16 juin 2000 : France-République tchèque

Publié le 19 août 2019 - Bruno Colombari

Suite de notre rétro avec analyse détaillée et commentaire des matches dans les conditions du direct. Retour à Bruges, le 16 juin 2000, pour un France-République tchèque déjà décisif, un vrai hutième de finale.

7 minutes de lecture
Cet article est publié dans le cadre de la série de l’été 2019, C’était l’Euro 2000

Le contexte

Battus (à la dernière minute) par les Pays-Bas, les Tchèques de Pavel Nedved n’ont plus droit à l’erreur contre la France : une défaite les éliminerait à coup sûr et un nul ne serait pas une bonne opération. Ce sera donc à eux de prendre des risques, pas aux Bleus qui se sont donnés un bon matelas de sécurité en battant nettement (3-0) le Danemark d’entrée. Roger Lemerre l’a bien compris, puisqu’il sort Youri Djorkaeff de son onze de départ et renforce le milieu avec Patrick Vieira. Les Bleus joueront donc en 4-3-1-2, avec Vincent Candela dans le couloir gauche à la place de Bixente Lizarazu, forfait de dernière minute. Attention : depuis quatre ans, les rares défaites des Bleus ont toujours eu lieu quand un des quatre défenseurs titulaires (Thuram-Blanc-Desailly-Lizarazu) était absent. Zidane, Henry et Anelka sont chargés d’animer l’attaque et de faire parler la vitesse en contre.

En face, la sélection de Josef Chovanek impressionne, avec Karel Poborsky, Jiri Nemec, Pavel Nedved, Tomas Rosicky, Vladimir Smicer et le géant Jan Koller dont les deux mètres et le jeu de tête dévastateur inquiètent tout le monde. La République tchèque 2000 est un mélange d’impact physique et de finesse technique qui n’est pas sans rappeler le jeu des Bleus, justement. Ces derniers ont une occasion en or de faire d’une pierre deux coups : prendre leur revanche sur une équipe qui les avaient privé d’une finale lors du précédent Euro au terme d’un match soporifique (0-0, élimination aux tirs au but) et surtout se qualifier directement pour les quarts avant d’affronter les Pays-Bas. C’est donc quasiment un huitième de finale qui se joue ce 16 juin sous le soleil radieux de Bruges.

Le match

Dès la 2e minute, les Tchèques montrent leurs qualités techniques à une touche de balle et décalent Pavel Nedved seul plein axe. Barthez, avancé pour fermer l’angle, détourne la frappe. Zidane est moins précis sur un coup franc frappé de loin largement au-dessus (4e) mais comme contre le Danemark, on voit qu’il n’y aura aucun round d’observation. Un centre de Nemec sur la tête de Koller fait courir des frissons dans le dos des supporters français (6e), inquiets de voir les Rouges entrer si facilement dans la surface de Barthez.

La fausse note de Petr Gabriel
Mais c’est pourtant de l’autre côté que viendra le premier but, le défenseur Gabriel tentant une passe en retrait complètement ratée à quarante mètres des buts. Dans son dos, Henry est déjà parti. Il semble un instant pousser trop loin son ballon mais le glisse intelligemment d’un pointu du droit devant Smicek (7e, 1-0). Un but qui rappelle l’action d’Anelka contre le Danemark qui avait permis à Blanc d’ouvrir le score...

Voilà les Bleus parfaitement engagés dans un match qui s’annonçait compliqué. On se dit qu’ils seraient bien inspirés de profiter de l’offrande pour prendre le large. Ils se le disent aussi, et ils poussent de plus en plus. Un corner de Petit trouve la tête d’Anelka à peine trop décroisée (16e). Et deux minutes plus tard, une superbe combinaison Vieira-Zidane se termine par une offrande du dernier à Henry en pleine surface, mais le tir croisé de l’attaquant passe à cinquante centimètres du poteau de Smicek (18e).

Nedved, Deschamps, pénalty
Tout heureux d’être encore dans le match, les Tchèques réagissent enfin. Poborsky fait le tour de Deschamps sur la ligne de but et place un centre en retrait millimétré pour Nemec qui ne cadre pas (22e). Le capitaine des Bleus inquiète, il semble en retard sur tous les ballons et pas serein. Barthez se plaint de la cuisse gauche. Thuram souffre dans son couloir droit. Le jeu de passe tchèque est un régal de précision et on se dit qu’il n’y aura pas toujours un Bleu pour couper les trajectoires.

