Dans les premières années du football, et jusqu’au milieu des années 1950, les forfaits n’étaient pas rares dans les grandes épreuves que constituaient la Coupe du monde et les Jeux olympiques. L’équipe de France n’a pas été épargnée.
France-Bohème, 20 octobre 1908
La France a envoyé deux équipes au tournoi olympique des Jeux de Londres en 1908. La première est opposée au Danemark tandis que la seconde doit affronter, à White City, l’équipe de Bohême et Moravie. Mais celle-ci ne sera pas présente, déclarant forfait, tout comme la Hongrie, en raison de la crise diplomatique provoquée par l’annexion de la Bosnie par l’empire austro-hongrois. C’est du moins la version officielle, d’autres évoquant plutôt sa récente éviction de la FIFA, demandée par la fédérations d’Autriche. La Bohème et la Moravie (actuelle République tchèque) ne sont en effet à l’époque que des régions de la monarchie danubienne, et ne sont pas considérées comme une nation à part entière. L’équipe française est donc directement qualifiée pour les demi-finales où elle sera opposée au Danemark, qui a éliminé l’autre équipe française.
Pays-Bas-France, 23 octobre 1908
Toutes deux battues par le Danemark, les équipes de France A et B sont invitées à un tournoi de consolation qui désignera le vainqueur de la médaille de bronze. Mais quelque peu honteuse de ses défaites (0-9 et 1-17), la délégation française a préféré rentrer à la maison sans demander son reste. Ce sont finalement les Pays-Bas qui ont remporté la médaille de bronze après avoir battu la Suède.
Norvège-France, 29 juin 1912
Au premier tour du tournoi olympique des Jeux de Stockholm, en 1912, l’équipe de France est opposée à la Norvège. Mais huit jours avant la rencontre, la délégation française déclare forfait, n’étant a priori pas en mesure de présenter une équipe de qualité pour le tournoi.
- Lire l’article Pourquoi l’équipe de France a déclaré forfait aux JO de 1912 (Pierre Cazal)
France-Angleterre, Belgique-France, Suisse-France et France-Italie, en 1915
Le calendrier de la saison 1914-1915 prévoyait quatre à cinq rencontres pour l’équipe de France avant que la Première Guerre mondiale élimine le football des priorités du moment. Les Français auraient dû accueillir l’Angleterre le 17 février 1915 ou le 12 mars avant de se déplacer en Belgique le 21 février puis en Suisse le 22 mars. Un déplacement en Italie était fixé le 19 avril et une rencontre contre la Russie, la première du genre, était également en cours de négociation pour le mois de mai.
France-Suisse, 28 août 1920
Au premier tour du tournoi olympique des Jeux d’Anvers, l’équipe de France est opposée à la Suisse au stade de la Gantoise. Mais quelques jours avant la rencontre, la confédération helvétique déclare forfait suite à une crise interne née d’une rencontre de la Nati face à l’équipe d’Allemagne alors honnie par la communauté internationale. L’équipe de France est automatiquement qualifiée pour les quarts de finale.
France-Angleterre, 28 février 1922
Un match amical est conclu avec l’équipe d’Angleterre pour le dernier jour de février 1922. Mais les Anglais, vexés de leur première défaite subie face aux Tricolores en mai 1921, et plus globalement des défaites de plus en plus nombreuses de leur sélection amateur, se sont lancés dans une enquête en France et en Belgique sur l’amateurisme de façade des footballeurs du continent. L’ambiance étant plutôt tendue, il a été jugé plus raisonnable d’annuler la rencontre.
France-Allemagne 1934
Trente-deux équipes s’étant inscrites pour la deuxième Coupe du monde organisée en 1934 en Italie, des éliminatoires sont mises en place pour désigner les seize participants à la phase finale. La France tombe dans un groupe de trois équipes, avec l’Allemagne et le Luxembourg. Il est prévu que chaque équipe joue deux rencontres et que les deux premiers au classement obtiennent leur ticket pour l’Italie. En mars, l’Allemagne écrase le Luxembourg (9-1). En avril, la France en fait autant ou presque (6-1). Français et Allemands sont d’ores et déjà qualifiés et ne jugent donc pas nécessaire de disputer la rencontre qui devait les opposer.
