défaites) avant un terrible passage à vide en 1949 et 1950 (7 défaites pour 3 victoires et 3 nuls) qui lui coûte le voyage au Brésil. C’est encore médiocre en 1951 avant une nouvelle embellie en 1952 avec une jolie série de cinq victoires consécutives.

Jean Baratte n’a lui-même joué que 32 matchs, on l’a dit. Après ses débuts le 24 décembre 1944, il n’est rappelé que deux ans et six mois plus tard contre les Pays-Bas, où il inscrit un doublé. Dès lors, il devient titulaire indiscutable et ne manquera plus que 4 des 35 matchs suivants. Il fera la jonction avec la génération Kopa en jouant 157 minutes avec lui contre l’Autriche (2-1) et l’Irlande du Nord (3-1) à l’automne 1952.

Le cœur et le noyau

Dans les graphiques ci-dessous, je représente en orange les matchs joués hors période (avant ou après), en noir les matchs joués dans la période et en gris clair les matchs manqués pendant la période.

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74 des 91 coéquipiers de Baratte ont joué au moins la moitié de leurs matchs internationaux pendant la période. Il forment donc le cœur de cette génération. Ils sont 59 à n’avoir joué que pendant cette période de huit ans, dont Jean Prouff, André Gillon, Ernest Vaast ou Jean Grumellon. Mais 19 d’entre eux n’ont été appelés qu’une fois, et 22 autres moins de 5 fois.

Le noyau de cette génération, ceux qui ont disputé plus de la moitié des 46 matchs de la période (c’est-à-dire au moins 24 rencontres) compte seulement trois joueurs : Jean Baratte lui-même, mais aussi Roger Marche (27 fois) et René Cuissard (25). ils sont beaucoup plus nombreux entre 25 et 50% des matchs (entre 12 et 23 rencontres) : les gardiens Julien Darui et René Vignal, le défenseur Robert Jonquet (que l’on retrouvera en 1958 en Suède), mais aussi le grand Larbi Ben Barek, Pierre Flamion, Louis Hon, Ernest Vaast, Jean Prouff, Marcel Salva, René Alpsteg, Guy Huguet, André Strappe ou Antoine Cuissard.

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Pas de sélectionneur unique à cette époque. Gaston Barreau est soutenu à partir d’avril 1945 par Gabriel Hanot, puis Jean Rigal et Paul Nicolas à partir d’août 1949.

Un bilan sans relief, faute de compétition

En 46 matchs, cette équipe de France n’a joué que 3 fois en compétition. Les trois contre le même adversaire, la Yougoslavie en qualification pour la Coupe du monde 1950, pour un bilan décevant : 1-1 à Belgrade en octobre 1949 (ce qui était un résultat plutôt intéressant, 1-1 à Colombes trois semaines plus tard, et un match d’appui à Florence le 11 décembre, perdu 2-3 en prolongations.

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Le bilan général est à peine équilibré, avec un peu plus de victoires (21) que de défaites (18). Et il est nettement meilleur avec Baratte (15 victoires pour 10 défaites) que sans lui (6 victoires, 7 défaites). Mais dans l’ensemble cette génération-là, pénalisée par les années de guerre qui ont coupé net la progression de grands joueurs comme Julien Darui ou Larbi Ben Barek, ne pouvait pas prétendre à grand chose.

Le point haut : 2 juin 1948, Tchécoslovaquie-France

Si le finaliste de la Coupe du monde 1934 n’est pas encore revenu au niveau qui sera le sien dans les années 60 (demi-finaliste du championnat d’Europe 1960, finaliste de la Coupe du monde 1962), ce n’était pas un adversaire facile pour les Français, qui avaient perdu leurs sept premières confrontations avant-guerre (dont cinq à domicile). A Prague, ils réalisent un festival dans la dernière demi-heure avec un corner direct d’Albert Batteux, un but de Henri Baillot et un doublé de Jean Baratte. 4-0, c’est le score le plus large obtenu depuis 1904 contre la Tchécoslovaquie (et depuis, la République tchèque). Et à l’extérieur, s’il vous plaît !


 

Le point bas : 19 juin 1949, France-Espagne

A quatre mois de la double confrontation contre la Yougoslavie, qui peut donner droit à un billet pour le Brésil, l’équipe de France reçoit l’Espagne à Colombes. Le match est un cauchemar pour René Vignal, qui encaisse trois buts avant la demi-heure de la part d’Estanislao Basora, les Espagnols ayant entre autre la courtoisie de manquer un pénalty à 0-1. Jean Baratte sauve l’honneur sur pénalty lui aussi à la 64e, mais Agustin Gainza ajoute deux nouveaux buts pour ce qui reste à ce jour la plus grosse défaite à domicile de l’après guerre (1-5) à égalité avec celle contre la Pologne en août 1982 (0-4).


 

Ce que l’on retiendra

De cette époque si lointaine qu’il n’en reste plus de survivants (René Vignal est mort en 2016 à 90 ans), c’est un regret plus qu’un souvenir qui restera : celui de ne pas avoir donné sa chance à cette équipe lors de la quatrième Coupe du monde de l’histoire au Brésil à l’été 1950. L’équipe de France a certes été éliminée sur le terrain par la Yougoslavie, mais plusieurs forfaits successifs au printemps lui offrent une deuxième chance. C’est alors que la FFF utilise un prétexte discutable pour refuser l’invitation. Pour la première fois, une Coupe du monde se jouera sans les Bleus. Les coéquipiers de Baratte, qui auraient affronté la Bolivie et l’Uruguay (futur vainqueur de l’épreuve) au premier tour, ne seraient sans doute pas allés au-delà, d’autant que leurs deux meilleurs gardiens, Julien Darui et René Vignal, étaient écartés de la sélection. Mais enfin, une Coupe du monde, ça ne se refuse pas !

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Vos commentaires

  • Le 9 mars 2019 à 16:26, par Nico En réponse à : Génération 3 : les années Baratte (1944-1952)

    Époque si lointaine effectivement qu’il n’y a plus que les archives pouvant témoigner de ce qui s’est passé. Mais c’est intéressant de lire tout ça, merci !

  • Le 27 décembre 2021 à 13:20, par statilosc En réponse à : Génération 3 : les années Baratte (1944-1952)

    ça fait beaucoup de nordistes pour illustrer les générations (Baratten, Kopa, Papin, Ribéry)

  • Le 27 décembre 2021 à 13:25, par Bruno Colombari En réponse à : Génération 3 : les années Baratte (1944-1952)

    Ah oui, c’est vrai. Mais ce n’est pas délibéré. Ce n’est pas la région d’origine des joueurs qui m’intéresse, mais la place qu’ils ont prise dans l’histoire des Bleus. En fait je ne suis pas du tout régionaliste ;-)

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