En tant que directeur du développement du football mondial à la FIFA, Arsène Wenger travaille notamment sur un nouveau calendrier international. Dans une interview accordée à Vincent Duluc dans L’Equipe du 3 septembre 2021, il propose deux réformes : regrouper les fenêtres internationales (celles réservées aux sélections) sur deux périodes, en mars et en octobre, et organiser une Coupe du monde tous les deux ans en alternance avec les championnats continentaux (l’Euro, la Coupe d’Afrique des Nations, la Copa América, etc). « Je souhaite améliorer la fréquence des compétitions, en étant guidé par la simplicité, la clarté du calendrier, et la volonté de n’organiser que des compétitions qui ont un véritable sens, et qui sont celles qui permettent d’améliorer le niveau du football ».
Les réactions n’ont pas manqué, et sont pour la plupart très hostiles. Comme au sein de la rédaction, la discussion commençait à s’engager, j’ai trouvé intéressant de la structurer autour de six questions en demandant à Pierre Cazal, Hugo Colombari, Richard Coudrais, François da Rocha Carneiro et Matthieu Delahais (par ordre alphabétique) d’apporter leur contribution. La voici.
Pierre Cazal : « En 1946, la FIFA avait décidé d’organiser la Coupe du monde tous les deux ans »
Une Coupe du monde tous les deux ans, alternée avec un Euro tous les deux ans, c’est-à-dire une phase finale majeure tous les ans en juin-juillet, c’est quelque chose qui vous plairait, comme amateur de foot ? Pourquoi ?
François da Rocha Carneiro : La frustration créant l’envie, je crains que ce rythme soit trop rapide pour me plaire, d’autant qu’entre temps, on aurait également au moins un Euro. Ce qui fait la saveur de la Coupe du monde comme du Championnat d’Europe, c’est parfois la qualité des rencontres, mais surtout l’exceptionnalité du tournoi.
Pierre Cazal : Il y a des championnats du monde annuels dans beaucoup de sports, donc ce n’est pas un problème. Je rappelerai que la FIFA, en 1946, avait décidé d’organiser la Coupe du monde tous les deux ans, attribuant celle de 1949 au Brésil et celle de 1951 à la Suisse ! La décision fut rapportée en 1948. La proposition fut relancée par Blatter en 1999 : donc rien de nouveau. Je rappelle aussi qu’originellement le projet de compétition internationale de 1905 était annuel ; il est devenu quadriennal en 1928 pour se calquer sur la périodicité des Jeux olympiques, et alterner avec eux. Je crois en outre que 4 ans c’est trop : la preuve, aucune équipe ne parvient à gagner deux fois de suite à l’exception du Brésil 1958-1962. Les joueurs ne parviennent plus à se maintenir au très haut niveau, devenu athlétiquement hyper-exigeant, pendant 4 ans ; mais deux c’est très possible, voir l’exemple de la France 1998-2000 ou de l’Espagne. Donc oui, ce rythme me paraît satisfaisant, avec l’Euro entre deux Coupes du monde, ça donne un championnat annuel, comme dans la majorité des sports…
Richard Coudrais : L’équipe d’Espagne a maintenu son niveau de 2008 à 2012 en remportant trois phases finales consécutives. Un tenant peut donc toujours conserver son titre quatre ans plus tard. D’une Coupe du monde à l’autre, les équipes sont rarement profondément renouvelées. Elles gardent une ossature. Rapprocher les échéances ne changera pas grand-chose sur ce plan. Enfin, il n’y a pas tant de championnats du monde annuels que ça dans les sports qui se rapprochent du foot. Le handball, c’est tous les deux ans. Le basket, le volley, le hockey sur gazon, le rugby, c’est tous les quatre ans. Il y a les JO qui s’intercalent pour certaines disciplines, dont les championnats du monde qui précèdent servent d’éliminatoires. On peut donc difficilement faire la comparaison avec le foot, qui reprend tout à zéro à chaque édition.
Matthieu Delahais : Non, je ne suis pas favorable à cette idée. Cela ferait perdre à ces compétitions leur caractère exceptionnel. Et je pense que les joueurs le ressentiront aussi. Les Italiens ont manqué la Coupe du monde 2018 et ont dû être profondément frustrés. Par contre, ils ont remporté l’Euro cette année. Le manque ressenti trois ans plus tôt a peut-être joué sur leur motivation.