France-Italie, 11 avril 1937
A un peu plus d’un an de la Coupe du monde organisée dans l’hexagone, la France invite les champions du monde italiens à un match amical. Mais l’Italie, sur le plan politique, s’éloigne de l’idéal démocratique. Mussolini se range du côté d’Hitler et Franco et se lance à la conquête de territoires africains. La tenue de la rencontre risquant d’être perturbée par les manifestations, la fédération italienne fait savoir, trois jours avant le match, que ses joueurs ne se rendront pas à Paris. L’équipe de France trouvera une solution de remplacement avec l’équipe anglaise du Charlton Athletic.
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Lire l’article de Pierre Cazal, En avril 1937, le jour où l’équipe de France a joué contre Charlton Athletic
France-Autriche, 24 mars 1938
La Coupe du monde approche et pour parfaire sa préparation, l’équipe de France a conclu un match amical avec le wunderteam autrichien. Mais douze jours avant la rencontre, le funeste 12 mars 1938, les troupes hitlériennes annexent l’Autriche. La rencontre est officiellement annulée quatre jours après l’Anschluss. Alors que deux clubs anglais sont sollicités, c’est la Bulgarie qui se rendra au Parc des Princes.
France-Tchécoslovaquie, 22 janvier 1939
Un scénario très proche du France-Autriche de 1938 se répète avec la Tchécoslovaquie, que les Tricolores ont invitée à un match amical en janvier 1939 au Parc des Princes. Mais en septembre 1938, les accords de Munich écartèlent la nation tchécoslovaque sous la pression d’Hitler. Autant dire qu’à Prague, le football ne fait plus partie des préoccupations. La France accueillera finalement... la Pologne.
France-Allemagne, 23 avril 1939
Alors que la menace d’une guerre est de plus en plus vive, un match France-Allemagne est fixé au stade de Colombes. Mais à quelques jours du match, le gouvernement français estime plus raisonnable de remettre la partie à plus tard. Un France-Écosse est mis sur pied pour le 30 avril avant d’être annulé à son tour. Finalement, c’est le Pays de Galles qui viendra donner le change le 21 mai.
France-Belgique, 12 novembre 1939
C’est le 3 septembre 1939 que la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne, après que celle-ci ait envahit la Pologne deux jours plus tôt. En raison de la mobilisation, la rencontre France-Belgique du 12 novembre 1939 est annulée.
France-Suisse, 28 avril 1940
Depuis le début des hostilités, la France vit une “drôle de guerre” puisqu’il y a peu de combats. Cette inertie permet la tenue du match France-Portugal le 28 janvier 1940 au Parc des Princes, ainsi qu’un France-Grande Bretagne joué le 11 février sous le label militaire. En revanche, la rencontre France-Suisse du 28 avril 1940 est annulée. La situation se dégrade et chacun des deux pays est en alerte maximale face à la menace hitlérienne.
France-Pologne, 26 mai 1940
Un match France-Pologne était prévu de longue date le 26 mai 1940, mais l’Etat polonais a été rayé de la carte en septembre 1939 et la France est en pleine débâcle après la percée de Sedan. L’équipe de France ne jouera plus jusqu’en 1942.
France-Uruguay, 25 juin 1950 et France-Bolivie, 29 juin 1950
Alors qu’elle n’a pas réussi à se qualifier pour la Coupe du monde au Brésil, l’équipe de France est invitée à participer à l’épreuve en remplacement de l’Écosse qui a déclaré forfait. La Fédération française accepte avant de se raviser, posant réclamation pour un déplacement de 3.800 km entre deux rencontres du premier tour. Il était prévu qu’elle affronte l’Uruguay à Porto Alegre puis la Bolivie à Recife. Un éventuel troisième match contre le Portugal ou la Turquie devait également être au programme. Les Tricolores ne feront finalement pas le voyage, laissant l’Uruguay et la Bolivie se disputer le seul match du groupe, remporté 8-0 par la Celeste.
