A quelques rencontres de la fin des éliminatoires du championnat d’Europe 1996, l’équipe de France n’est pas au mieux. Les hommes d’Aimé Jacquet n’ont obtenu que deux victoires sur sept rencontres et cumulé cinq matchs nuls, ce qui les met dans une position délicate dans la perspective de la qualification pour l’Euro 1996. Dans un groupe composé de six équipes, et dont les deux premières places donnent un ticket pour l’Angleterre, la Roumanie se détache en tête alors que la France est au coude à coude avec la Pologne, qui l’a tenu deux fois en échec. Les Tricolores restent en outre sous la menace d’Israël et de la Slovaquie.
La 149e nation FIFA
La rencontre contre l’Azerbaïdjan, le 6 septembre à Auxerre, vient à point nommé pour se donner un peu d’air. La cent-quarante-neuvième nation au classement FIFA n’a toujours pas décroché le moindre point après sept rencontres. Même si elle pointe à la dernière place du groupe, elle reste une équipe accrocheuse et difficile à manœuvrer. Lors du match aller à Trébizonde neuf mois plus tôt, les Français ne l’avaient emporté que de deux buts (2-0).
Trois semaines après le contrariant match nul (1-1) contre la Pologne au Parc, Aimé Jacquet reconduit à peu près la même équipe à Auxerre, à deux éléments près : Lilian Thuram et David Ginola sont relégués sur le banc de touche, remplacés numériquement par Youri Djorkaeff et Reynald Pedros. De son côté, Marcel Desailly, milieu de terrain contre les Polonais, se retrouve en défense centrale aux côtés de Frank Lebœuf. Le onze de départ présente équitablement trois joueurs du Paris Saint-Germain (Lama, Guérin, Djorkaeff), trois Bordelais (Zidane, Dugarry, Lizarazu), trois expatriés en Italie (Desailly, Deschamps, Angloma), mais aucun Auxerrois.
Marcel Desailly, double champion d’Europe, est devenu une valeur sûre de l’AC Milan, qui est alors le plus grand club d’Europe ou peu s’en faut. Il est aussi un pilier de l’équipe de France et pour sa seizième sélection, Aimé Jacquet lui confie le brassard de capitaine. L’ancien Marseillais honore cette confiance de la plus belle des manières, en ouvrant le score à la fin du premier quart d’heure. Sur un corner tiré par Djorkaeff, le capitaine des Bleus s’impose dans la surface et reprend la tête un ballon qui se loge dans les filets azéris. C’est son premier but chez les Bleus.
Passements de jambes
On connaît l’importance du premier but contre les équipes de faible niveau. Il permet de décrisper les favoris et annonce de nouvelles réalisations. Ainsi, les Tricolores doublent la mise très rapidement, après seulement quatre minutes. Guérin envoie un long ballon aérien dans la surface à son coéquipier parisien Djorkaeff qui, de la tête, devance la sortie du gardien adverse. L’équipe de France semble inspirée et son adversaire plutôt fébrile.
Pourtant, les Azéris vont réaliser après vingt minutes une séquence de jeu extraordinaire. Sur un corner tiré à ras de terre, un joueur, puis deux, puis trois exécutent un passement de jambe et laissent passer le ballon pour un quatrième qui frappe au but. La défense française est prise de revers mais Bernard Lama repousse la tentative. Une véritable chorégraphie qui aurait mérité d’être concrétisée au tableau d’affichage.
Au lieu de quoi, l’équipe caucasienne joue de malchance. Sur une frappe lointaine de Vincent Guérin, le gardien Elkhan Hasanov est trompé par le rebond et voit le ballon lui glisser entre les mains. Le sélectionneur azéri Agaselim Mirjavadov sent son équipe s’effondrer et décide aussitôt… de remplacer son gardien ! Nizami Sadyqov, qui ne compte alors qu’une sélection, entre en jeu à la place de son infortuné camarade. Quand elle rencontre la France, l’équipe azerbaidjanaise n’a décidément pas de chance avec ses gardiens. Lors du match aller à Trébizonde, le malheureux Aleksandr Zhidkov, blessé, avait été contraint de sortir avant la pause. Il avait été remplacé par Hasanov.
3-0 après une demi-heure de jeu, le contrat est rempli pour les Français, lesquels se créent toutefois de nouvelles occasions. Un tir piqué de Djorkaeff passe à côté. Une échappée de Pedros oblige le gardien à sortir. Le ballon est récupéré par Bixente Lizarazu qui n’ose pas tirer de loin alors que la cage est vide. Le ballon revient à Pedros qui centre pour le même Lizarazu qui manque sa reprise. Juste avant la pause, le Basque réalise une nouvelle action tranchante mais son tir rencontre le bas du poteau et sort.
Le coup de colère d’Aimé Jacquet
Beaucoup d’occasions, mais un jeu collectif qui se délite selon Aimé Jacquet. On raconte qu’à la mi-temps, nos Tricolores un peu trop sûrs d’eux ont pris une soufflante de la part du sélectionneur. Cela semble produire son effet. Quatre minutes après la reprise, un centre de Djorkaeff est mal repoussé par le gardien. Reynald Pedros en profite pour inscrire le quatrième but. C’est aussi le premier but tricolore pour le Nantais.
Cinq minutes plus tard, Frank Lebœuf est dans la surface adverse à la réception d’un centre de Guérin. Le Strasbourgeois réalise un geste admirable, en reprenant de volée un ballon qu’il glisse derrière sa jambe d’appui (à la manière d’un Rabah Madjer). Le gardien est surpris : 5-0. Aimé Jacquet procède alors à son premier changement : Jocelyn Angloma cède sa place au jeune Lilian Thuram, dont c’est la cinquième sélection. Qui imagine alors que cette défense Thuram-Desailly-Lebœuf-Lizarazu pourrait être alignée, par exemple, en finale d’une Coupe du monde ?