Richard Coudrais : « La Ligue des nations n’a aucune légitimité »
Hugo Colombari : Je comprends qu’une compétition internationale majeure tous les ans puisse être attirant, et cela le serait sûrement les premières années. Mais au bout de la troisième Coupe du monde et du deuxième Euro en 5 ans, je pense que le caractère exceptionnel d’une qualification ou d’une victoire dans ces compétitions s’épuiserait, d’autant plus si le nombre de nations participantes ne cesse d’augmenter. Du fait de sa rareté, une victoire en Coupe du monde ne peut être banalisée, elle est forcément exceptionnelle, source d’émotions décuplées et de postérité. Le rythme d’une Coupe du monde tous les quatre ans, chacune intercalée d’un Championnat d’Europe, me semble être bien adapté au rythme générationnel des sélections.
Richard Coudrais : Le risque des éditions rapprochées est aussi que certaines seront galvaudées, considérées par certaines sélections comme une “édition de transition”, préparatoire pour la suivante. Ce qui n’arrivera jamais avec une Coupe du monde tous les quatre ans.
Le passage à une fréquence de phase finale annuelle rendrait logiquement caduque la Ligue des Nations de l’UEFA et la Coupe du monde des clubs à 24 de la FIFA. La disparition de ces compétitions annexes comme l’était la Coupe des Confédérations serait-elle une bonne chose ? Pourquoi ?
François da Rocha Carneiro : Ce ne serait en tout cas pas une mauvaise chose car aucune des deux compétitions n’a jamais réussi à s’imposer dans le paysage du football d’élite. Elles encombrent le calendrier et tendent à priver les “petites équipes nationales” de confrontations contre les équipes les plus fortes.
Richard Coudrais : La Ligue des nations n’a aucune légitimité : son vainqueur n’est pas proclamé “champion d’Europe” ou “champion du monde”, il est juste le vainqueur d’une épreuve dont la moitié des participants se fichent. La Coupe du monde des clubs n’a aucun sens : on applique un format “foot de sélection” à temporalité limitée à un football de clubs qui vit toute l’année. La disparition de ces deux épreuves ne poserait aucun problème. Par contre, il faudrait laisser de la place aux matchs amicaux de sélection, aux tournées, voire aux matchs de préparation avant les phases finales.
Pierre Cazal : Trop de compétitions tuent les compétitions. Il en vaut mieux une seule : l’Euro et la Ligue des nations, ça fait deux championnats d’Europe, un de trop. Tant qu’à faire, garder la Ligue des nations, dont le concept est original et évite des matches disproportionnés et inintéressants du type France-Bosnie, et éliminer l’Euro, qui n’est qu’une Coupe du monde bis, réduite à l’Europe ! Je pense aussi que l’UEFA devrait cesser d’être égoïste : Wenger a dit que 166 pays sur 211 ont réagi plutôt favorablement à la proposition d’une Coupe du monde tous les 2 ans : cela laisse 55 pays prétendument défavorables ; mais 55, c’est le nombre de pays affiliés à l’UEFA ! Donc , il faut comprendre que sur les 6 Confédérations composant la FIFA, 5 sont pour et l’Europe seule contre, pour protéger ses deux compétitions propres, qui se marchent sur les pieds...
Matthieu Delahais : La disparition de la Coupe du monde des clubs à 24 ne me dérangerait pas, même s’il est difficile de juger une épreuve qui n’a encore jamais eu lieu. Par contre, je suis plus réservé pour la Ligue des Nations. Je n’arrive pas encore à mesurer l’importance que peut prendre une victoire dans cette compétition, mais je crois qu’elle est déjà très importante pour les petites nations, celles qui ne se qualifieront jamais pour une une phase finale de coupe du monde ou d’Euro. En effet, avec le jeu des montées et descentes entre les différentes divisions, il y a un véritable enjeu sportif pour ces petites équipes. Alors que dans les phases de qualification, le seul objectif qu’elles peuvent avoir est d’essayer d’accrocher une grande nation.
Hugo Colombari : Oui, cela serait certainement une des seules bonnes conséquences de cette réforme. Il me semble impossible pour ces compétitions de s’imposer aux côtés des mastodontes historiques et sportifs que sont la Coupes du monde, le Championnat d’Europe ou encore la Ligue des Champions. Et sans légitimité ni prestige, nous en retenons essentiellement les aspects négatifs (surcharge du calendrier, multiplication des compétitions et des titres décernés, quasi-disparition des matchs amicaux…).
