Le choix du maillot (3/4) : ceux qui n’ont pas été jusqu’aux Bleus

Publié le 19 mars 2024 - Matthieu Delahais

De nombreux Bleuets, une fois leurs années de formation terminées, ont décidé, par conviction ou opportunité, de défendre le maillot d’une autre nation. La liste est bien entendue trop longue à constituer, mais cet article met en avant le parcours de quelques-uns d’entre eux.

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Sept des Ivoriens sacrés champion d’Afrique au début du mois de février 2024 sont d’anciens Bleuets. Sébastien Haller (51 matchs et 25 buts entre 2010 et 2015 des u16 aux espoirs) est le plus capé de ce petit groupe qui comporte également Seko Fofana (33 matchs, 11 buts avec les équipes de France de jeunes), Jonathan Bamba (31 matchs, 10 buts), Evan Ndicka (20 matchs), Yahia Fofana (18 matchs), Jérémie Boga (7 matchs) et Willy Boly (6 matchs). De nombreux joueurs d’origine étrangère finissent en effet par opter pour leur pays d’origine.

C’est par exemple le cas de Bamba, qui non convoqué pour l’Euro 2020, exprimait ses regrets mais aussi espérances vis-à-vis des Bleus. « Pour tout joueur ambitieux, ce serait mentir de dire qu’évoluer dans sa sélection, ce ne serait pas bien. Mais oui, c’est toujours un rêve. Ce n’est pas forcément une déception, à mon poste il y a beaucoup de talent, j’espère que pendant cet Euro ça se passera bien pour eux [1]. » Il finit toutefois par choisir les Eléphants au début de l’année 2023, décision qui ressemble plutôt à un choix par défaut.

Emerse Faé a connu pour sa part le succès avec les Bleus (en tant que jeune) et les Eléphants (dans le rôle du sélectionneur). Il débute sa carrière avec les Bleuets de la plus belle des manières en devenant champion du monde de moins de 17 ans en 2001. Formé au FC Nantes, il poursuit sa carrière à Reading FC (2007-2008) avant de rejoindre l’OGC Nice (2008-2012). Des problèmes de santé l’obligent à mettre un terme à sa carrière de joueur en 2012, alors qu’il n’a que 28 ans. Son parcours international l’a vu revêtir le maillot espoirs de l’équipe de France à 6 reprises en 2004, mais il opte ensuite pour la Côte d’Ivoire avec qui il est finaliste de la CAN en 2006 (44 capes pour un but). Faé a fait parler de lui récemment, en remplaçant au pied levé Jean-Louis Gasset à la tête des Eléphants après le premier tour de la CAN 2024. Le néo-sélectionneur mène son équipe au titre de champion d’Afrique quelques jours plus tard.

Entre opportunité et choix assumé

Loïc Nego, par exemple, ne cache pas que son changement de nationalité sportive s’explique par sa quasi-certitude de ne jamais pouvoir porter le maillot de l’équipe de France A. « Je savais que ma probabilité de jouer en équipe de France était proche de zéro, donc j’ai sauté sur l’occasion qui m’a été offerte [2]. » Cet arrière droit (59 sélections et 1 but des u16 au u20 entre 2006 et 2011, champion d’Europe u19 en 2010 aux côtés d’Antoine Griezmann) a beaucoup voyagé (Nantes, Roma, Standard de Liège, Charlton) avant de trouver ses marques et de s’épanouir en Hongrie (Újpest FC puis MOL Fehérvár). Il obtient la nationalité hongroise en 2019 et devient international l’année suivante. Il affronte même les Bleus lors de l’Euro 2020 (1-1).

Abdou Diallo, véritable cadre des sélections de jeunes (64 capes pour 3 buts des u16 aux espoirs entre 2011 et 2019) a choisi le Sénégal en 2021. Il affirme que c’est un choix personnel plutôt que subit, même s’il pensait « avoir le niveau » pour évoluer avec l’équipe de France, tout en précisant que « C’est au sélectionneur de juger. J’attends patiemment, en travaillant au maximum [3]. » Lorsqu’il opte pour le Sénégal, il explique : « Ce n’est pas un manque d’ambition ou une crainte. J’étais dans la position idéale pour penser aux Bleus. Si demain, pendant six mois, je pète tout à Paris, forcément l’équipe de France se serait intéressée à moi. Ça en dérange certains que des joueurs puissent passer d’une sélection à une autre. Mais c’est comme ça, c’est notre droit, notre identité. On ne peut pas se renier. On ne veut pas se renier. Personne ne m’enlèvera ma double culture. C’est ma force. » Il dit également sa fierté de porter ses nouvelles couleurs auxquelles il s’identifie. « Le premier hymne, je repensais à mon enfance, quand mon père célébrait toutes les victoires du Sénégal et je me suis dit : Ah ouais, maintenant, c’est moi... [4] »

