De 1989 à 1993, l’Olympique de Marseille a conquis cinq titres de champion de France consécutifs (même si le dernier lui a été retiré sur tapis vert). Le club olympien est également devenu le premier club français vainqueur d’une Coupe d’Europe en 1993. Cette domination porte la marque de Bernard Tapie, homme d’affaires aux méthodes brusques mais à l’indéniable charisme, motivé par l’ambition de monter la plus belle équipe de club de l’histoire du football français.
Le roi des transferts
Durant toute cette période d’hégémonie olympienne, l’équipe de France vit une situation paradoxale. Malgré le nombre de joueurs phocéens qui l’animent, elle rate deux fois la qualification pour la Coupe du monde (1990 et 1994) et passe à côté de l’Euro 1992 après avoir pourtant réalisé un impressionnant grand chelem pendant les éliminatoires. Rarement en France un club n’a autant influé sur la sélection nationale, pour le meilleur et pour le pire.
Lorsque Bernard Tapie prend la présidence du club marseillais au printemps 1986, celui-ci compte peu d’internationaux français dans ses rangs. L’attaquant Bernard Zénier, au club depuis 1984, dénombre quatre sélections et le défenseur Jean-Louis Zanon n’en compte qu’une seule. Dès l’été 1986, le premier nommé est invité à aller se refaire une santé du côté de Metz.
L’été 1986 est celui des premières grandes manœuvres. Le patron de Wonder embarque dans son aventure l’ancien sélectionneur Michel Hidalgo. L’attelage attire deux récents demi-finalistes du Mundial mexicain, Alain Giresse (47 sélections) et Jean-Pierre Papin (5 sélections), provenant respectivement de Bordeaux et du FC Bruges. Deux autres anciens Bleus rejoignent également la Canebière, le Toulousain Jean-François Domergue (6 sélections) et le Strasbourgeois François Brisson (2 sélections). Le club engage également Thierry Laurey (Valenciennes) et Patrick Cubaynes (Nîmes). Quant à Bernard Genghini (27 sélections), après un détour dans le championnat suisse à Neuchâtel, il rejoindra ce beau monde en décembre 1986, en qualité de joker, les règlements de l’époque permettant à chaque club d’engager un joueur supplémentaire hors période légale des transferts.
Les grandes manoeuvres
Alors que le dernier Marseillais en bleu datait de mai 1980, juste avant la relégation (Marius Trésor lors de URSS-France 0-0), deux joueurs olympiens font leur apparition lors du match amical Suisse-France à Lausanne, première sortie des Bleus après le Mundial mexicain. Jeff Domergue, ignoré depuis la fin de l’Euro 1984, reprend du service et entre en jeu en deuxième période, suivi de Jean-Pierre Papin, qui dispute les dix dernières minutes. Les deux hommes restent les seuls Marseillais en Bleu de la saison 1986/1987. Giresse a mis fin à sa carrière internationale, Genghini n’a jamais vraiment intéressé Henri Michel, et celui-ci semble ne plus compter sur ses champions olympiques de 1984, notamment Zanon, Brisson et Cubaynes.
Ceux-ci quittent d’ailleurs le navire olympien dès la fin de la première saison de l’ère Tapie. En 1987, le boss engage le Nantais Yvon Le Roux (20 sélections), le Parisien William Ayache (16 sélections) et le Lavallois Patrick Delamontagne (3 sélections). Les deux premiers rejoignent Papin parmi les habitués de l’équipe de France de cette saison 1987/1988. Celle-ci manque la qualification pour l’Euro 1988 en RFA et laisse le titre de champion d’Europe vacant. De son côté, l’OM s’offre sa première épopée européenne en Coupe des vainqueurs de coupes (demi-finale contre l’Ajax) mais ne décroche toujours aucun titre après deux ans, ce qui est extrêmement long à l’échelle de Bernard Tapie.
Les grandes manoeuvres se poursuivent au cours de l’été 1988 : Alors que Giresse prend sa retraite et que Genghini, Ayache Domergue et Delamontagne ne sont pas conservés, l’OM fait venir le Bordelais Philippe Vercruysse (9 sélections) et l’Auxerrois Éric Cantona (5 sélections) en même temps que l’international espoir sochalien Franck Sauzée, qui va connaître ses premières sélections au cours de la saison à venir. Quelques mois plus tard arrive en qualité de joker l’ancien Matracien Bruno Germain (1 sélection), pris en grippe au SC Toulon.
Alors que Cantona est suspendu pour avoir insulté le sélectionneur, l’équipe de France 1988/1989 reste toujours composée de trois Marseillais : Papin, Vercruysse et Sauzée. La nomination de Michel Platini après la contre performance à Chypre ne change pas la donne. En janvier, le club marseillais se sépare de Cantona en le prêtant aux Girondins de Bordeaux. En fin de saison, l’OM remporte son premier titre de champion de France de l’ère Tapie, et réalise le doublé en remportant la Coupe de France, sa première depuis 1976.