François da Rocha : « il serait étonnant que des clubs ambitieux ne retiennent pas leurs joueurs »
La proposition de Wenger (des fenêtres internationales regroupées en octobre et mars, une phase finale en juin-juillet) limiterait la présence des équipes nationales dans la saison. A terme, le risque n’est-il pas de restreindre encore ces fenêtres et de ne jouer que des phases finales organisées par niveau, comme la Ligue des Nations ?
François da Rocha Carneiro : Evidemment. Mais je vois aussi un autre danger : celui d’une fatigue extrême des joueurs au risque de leur santé. Afin de limiter le danger, on peut craindre des contournements pervers : les meilleurs joueurs peuvent ainsi être écartés des matchs réguliers, ceux de championnat face à des équipes moyennes ou faibles par exemple, comme les clubs professionnels le font régulièrement pour les premiers tours de Coupe de France. On réserverait alors les joueurs les plus brillants aux seules affiches les plus prometteuses, aux matchs de prestige. L’autre menace est celle qui pourrait peser sur les équipes nationales : puisque chaque début d’été verrait une phase finale se dérouler et sachant que les joueurs sont employés par des clubs et non par des fédérations, il serait étonnant que des clubs ambitieux ne retiennent pas leurs joueurs, surtout ceux des équipes nationales les moins susceptibles de gagner la compétition. Sans manquer de respect à l’équipe d’Autriche, David Alaba par exemple a sans doute un peu plus de chances de remporter un titre international avec son club du Real Madrid qu’avec sa sélection. Puisqu’il faut ménager les corps, le choix peut alors être rapide à faire.
Pierre Cazal : Limiter les “fenêtres” est une excellente chose. Celle de septembre est catastrophique, en début de saison. Dans un passé lointain, on ne jouait des matches internationaux qu’à partir de février-mars, et même parfois seulement en fin de saison. Il faut arrêter d’émietter le calendrier, se concentrer sur des temps forts, et ménager les organismes des joueurs , obligés à des longs voyages incessants, je pense aux Sud-Américains. Les clubs seront ravis, et je rappelle qu’ils ne peuvent en aucun cas bloquer leurs joueurs ; ce n’est d’ailleurs nullement leur intérêt, car l’exposition internationale les valorise et fait grimper les prix !
Matthieu Delahais : Le risque de voir les sélections disparaître risque d’être accru. Avec le calendrier actuel (4-5 rassemblements dans l’année plus les phases finales), on pense toujours aux sélections. Comme elles reviennent régulièrement dans l’actualité, on ne peut pas s’empêcher de spéculer sur la présence de tel ou tel joueur en fonction de ses performances ou de déplorer la blessure d’un autre qui sera absent. En réduisant les fenêtres internationales, c’est aussi tout cet aspect qui va disparaître. Le risque est que les sélections tombent un peu dans l’oubli et qu’on finissent par supprimer ces périodes dédiées aux équipes nationales pour remettre de nouvelles compétitions de clubs. D’ailleurs, comment les clubs vont-ils occuper leurs joueurs non-internationaux durant ces trêves ? Ce point n’a pas été abordé par Arsène Wenger…
François da Rocha Carneiro : La rareté crée l’envie mais aussi permet de faire grimper les prix. L’exposition internationale perdrait probablement de sa valeur si elle est trop fréquente. Par ailleurs, évidemment, les clubs n’ont pas le droit d’empêcher les joueurs de rejoindre leur sélection… en théorie, du moins, car entre les petits arrangements entre amis et les blessures inoppinés arrivant justement à la veille d’une trêve internationale, on se souvient tous d’internationaux n’ayant pas donné suite à une convocation internationale.
L’argumentaire de Wenger est que le public ne s’intéresse qu’à des matchs à fort enjeu et potentiellement spectaculaires, ce qui ne serait plus le cas des phases qualificatives continentales. Constatez-vous une baisse de qualité des matchs de qualifications pour l’Euro et la Coupe du monde ces dernières décennies ? Les phases de poule de la Ligue des Nations, avec des niveaux homogènes, sont-elles plus intéressantes ?