Des origines parfois lointaines

La Pologne a donné à la France l’un de ses plus grands joueurs, Raymond Kopa. D’autres internationaux français avaient aussi des origines polonaises, mais récemment le mouvement s’est inversé. Deux petits-enfants de Polonais ont porté le maillot de l’aigle blanc. Le premier, Ludovic Obraniak (une sélection avec les Espoirs en 2004 puis 34 capes et 6 buts avec la Pologne entre 2009 et 2014). Le milieu offensif avait toujours rêvé en Bleu, mais la réalité l’a rattrapé au point qu’il a fini par s’intéresser à ses racines et découvert la possibilité de jouer pour la Pologne. Il rejoint la sélection du pays de son grand-père en 2009, tout en sachant que son choix pouvait passer pour de l’opportunisme, ce qui ne le dérange pas le moins du monde. « Je n’ai pas de compte à rendre à qui que ce soit. Je me sens bien dans mes baskets. Peu importe la critique [5]. »

Damien Perquis (3 sélections en espoirs en 2005 et 2006, puis 14 capes et un but avec la Pologne entre 2011 et 2013) s’est pour sa part toujours intéressé à ses racines polonaises. C’est ensuite Marek Jozwiak, directeur sportif d’un club polonais qui a plaidé la cause du franco-polonais auprès du sélectionneur Franciszek Smuda. Son arrivée ne s’est toutefois pas faite sous les meilleurs auspices. Le député Jan Tomaszweski, du Parti conservateur du Droit et Justice, a accueilli la nouvelle de sa sélection en déclarant : « Et dire qu’il enfile le maillot avec l’aigle blanc, celui pour lequel, nous les vrais Polonais, avons gagné des médailles. Une ordure française qui n’a pas réussi chez elle… [6] » Si les changements de nationalités ne sont pas toujours bien perçus en France, cet exemple montre qu’ils ne le sont pas toujours non plus par les pays d’accueil de ces joueurs.

Le cas Aymeric Laporte

Aymeric Laporte a un parcours assez similaire à celui d’Antoine Griezmann. Il part très juen en Espagne (16 ans à l’Athletico de Bilbao) où il réussit un beau parcours (jusqu’en 2018) avant d’aller chercher la gloire à Manchester City (cinq titres de champion et une Ligue des Champions) puis la fortune en Arabie Saoudite (il rejoint Al-Nassr FC à l’été 2023). Il est pendant des années un fidèle des Bleuets gravissant tous les échelons, depuis les u17 jusqu’aux Espoirs (51 capes et 3 buts). Didier Deschamps l’appelle même à deux reprises, en septembre 2016 puis en mars 2017, sans le faire jouer. Il est à nouveau appelé en août 2019, mais est contraint de renoncer à la suite d’une blessure avec son club.

En 2021, après que le sélectionneur espagnol l’a contacté, il décide de rejoindre la Roja. Cette idée ne lui est pas venue sur un coup de tête, puisqu’il l’avait déjà évoquée. Il disait par exemple en 2016 « Si on ne veut pas directement de moi, je devrais examiner d’autres options, dont l’une peut être de jouer avec l’Espagne. » Il semblerait que Deschamps, s’il croyait au joueur, n’ait pas apprécié certains tweets frustrés du défenseur lorsqu’il n’était pas appelé, mais surtout le soutien qu’il a apporté à Adrien Rabiot lors qu’il a refusé de faire partie des réservistes en 2016 [7].

Le joueur assume parfaitement son choix et dit son amour pour sa nouvelle patrie et le jeu qu’elle propose. « À l’époque, j’ai pris la décision de jouer pour l’équipe nationale espagnole. J’ai été convaincu, tant par l’entraîneur que par la philosophie du pays, avec laquelle je me sens en phase. Je me sens beaucoup plus identifié aux Espagnols, et les Espagnols me rendent l’affection que je ressentais pour eux à l’époque, et que je ressens encore aujourd’hui [8]. » Il compte maintenant 26 sélections (un but marqué) avec l’Espagne, a participé à l’Euro 2020 et la Coupe du monde 2022 et a remporté la Ligue des Nations en 2023. En 2021, il s’est incliné en finale de cette épreuve face à la France.

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