A la 34e, Manu Petit cafouille un ballon au milieu et le contre est lancé avec Smicer à la baguette. Le ballon arrive à Nedved à l’entrée de la surface, poussé dans le dos par Deschamps dans l’arc de cercle à l’entrée de la surface. L’arbitre anglais Graham Poll siffle d’abord une faute, puis après avoir consulté son assistant, accorde un pénalty. Poborsky le transforme en force plein axe (1-1, 35e) et relance complètement la partie.

Coup pour coup
Henry gratte un bon coup-franc à 28 mètres dans l’axe, Zidane cherche et trouve la tête de Petit au second poteau mais le ballon longe la cage tchèque (37e). Dans la foulée, un tir rasant de Poborsky des 25 mètres frôle le poteau de Barthez battu (38e). Et sur un long ballon de Nemec, c’est Koller qui rabat de la tête le ballon pour Poborky dont la volée ne trouve pas le cadre (44e). Sur un ultime contre, Deschamps trouve Henry dont la frappe croisée du droit ne surprend pas Smicek (45e).

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Barthez sauve une balle de break
Au retour des vestiaires, Fukal a remplacé le malheureux Gabriel et Petit laisse sa place à Youri Djorkaeff, le 4-3-1-2 se transformant en 4-4-2 plus offensif. C’est Nedved qui se crée la première occasion et allume Barthez qui repousse sans broncher (48e). Le sélectionneur tchèque fait alors entrer Lokvenc à la place de Bejbl pour mettre plus de poids (et de taille) en attaque. La partie d’échecs bat son plein, aucune des deux équipes ne veut d’un nul et cherche le KO, quitte à se découvrir. Lemerre répond en substituant Dugarry à un bien décevant Anelka (55e).

Tous ces changements cassent le rythme, jusqu’à un contre fulgurant mené par les Bleus sur un centre raté de Smicer intercepté par Vieira dans sa surface. Vieira s’appuie sur Djorkaeff qui lui remet le ballon, Vieira sert Zidane qui d’une touche de l’intérieur du droit lance Djorkaeff dans le rond central. Djorkaeff lance Henry en profondeur, ce dernier bénéficie d’un rebond à effet rétro pour éliminer Repka et centrer du gauche au second poteau. Djorkaeff arrive lancé, frappe du droit de douze mètres et marque (60e, 2-1). L’action a duré treize secondes et six passes pour quatre joueurs seulement.

Koller, à coups de tête
Le jeu se durcit des deux côtés, Thuram et Deschamps sortent des tacles de derrière les fagots et Nedved déguste, tout comme Djorkaeff. Avec un seul jaune pour Thuram, les Français s’en sortent plutôt bien et Barthez lance un regard noir à Koller qui laisse traîner ses grands pieds. Juste après, sur un coup franc de Nedved, il place une tête lobée qui meurt derrière la transversale (68e). Sa tentative suivante, toujours sur coup franc de Nedved, frappe la barre de Barthez alors qu’il a largement dominé Desailly de la tête (70e). Puis une superbe ouverture de Zidane pour Henry manque de faire le break, mais l’attaquant d’Arsenal est signalé hors-jeu (71e). Zizou régale au milieu et domine complètement l’entrejeu tchèque à bout de souffle.

Les Bleus font tourner et privent les Tchèques de ballon pendant plusieurs minutes. Ils sentent que la victoire est à portée de main désormais, et qu’un troisième but plierait définitivement le match. Le public reprend en cœur le I will survive, l’ambiance est à la fête. Et Blanc smashe de la tête un coup franc de Djorkaeff mais sa tentative n’est pas cadrée (79e). Ce sera la dernière occasion française, mais qu’importe : les Bleus tiennent leur 2-1 sans savoir que ce sera leur score préféré à cet Euro (il y en aura trois autres).

Une place dans le quart
Dans les dernières minutes du match, les Tchèques ne cherchent plus à construire, ils balancent de longues balles hautes en direction de Lovkenc et Koller sur lesquelles la défense française veille, comme sur une nouvelle tentative du géant (86e). Zidane dévisse une ultime frappe (88e), tout comme Lokvenc (91e) et on en reste là. Après trois heures de jeu, les Bleus sont en quart de finale et viennent de sortir une bien belle équipe tchèque au cours d’un match constamment tourné vers l’attaque.

