L’événement est à la Une de L’Auto le 21 février 1921. Sous le sobre titre « Italie bat France », il est surtout question d’un magnifique succès sportif et financier. S’il ne s’agit alors que d’un match amical, il oppose deux sélections qui se sont déjà rencontrées sept fois depuis 1910 pour un bilan très équilibré (trois victoires françaises, trois italiennes et un nul). L’année précédente, les Italiens avaient infligé un cuisant 9-4 aux Tricolores à Milan, mais ceux-ci avaient répondu par une victoire aux JO d’Anvers en août (3-1).
C’est surtout le tout premier match de l’équipe de France à Marseille, où la colonie italienne est très importante. L’enthousiasme est tel que le stade de l’Huveaune, où évolue l’Olympique de Marseille depuis 1904, s’avère vite trop petit : 10 000 spectateurs s’y pressent deux heures avant la rencontre (fixée à 14h30) et plus de deux mille restent à la porte (ou, plus probablement, resquillent pour entrer).
Après avoir raconté le match (où les Français ont fait semble-t-il jeu égal avec les Italiens, chaque équipe dominant une mi-temps), l’envoyé spécial de L’Auto s’extasie devant la recette de 60 000 francs « battant ainsi, si je m’abuse, le record de recette de province, en ce qui concerne le football association ». Et forme un voeu : « il faut espérer que cela encouragera nos dirigeants du ballon rond à fournir de temps à autre un programme intéressant à nos grands centres sportifs provinciaux. »
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
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Dans le Petit Provençal du 21 février, le chroniqueur consacre autant de place à raconter le match qu’à lister les personnalités présentes au stade et à décrire le banquet qui a suivi, dans le Hall de la Société nautique. Là, Jules Rimet (président de la FFF) « a su, en des termes parfaits, exprimer les sentiments que nous portons à notre amie latine ». et M. de Lombardi, son homologue italien, « a exprimé avec chaleur la reconnaissance qu’emportent nos amis d’Italie pour l’accueil qui leur a été réservé dans notre ville. Il a traduit en termes empreints d’émotion, les sentiments fraternels qui unissent après de rudes batailles Italiens et Français. »
Le contexte historique est pourtant de plus en plus lourd. En Italie, les squadristes font régner la terreur, incendient des sièges syndicaux et des maisons du peuple, font des centaines de morts et des dizaines de milliers de blessés avec la bénédiction du gouvernement Giolitti, officiellement neutre, mais qui dissout des centaines de municipalités socialistes et ordonne l’arrêt des poursuites judiciaires contre les fascistes. Bientôt Mussolini entre au Parlement (le 21 mai 1921) et marchera sur Rome le 28 octobre 1922.
Marseille, qui n’est pas la première ville hors région parisienne à accueillir l’équipe de France (Lille en janvier 1914 face à la Belgique, et Rouen en mai 1920 contre l’Angleterre, l’avaient précédé), le fera quinze autre fois jusqu’en 2016. Mais, curieusement, jamais l’Italie n’y reviendra jouer contre les Bleus. Elle y disputera un match contre la Norvège en 1998, en huitièmes de finale de la Coupe du monde.
Tableau des villes |
Entre 1921 et 1978, les Bleus et la Squadra Azzura vont pourtant se croiser 19 fois. Le bilan est épouvantable : 4 nuls, 15 défaites dont deux en Coupe du monde, en 1938 à Colombes (1-3) et en 1978 à Mar del Plata (1-2). Il faudra attendre février 1982, près de 62 ans après la dernière victoire, pour voir l’équipe de France battre enfin l’Italie, grâce à deux buts de Michel Platini et Daniel Bravo.
Tableau des adversaires |