Platini compte ses Marseillais
Dans la perspective de sa première Coupe des Clubs Champions, l’OM effectue à nouveau un recrutement de qualité au cours de l’été 1989. Alors que Le Roux rejoint le PSG, le club phocéen voit débarquer le capitaine des Bleus Manuel Amoros (61 sélections), l’expérimenté Jean Tigana (52 sélections), le semi-retraité Jean Castaneda (9 sélections), le jeune Alain Roche (2 sélections) et le non moins jeune Carmelo Micciche (2 sélections), lequel quitte le club après quatre rencontres. L’escouade est ralliée quelques mois plus tard par Éric Di Meco, revenu au club en 1988 et sélectionné pour la première fois lors du Suède-France d’août 1989. En novembre arrive le joker Didier Deschamps (5 sélections), arraché au FC Nantes en pleine saison.
Désormais, l’équipe de France du sélectionneur Platini compte régulièrement quatre marseillais parmi ses titulaires (Papin, Amoros, Sauzée, Di Méco) puis cinq avec l’intégration de Deschamps. La sélection rate le train de la Coupe du monde 1990 mais l’OM occupe les écrans : il remporte son deuxième titre consécutif de champion de France et dispute les demi-finales de la Coupe des Clubs champions.
A chaque été sa rutilante campagne de transferts. C’est ainsi que fonctionne désormais le patron de l’OM. Il veut les meilleurs et prend la liste du sélectionneur pour une liste de course. Au cours de l’été 1990, on voit de nouveaux internationaux compléter l’effectif olympien : l’Auxerrois Basile Boli (21 sélections), le Toulonnais Bernard Casoni (11 sélections), le Bordelais Bernard Pardo (9 sélections), sans oublier Eric Cantona (13 sélections), de retour au bercail après un an et demi d’isolement punitif. D’autres joueurs comme Laurent Fournier (Saint-Etienne) et Pascal Olmeta (RC Paris) sont également de la partie, venus optimiser leur exposition médiatique dans le but de devenir à leur tour internationaux.
L’équipe de France qui écrase les éliminatoires de l’Euro 1992, roule alors avec six Marseillais : Papin, Cantona, Amoros, Boli, Casoni et Pardo. On ne compte pas, bien entendu, Franck Sauzée et Didier Deschamps, partis prendre l’air à Monaco et à Bordeaux. En outre, Bernard Tapie convoite ouvertement la gardien Bruno Martini et le défenseur Laurent Blanc, qu’il ne parviendra curieusement jamais à faire signer. L’OM, devenu le premier sujet de préoccupation du football français, élimine l’AC Milan en Coupe d’Europe et dispute sa première finale européenne, battu aux tirs au but par l’Etoile Rouge de Belgrade. Le club se console avec son troisième titre consécutif de champion de France et une finale de Coupe où Monaco prend malgré tout sa revanche.
L’Olympique de France
On réajuste l’effectif au cours de l’été 1991. Aux retours de Sauzée et Deschamps s’ajoutent les arrivées du Bordelais Jean-Philippe Durand (12 sélections), du Montpelliérain Daniel Xuereb (8 sélections), du Parisien Jocelyn Angloma (2 sélections) et du Montpelliérain Pascal Baills (1 sélection). Alors que Vercruysse et Cantona rejoignent le Nîmes Olympique et que Tigana met un terme à sa carrière, trois joueurs (Pardo, Germain et Fournier) sont cédés au PSG récemment investi par Canal Plus, en échange du seul Angloma. Une manière pour Tapie de démontrer à ses concurrents déclarés qu’il reste le patron sur le marché des transferts…
Le 14 août 1991 à Poznań, l’équipe de France toujours dirigée par Platini aligne sept Marseillais contre la Pologne (Amoros, Angloma, Boli, Casoni, Durand, Papin, Sauzée) et en fait entrer un huitième (Deschamps) à la mi-temps. C’est la première fois qu’un club est autant représenté en équipe de France. Aucun n’a fait mieux depuis. Les huit hommes en question font naturellement partie des vingt-deux de la phase finale de l’Euro 1992, où ils seront la plupart du temps titulaires. Alors que l’OM a connu une saison contrariante avec une élimination dès le deuxième tour de la Coupe des clubs champions, l’équipe de France déçoit en Suède en sortant dès le premier tour.
Le départ de Papin au cours de l’été 1992 force Bernard Tapie a réimaginer son équipe. Il appelle l’Auxerrois Jean-Marc Ferreri (37 sélections) mais aussi deux éléments prometteurs qui n’ont pas encore goûté à la sélection, le Nantais Marcel Desailly et le Toulousain Fabien Barthez. Les deux espoirs sont destinés à s’aguerrir en équipe réserve, mais les circonstances (et leur talent) font qu’ils deviennent rapidement titulaires. L’équipe réalise un excellent parcours qui les conduit à Munich pour une nouvelle finale européenne.