François da Rocha Carneiro :Dire que les matchs de qualification ont baissé de qualité reviendrait à oublier les rencontres laborieuses qu’on a pu vivre depuis des décennies. Les qualifications sont aussi l’occasion de construire un groupe et pour cela, il faut du temps, cela ne se fait pas en deux rassemblements. Il n’y a pas en soi de baisse de qualité, mais il n’y a pas non plus de gain notable avec la Ligue des Nations. L’entre-soi n’est pas la meilleure garantie de réussite.
Matthieu Delahais : « laissons quelques années à la Ligue des Nations avant de la juger définitivement »
Richard Coudrais : J’aime bien dans la Ligue des nations son système à plusieurs divisions. On pourrait s’en inspirer pour les éliminatoires de la zone Europe. Répartir d’abord les 35 plus mauvaises équipes en 7 groupes de 5 (la “deuxième division”). Les premiers de chaque groupe rejoignent les 21 meilleures sélections pour composer 7 groupes de 4 (la “première division”). Et pour les éditions suivantes, on ne garde que les trois premières de chaque groupe en “première division”, le quatrième étant condamné à batailler en “deuxième division”. Ce système éviterait des écarts trop grands entre sélections et permettraient aux “petits” de progresser.
Pierre Cazal : Vous trouvez que France-Bosnie, ou France-Kazakhstan, c’est alléchant ? Les petites équipes évoluent toutes en bloc bas, refusent le jeu et on s’ennuie. Depuis qu’on qualifie deux équipes par groupe, l’intérêt des matches qualificatifs a fondu. Dans le temps, oui, France-Bulgarie 1993, France-Yougoslavie 1965, France-Bulgarie 1961 et 1962, étaient des matches à enjeu, dramatiques à souhait. Maintenant on peut concéder comme c’est le cas actuellement des matches nuls... vraiment nuls, à gogo, sans craindre l’élimination. Alors oui, Wenger a raison seuls les grands matches intéressent non seulement le public, mais les joueurs eux-mêmes ; on sait tous que les Bleus se subliment quand ils ont à affronter l’Allemagne, l’Argentine ou le Brésil ; mais Andorre, la Moldavie, ou que sais-je, non. D’ailleurs c’est bien simple : faites la liste des matches inoubliables, pour vous... Je doute qu’Andorre s’y trouve, ou la Bosnie !
Matthieu Delahais : Si l’intérêt des phases de qualification baisse, c’est qu’il y a trop de qualifiés. Pour l’Euro, 24 nations jouent la phase finale. Un moyen pour accroître l’intérêt des phases éliminatoires serait de faire des groupes plus restreints, mais avec un seul qualifié par groupe. Pour la Ligue des Nations, je pense qu’il faut laisser à cette compétition un peu de temps. On a déjà vu que pour le système de montée et descente dans les plus petites divisions, les équipes y trouvent un réel intérêt. Pour la première division, je trouve que c’est plus motivant de jouer contre des grosses équipes, avec le risque de descendre d’un niveau ce qui donne forcément une motivation. Après, la conquête du titre me semble pour le moment assez anecdotique. Mais laissons quelques années à la Ligue des Nations avant de la juger définitivement.
François da Rocha Carneiro : Aux côtés d’inoubliables France-Brésil, France-Italie ou France-Allemagne, on a quand même quelques mémorables France-Bulgarie, France-Paraguay ou France-Croatie, dont un entre-soi entre les “gros” nous aurait privé.
Hugo Colombari : La rareté contribue à l’enjeu, une phase qualificative pour une compétition ne se déroulant que tous les quatre ans aura forcément plus d’enjeu que pour une phase finale tous les deux ans. De plus, avec l’augmentation du nombre de qualifiés, ces matchs sont moins punitifs pour les grosses équipes, ce qui en réduit à la fois l’enjeu et l’aspect “spectaculaire”. Selon moi, les matchs spectaculaires sont avant tout ceux avec un fort enjeu, ceux durant lesquels les équipes ont le plus à perdre. Multiplier les compétitions revient plus à diluer l’enjeu qu’à le multiplier lui aussi. Dans le cadre de la Ligue des Nations, si les matchs avec des niveaux homogènes peuvent en effet être plus intéressants à regarder, leur répétition dessert leur attractivité.