La séquence souvenir

La deuxième période a repris depuis deux minutes et rien de notable ne s’est passé quand les Tchèques vont construire une attaque plein axe. Sur un dégagement du gardien Smicek, Koller remet de la poitrine dans le rond central. Le ballon arrive à Poborsky qui trouve Smicer de quarante mètres. Smicer dévie de la tête pour Nedved lancé dans le dos de Blanc. A l’entrée de la surface, le futur Ballon d’or 2003 arme une frappe puissante. Sur sa ligne des 5,50 mètres, Barthez ferme l’angle et smashe le ballon des avant-bras. Il vient de sauver une balle de 1-2 qui aurait mis les Bleus en bien mauvaise posture.

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Le Bleu du match

Patrick Vieira. Il n’était pas titulaire au moment où commence l’Euro, mais sa rentrée contre le Danemark a été si intéressante que Lemerre l’a aligné dès le début du match contre les Tchèques. Il ne sortira plus de l’équipe jusqu’à la finale et deviendra le principal taulier des Bleus jusqu’en 2006. D’entrée, il ratisse tous les ballons au milieu et c’est tant mieux, car Deschamps et Petit sont à la peine. Il trouve Henry sur une superbe ouverture longue distance (25e) mais l’attaquant s’emmêle les pinceaux. Et cinq minutes plus tard, il est à la réception d’un centre de Zidane et frappe en force, Smicek détourne au premier poteau (30e). En deuxième période, il est toujours là, bouchant les trous de ses grands compas, reculant pour prendre Koller de la tête sur les balles longues, soignant les relances comme sur le but de Djorkaeff où c’est lui qui oriente le jeu. Bref, indispensable.

L’adversaire à surveiller

Jan Koller. 2,02 m sous la toise, un quintal sur la balance, pointure 52 fillette et une tête d’égorgeur de vieilles. Koller est le lointain descendant de l’Allemand Horst Hrubesch et son front cabossé, mais sa technique balle au pied est bien supérieure. International sur le tard, il a déjà 27 ans et joue tout près de là, à Anderlecht. C’est un redoutable buteur (il finira sa carrière avec 238 buts au compteur, dont 55 en sélection, record national) et son jeu en pivot fait des ravages dans les défenses adverses. Avant le match contre la France, il en est déjà à dix buts... en dix sélections.

Dans une attaque tchèque tourbillonnante qui joue surtout dans les pieds (Smicer, Nedved, Poborsky), il est plutôt discret en première mi-temps, surveillé de près par la charnière Blanc-Desailly. Puis, alors que le jeu tchèque s’allonge et passe plus par les airs, il pèse sur la défense et se crée deux énormes occasions de la tête à la 68e et à la 70e minute où il trouve la barre. Sa troisième tentative (86e) sera captée par Barthez, mais il aura joué aussi un rôle précieux en pivot, comme sur l’occasion de Nedved en début de deuxième mi-temps.

la petite phrase

Dans le JT du 16 juin à 20h sur France 2, Youri Djorkaeff : « J’essaie de faire gagner l’équipe, je marque des buts. Quand je rentre dans la surface je sens un souffle, les gens devant la télé doivent dire « marque, marque ! », je ne me pose pas la question. »

La fin de l’histoire

Même en étant sérieusement bousculé, les Bleus ont franchi l’obstacle tchèque avec sang-froid et brio. Moins sereins en défense qu’en 1998, les hommes de Roger Lemerre ont aussi plus d’expérience et plus d’atouts offensifs. Surtout, ils sont désormais en tête de leur groupe au nombre de buts marqués (5, contre 4 pour les Néerlandais), ce qui leur assure non seulement la qualification mais la première place s’ils ne perdent pas à Rotterdam.

Désireux de rester à Bruges où ils se sentent un peu comme à la maison, les Bleus vont laisser filer le match contre les Pays-Bas qui eux, ont besoin de gagner pour continuer le tournoi à domicile. Ce faisant, l’équipe de France va hériter d’un tableau plus difficile (Espagne et Portugal plutôt que Yougoslavie et Italie) et s’en sortira comme face aux Tchèques, par des victoires 2-1.

La République tchèque, déjà éliminée après le deuxième match du tournoi, aurait mérité mieux. Absente de la Coupe du monde 1998, elle va également manquer celle de 2002. A l’Euro 2004, elle réalise un premier tour parfait, gagnant ses trois matchs notamment face aux Pays-Bas et à l’Allemagne, écarte le Danemark en quart mais s’incline contre la Grèce en demi-finale. Elle ne fera pas mieux par la suite.

Portfolio

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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