L’équipe azéri continue de jouer comme si de rien n’était. Elle joue crânement sa chance mais laisse beaucoup d’espace en défense. Après l’heure de jeu, Zinédine Zidane, bien lancé par Guérin, déborde sur la droite et centre pour son coéquipier Christophe Dugarry qui marque de la tête. Premier but en équipe de France du Bordelais également.
Mais le public a d’autres préoccupations. Depuis quelques temps déjà, il réclame l’entrée en jeu de Christophe Cocard, le seul Auxerrois présent dans le groupe. Lorsque le sélectionneur fait sortir Pedros, c’est pour le remplacer par David Ginola, ce qui provoque les sifflets du public. Trois minutes plus tard, c’est Dugarry qui sort, remplacé, enfin, par Cocard.
Première victoire à deux chiffres
A 6-0, c’est le moment de sortir les archives. Le plus gros score de l’histoire de l‘équipe de France est un 8-0 réalisé en trois occasions : en 1913 face au Luxembourg, en 1953 face au Luxembourg encore et en 1957 contre l’Islande. Les hommes d’Aimé Jacquet se sentent en mesure de le battre à Auxerre. A l’entrée des vingt dernières minutes, Ginola lance Zidane sur le côté gauche. Le Bordelais entre dans la surface, dribble un adversaire et frappe au but : 7-0, avec sept buteurs différents.
Deux minutes plus tard, Guérin lance Lebœuf sur le côté droit. Le Strasbourgeois déborde, le gardien anticipe un centre et laisse une ouverture dont profite le Français, qui signe le premier doublé de la soirée : 8-0. Il est imité quatre minutes plus tard par Djorkaeff, qui reçoit un ballon parfait de Guérin et qu’il pique au-dessus du gardien : 9-0. Trois buts en moins de dix minutes entérinent le nouveau record pour l’équipe de France. On retient également que Vincent Guérin en est à quatre passes décisives.
Il reste encore dix minutes à jouer et les Français poursuivent leurs offensives. Le public réclame un dixième but, histoire de finir sur un chiffre rond. La soirée serait parfaitement réussie si le dernier but pouvait être inscrit par un Auxerrois. Cocard a eu plusieurs occasions, mais il devra attendre la toute dernière minute pour concrétiser. Djorkaeff lui envoie un long ballon, le gardien azéri sort de sa surface mais il est trop court. L’Auxerrois s’empare du ballon, dribble des défenseurs aux abois et fait enfin claquer les filets. 10-0, le compte est bon. L’arbitre maltais Alfred Micallef peut siffler la fin du match.
Elkhan Hasanov avait été sorti pour avoir pris trois buts, mais son remplaçant Nizami Sadykov en a pris sept. Jamais l’équipe de France n’avait inscrit autant de buts au cours d’un match officiel. Au-delà du score, les hommes d’Aimé Jacquet se sont remis dans le bon sens. Il ne leur reste finalement plus qu’une victoire à obtenir pour se qualifier à l’Euro. La redoutable Roumanie les attend à Bucarest.
France bat Azerbaïdjan 10-0
Buts : Desailly (13’), Djorkaeff (17’), Guérin (33’), Pedros (49’), Lebœuf (54’), Dugarry (66’), Zidane (72’), Lebœuf (74’), Djorkaeff (78’), Cocard (90’).
FRANCE : Lama - Angloma (57’ Thuram), Desailly (cap), Lebœuf, Lizarazu - Deschamps, Guérin, Zidane - Djorkaeff, Dugarry (68’ Cocard), Pedros (65’ Ginola). Sélectionneur : Aimé Jacquet.
AZERBAÏDJAN : Hasanov (38’ Sadyqov) - Asadov, Ahmadov, Getman, Agayev - Huseynov, Kadyrov (73’ Huseynov), Abushev, Diniyev (cap) - Lychkin, Gurbanov (46’ Alakbarov). Sélectionneur : Agaselim Mirjavadov.
Arbitre : Alfred Micallef (Malte).
13.479 spectateurs
Joueur | Âge | Poste | Sélections | Club |
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Bernard Lama | 32 ans | Gardien | 22/44 | Paris Saint-Germain |
Jocelyn Angloma (57’) > | 30 ans | Défenseur | 27/37 | Torino (Italie) |
> (57’) Lilian Thuram | 23 ans | Défenseur | 5/142 | AS Monaco |
Marcel Desailly (cap) | 26 ans | Défenseur | 16/116 | AC Milan (Italie) |
Frank Lebœuf | 27 ans | Défenseur | 3/50 | RC Strasbourg |
Bixente Lizarazu | 25 ans | Défenseur | 15/97 | Girondins de Bordeaux |
Didier Deschamps | 26 ans | Milieu | 43/103 | Juventus (Italie) |
Vincent Guérin | 29 ans | Milieu | 7/19 | Paris Saint-Germain |
Zinédine Zidane | 23 ans | Milieu | 6/108 | Girondins de Bordeaux |
Youri Djorkaeff | 27 ans | Milieu | 11/82 | Paris Saint-Germain |
Christophe Dugarry (68’) > | 23 ans | Attaquant | 7/55 | Girondins de Bordeaux |
> (68’) Christophe Cocard | 27 ans | Attaquant | 9/9 | AJ Auxerre |
Reynald Pedros (65’) > | 23 ans | Attaquant | 14/25 | FC Nantes |
> (65’) David Ginola | 28 ans | Attaquant | 17/17 | Newcastle United (Angleterre) |
Ne sont pas entrés en jeu : Bruno Martini et Eric Di Meco