François da Rocha : « ce sport ressemble à l’Empire de Charles Quint, sur lequel le soleil ne se couchait jamais »
On assiste depuis une vingtaine d’années à un double phénomène : il y a de plus en plus de matchs (en club ou en sélection) qui sont de moins en moins visibles sans souscrire un ou plusieurs abonnements à des diffuseurs privés. Y compris d’ailleurs pour la Coupe du monde ou l’Euro. Cette tendance est-elle irréversible ?
François da Rocha Carneiro : Je ne suis pas devin mais je ne suis pas certain de l’irréversibilité. L’apparition du streaming et des abonnements à des plateformes a profondément transformé l’industrie musicale mais ne l’a pas fait disparaître. Cela traduit de nouveaux modes de consommation du produit culturel, ce qu’est d’ailleurs un match de football retransmis. Davantage que l’économie de la diffusion des matchs, je pense que le rythme est en cause. Certes, il faut désormais souscrire à des abonnements multiples pour assister à telle ou telle compétition, mais d’où venons-nous ? D’une télévision des années 1960 qui ne retransmettait que des bribes de matchs internationaux, une mi-temps s’il y avait la place dans le planning ! D’une fédération qui, alors, se demandait si les retransmissions n’allaient pas priver les stades de public tout en craignant que la popularité du rugby n’ait raison de celle du ballon rond ! Des années 1970 où, hors tournoi international, on ne pouvait voir qu’une petite quinzaine de matchs par an (les matchs de l’équipe de France, ceux des équipes françaises en coupe d’Europe et la finale de la Coupe de France) ! Le problème du football d’aujourd’hui est sans doute que, par la multiplication des diffuseurs privés, ce sport ressemble à l’Empire de Charles Quint, sur lequel le soleil ne se couchait jamais. A toute heure du jour ou de la nuit, quasiment, je peux regarder un match de football en direct. C’est cela qui menace le goût du public, l’indigestion jusqu’à la nausée, bien plus que l’accumulation de nourritures payantes.
Pierre Cazal : Je pense que oui, c’est irréversible, mais les grands matches seront toujours sur les chaînes publiques. Quant à l’overdose , effectivement, c’est un danger. Personnellement , je ne regarde que peu de matches, en dehors de ceux des Bleus, et même à l’Euro. Je crains la saturation. A chacun de faire son choix.
Matthieu Delahais : La tendance ne me semble pas irréversible. D’ailleurs cette année, il y aura (il me semble), des matches d’Europa League et Europa Conference League en clair. Par contre, les grosses compétitions de clubs seront toujours payantes.
Il me semble d’autant plus important de maintenir de nombreuses fenêtres internationales dans l’année, puisque les matches de l’équipe de France doivent être diffusés en clair. Ça permet aux supporters qui ne veulent (et ne peuvent) pas payer d’abonnements de voir du football. Si les fenêtres se réduisent, je ne suis pas sûr que ces supporters suivront les rencontres avec autant d’assiduité. Il y a un “risque” de perdre une partie du public.
François da Rocha Carneiro : Faire son choix, c’est en effet ce que fait le public en délaissant nombre de matchs retransmis. Ce n’est pas en multipliant les compétitions qu’on augmentera l’envie. Celle-ci naît beaucoup de l’importance de l’enjeu, qui serait inévitablement amoindri si la compétition est plus fréquente.
Hugo Colombari : Quand les organisateurs réaliseront que sans visibilité leurs compétitions ne valent plus rien économiquement, cette tendance s’inversera peut-être. Les instances commencent à se soucier de l’attractivité télévisuelle du football, notamment vis-à-vis des nouvelles générations. Mais je crains que la visibilité et l’accès gratuit aux matchs ne soient pas en haut de leur liste de solutions. Heureusement en France la loi oblige la diffusion en clair de plusieurs événements sportifs, comprenant tous les matchs de l’équipe de France de football ou encore les finales des principales compétitions.
Richard Coudrais : « On peut également alléger les éliminatoires avec des groupes de quatre plutôt que de six ou sept »
Quelles réformes en termes d’organisation de compétition ou de calendrier aimeriez-vous voir apparaître dans les prochaines années ? Et quel objectif poursuivraient-elles ?