France-Belgique, 20 février 1980
Les équipes de France et de Belgique ne s’étaient plus rencontrées depuis cinq ans, elles qui naguère s’affrontaient une fois l’an. Un match amical est donc fixé au Parc des Princes le 20 février 1980. Mais quelques semaines plus tôt, le tirage au sort des éliminatoires de la Coupe du monde 1982 a placé les deux équipes dans le même groupe, en compagnie des Pays-Bas, de l’Irlande et de Chypre. Afin d’éviter que la tenue de la rencontre amicale n’influe sur les batailles à venir, les deux fédérations acceptent d’annuler le rendez-vous. La France affronte finalement la Grèce le 27 février alors que les Belges reçoivent le Luxembourg. Curieusement, la rencontre contre les Pays-Bas un mois plus tard sera maintenue, alors qu’elle présente le même cas de figure...
France-Angleterre, 24 mars 1982
Bis repetita au printemps 1982 où les équipes de France et d’Angleterre avaient prévu de se rencontrer pour un match amical au Parc des Princes. Le tirage au sort de la phase finale de la Coupe du monde en Espagne a entre-temps placé les deux sélections dans le même groupe, avec une rencontre dès le premier jour à Bilbao. Michel Hidalgo, qui a toujours estimé que le Italie-France de février 1978 avait desservi son équipe quatre mois plus tard à Mar del Plata, demande donc à son homologue Ron Greenwood d’annuler la rencontre. Tandis que les Anglais s’en vont finalement affronter l’Athletic Bilbao à San Mamès, c’est l’Irlande du Nord qui sert de sparring-partner aux Tricolores au Parc des Princes. Les Bleus s’imposent 4-0 sans savoir qu’ils retrouveront ces mêmes Nord-Irlandais trois mois plus tard au deuxième tour du Mundial à Madrid.
France-Irlande, 9 mai 1984
Dans le cadre de sa préparation à l’Euro 84, l’équipe de France avait prévu une rencontre contre la République d’Irlande au stade Felix-Bollaert de Lens le 9 mai 1984, une semaine après la fin du championnat. La rencontre ne s’est jamais jouée, probablement parce qu’après une fin de saison assez chargée, les Tricolores éprouvaient le besoin de souffler.
France-Italie, 20 février 1985
Le flambant neuf stade Louis II de Monaco, ouvert un mois plus tôt, devait accueillir le 20 février 1985 une rencontre entre l’équipe de France et les champions du monde italiens. Mais les rigueurs de l’hiver ayant provoqué la remise de nombreuses rencontres du championnat, il a été jugé plus sage de ne pas maintenir la rencontre afin de ne pas congestionner le calendrier.
France-Hongrie, 15 février 1989
Une rencontre amicale contre la Hongrie est prévue au début de l’année 1989 à Nîmes pour l’inauguration du stade des Costières. Mais dans la perspective d’un Écosse-France décisif pour la qualification en Coupe du monde, Michel Platini et son staff préfèrent que leur équipe se frotte aux rigueurs du football britannique. L’équipe de France jouera finalement à Dublin le 7 février 1989. Et le stade des Costières sera inauguré par une rencontre de l’équipe de France A’ contre son homologue néerlandaise. L’équipe de France A ne viendra finalement aux Costières qu’en 1996 à l’occasion d’un match amical contre la Grèce. Le stade sera détruit en 2023.
France-Yougoslavie, 17 juin 1992
Au premier tour du championnat d’Europe organisé en Suède, l’équipe de France doit affronter la Yougoslavie à Malmö pour le troisième match. Mais juste avant le tournoi, l’équipe yougoslave a été exclue du tournoi à la demande de l’ONU en raison de la guerre qui sévit au pays. C’est le Danemark qui remplace les Yougoslaves au pied levé. Avec un certain succès.