De Munich à Saint-Denis
Ce 26 mai 1993, l’OM devient à jamais le premier club français vainqueur d’une Coupe d’Europe. Six tricolores font partie des héros : le capitaine Didier Deschamps, le buteur Basile Boli ainsi que Jocelyn Angloma, Éric Di Meco, Franck Sauzée et Jean-Philippe Durand qui est entré en cours de jeu. Bernard Casoni et Jean-Marc Ferreri sont restés sur le banc de touche alors que Manuel Amoros n’était pas du voyage, mais sa participation à l’épopée lui donne légitimement le titre de champion d’Europe. Quand aux deux jeunes Desailly et Barthez, ce titre démontre qu’ils ont l’envergure pour une carrière internationale.
Gérard Houllier, qui a succédé à Platini, compte toujours sur les Marseillais au sein de l’équipe tricolore engagée dans les éliminatoires de la Coupe du monde 1994. L’expérience internationale des futurs champions d’Europe s’avère précieuse, mais l’émergence du Paris Saint-Germain, dont les joueurs prennent aussi leurs aises chez les Bleus, provoque quelques frictions.
Aussitôt après son titre européen, l’OM sera englouti par l’affaire du match truqué de Valenciennes, mettant brutalement fin à son hégémonie. Le football français traverse alors une zone de turbulence qui conduit à la rocambolesque élimination de la Coupe du monde 1994. Quatre ans plus tard, Deschamps, Desailly et Barthez font partie des principaux acteurs du triomphe du 12 juillet 1998 et ceux-ci ne manquent pas de souligner combien leur passage à l’OM a constitué une étape importante de leur carrière.
Joueur | Période OM | Période Bleus | Sélections |
---|---|---|---|
Éric Di Meco | 1980-1986 & 1988-1994 | 1989-1996 | 9/23 |
Bernard Zenier | 1984-1986 | 1977-1987 | 0/5 |
Jean-Louis Zanon | 1984-1987 | 1983-1983 | 0/1 |
François Brisson | 1986-1987 | 1982-1984 | 0/2 |
Thierry Laurey | 1986-1987 | 1989-1989 | 0/1 |
Alain Giresse | 1986-1988 | 1974-1986 | 0/47 |
Bernard Genghini | 1986-1988 | 1980-1986 | 0/27 |
Jean-François Domergue | 1986-1988 | 1984-1989 | 3/9 |
Jean-Pierre Papin | 1986-1992 | 1986-1995 | 33/54 |
Patrick Delamontagne | 1987-1988 | 1981-1987 | 0/3 |
William Ayache | 1987-1988 | 1983-1988 | 4/20 |
Yvon Le Roux | 1987-1989 | 1983-1989 | 5/28 |
Éric Cantona | 1988-1989 & 1990-1991 | 1987-1995 | 7/45 |
Franck Sauzée | 1988-1990 & 1991-1993 | 1988-1993 | 28/39 |
Philippe Vercruysse | 1988-1991 | 1983-1989 | 3/12 |
Bruno Germain | 1988-1991 | 1987-1987 | 0/1 |
Jean Castaneda | 1989-1990 | 1981-1982 | 0/9 |
Carmelo Micciche | 1989-1990 | 1987-1987 | 0/2 |
Alain Roche | 1989-1990 | 1988-1996 | 0/25 |
Didier Deschamps | 1989-1990 & 1991-1994 | 1989-2000 | 29/102 |
Jean Tigana | 1989-1991 | 1980-1989 | 0/52 |
Manuel Amoros | 1989-1993 | 1982-1992 | 21/82 |
Bernard Pardo | 1990-1991 | 1988-1991 | 4/13 |
Laurent Fournier | 1990-1991 | 1992-1992 | 0/1 |
Basile Boli | 1990-1994 | 1986-1994 | 24/45 |
Bernard Casoni | 1990-1996 | 1998-1992 | 19/30 |
Daniel Xuereb | 1991-1992 | 1981-1989 | 0/8 |
Pascal Baills | 1991-1992 | 1991-1991 | 0/1 |
Jocelyn Angloma | 1991-1994 | 1990-1996 | 15/37 |
Jean-Philippe Durand | 1991-1997 | 1988-1992 | 14/26 |
Marcel Desailly | 1992-1993 | 1993-2004 | 3/116 |
Jean-Marc Ferreri | 1992-1993 & 1994-1996 | 1982-1990 | 0/37 |
Fabien Barthez | 1992-1995 & 2004-2006 | 1994-2006 | 25/87 |