France-Argentine, 22 mai 1994
A la fin de la saison 1993/1994, l’équipe de France est invitée à disputer la Kirin Cup, un tournoi amical organisé au Japon. Son premier adversaire doit être l’Argentine, mais celle-ci n’a finalement pas fait le voyage. Les autorités japonaises ont refusé d’accorder un visa à Diego Maradona et Claudio Caniggia, deux joueurs condamnés pour usage de drogue. L’équipe de France remportera le tournoi tronqué en s’imposant face à l’Australie et au Japon.
Coupe des confédérations 1999
Sacrée championne du monde en 1998, l’équipe de France est invitée à disputer la Coupe des Confédérations 1999 au Mexique, initialement prévue du 8 au 20 janvier 1999 puis reportée du 24 juillet au 4 août. Mais la Fédération française préfère décliner l’invitation, les joueurs étant aux prises avec un calendrier démentiel. La France sera présente lors des éditions suivantes (2001 et 2003) qu’elle remportera.
Ces petites finales que la France ne peut pas ou ne veut pas jouer
Il existe encore quelques matchs que la France aurait dû jouer si le calendrier les avait prévus. Tout d’abord, lors des Jeux de 1920, les Tricolores sont battus en demi-finale par la Tchécoslovaquie. La logique aurait voulu que les Français retrouvent les Pays-Bas, perdant de l’autre demi-finale, pour jouer la médaille de bronze. Cependant, le comité d’organisation avait prévu les choses selon une adaptation du système Bergvall. Un tournoi parallèle est organisé entre les équipes battues en quart de finale (Italie, Norvège, Espagne, Suède) et celles éliminées par le vainqueur (Pays-Bas en demi, Tchécoslovaquie en finale). Il en résulte une finale pour attribuer les médailles d’argent et de bronze où les Espagnols prennent le meilleur face aux Pays-Bas. De toutes les équipes qualifiées pour les quarts de finale, seule la France (pourtant demi-finaliste) n’a pas participé à ce tournoi d’attribution de la deuxième et troisième place.
Enfin, entre 1960 et 1980, une petite finale a été jouée à l’Euro pour déterminer le troisième et le quatrième (la France la perd d’ailleurs en 1960). Ce match ne se joue plus depuis l’édition de 1984, disputée en France. Cet abandon est dû aux internationaux français, qui avaient joué un tel match en 1982 après leur défaite en demi-finale de la coupe du monde contre la RFA. Alain Giresse témoigne « Il faut comprendre. Après notre demi-finale à Séville perdue aux tirs au but face à l’Allemagne, on a dû dans la foulée aller à l’aéroport, prendre un avion à trois heures du matin pour rallier Alicante, où se jouait le lendemain le match pour la troisième place contre la Pologne. On était épuisés, dégoutés. Ce match, on n’en voulait pas. Michel Hidalgo avait même eu du mal à trouver onze valides pour le disputer. » Avec l’appui de Michel Hidalgo, la FFF demande à l’UEFA l’abandon de cette petite finale, demande qui est acceptée. Si elle ne l’avait pas été, les Bleus l’auraient jouée en 1996 face aux Anglais puis en 2024 contre l’Allemagne.
Vos commentaires
# Le 11 juillet 2022 à 12:34, par Babass En réponse à : Les rendez-vous manqués de l’équipe de France
Le France-Algerie aurait eu sa place dans cet article, non ?
# Le 4 septembre à 21:36, par Richard Coudrais En réponse à : Les rendez-vous manqués de l’équipe de France
France-Algérie a été disputé, même si le match n’a pas été à son terme. Mais si l’on s’en tient au titre de l’article, on peut considérer en effet que cette rencontre fut un rendez-vous manqué :-)