François da Rocha Carneiro : L’allègement du calendrier est une utopie : on la réclame, les joueurs en particulier, depuis plus d’un siècle, et la seule réponse qu’on lui apporte est plutôt un alourdissement. On peut néanmoins retenir l’idée de plages internationales. Deux, c’est insuffisant pour la vie de groupe. En revanche, trois en année de compétition, et un stage de fin de saison les années creuses, cela semble raisonnable. Il faut répondre à un double besoin aux contours parfois opposés : construire un groupe d’où peut émerger une équipe solide et ménager des organismes mis continuellement à l’épreuve.
Richard Coudrais : Les instances du foot en veulent toujours plus. Il est difficile d’imaginer qu’elles se résoudraient à alléger le calendrier. Pourtant, il serait intéressant de dégrossir le nombre de participants à la Coupe du monde ou l’Euro. Nous avons des premiers tours interminables qui ressemblent de plus en plus à un prolongement des éliminatoires. Un retour à 16 équipes (avec l’ensemble des confédérations représentées) éviterait la présence d’équipes passables (celles provenant d’Europe principalement). On peut également alléger les éliminatoires avec des groupes de quatre plutôt que de six ou sept.
Pierre Cazal : Il est indispensable de revoir le format des phases finales , si on veut une périodicité plus courte. Pas question d’un format à 48 tous les deux ans ! L’idéal serait de revenir à une phase finale réduite aux matches éliminatoires, par exemple à partir des 1/16èmes de finale.L’intérêt serait maximal, la dramatisation , constante. Mais cela supposerait que 16 équipes fassent le déplacement pour un seul match , comme en 1934 et 1938, et je ne me fais pas d’illusion. L’intérêt de la FIFA est qu’il y ait beaucoup de matches , pour encaisser des droits télé en rapport. C’est la raison pour laquelle je ne crois pas que la proposition Wenger ait plus de réussite que la décision de 1946 ou la proposition Blatter. Mais c’est dommage : avec un tel format , on aurait une compétition passionnante, qui permettrait réellement au champion de remettre son titre en jeu tous les deux ans.
Hugo Colombari : « Et si possible, éviter les Coupes du monde en hiver dans des pays où le football n’est qu’un intérêt géopolitique »
Matthieu Delahais : Je pense qu’il faut réduire le nombre de matches et que l’effort doit être partagé à tous les niveaux. Moins d’équipes dans les championnats, faire des formules plus courtes pour les coupes européennes et réduire les matches internationaux. Alors certes, ça va limiter les recettes et donc les salaires des joueurs, mais je ne pense pas qu’ils seront malheureux pour autant. Concrètement, je verrai des championnats nationaux à 18 équipes et une seule coupe nationale par pays. Au niveau des épreuves continentales, une formule de huit poules à quatre équipes avec deux qualifiés puis des matches éliminatoires en aller-retour me paraît très bien. Ce qu’il faudrait, c’est limiter les matches de barrages qui démarrent beaucoup trop tôt. Mais tout cela implique de mieux répartir les équipes qualifiées. Il n’est pas normal qu’en septembre, il y ait déjà beaucoup de nations qui ne sont plus représentées en Europe.
Pour les équipes nationales, je suis partisan de garder la Ligue des Nations, mais réduire les matches de qualifications en faisant des groupes avec moins d’équipes, mais un seul qualifié par groupe. Et surtout, l’Euro et la Coupe du monde tous les quatre ans.
Hugo Colombari : Alléger le calendrier, mieux répartir les trêves pour les sélections, conserver la rareté des phases finales internationales tout en réduisant le nombre de participants… En bref un football moins bourratif laissant la place à des émotions fortes grâce au prestige et à l’enjeu de ses compétitions exceptionnelles. Et si possible, éviter les Coupes du monde en hiver dans des pays où le football n’est qu’un intérêt géopolitique.
Vos commentaires
# Le 20 septembre 2021 à 22:30, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les débats de la rédaction : vers une Coupe du monde tous les deux ans ?
Dans le handball, le championnat du monde s’était déroulé tous les 4 ans entre 1954 à 1990, & à partir de 1993, le championnat du monde de handball se déroule tous les 2 ans
# Le 20 septembre 2021 à 22:35, par Nhi Tran Quang En réponse à : Les débats de la rédaction : vers une Coupe du monde tous les deux ans ?
Concernant la coupe du monde des clubs, je trouve qu’elle a le mérite d’exister du fait que le football de club ne doivent pas se limiter à 2 continents (uefa-comnebol) comme du temps de la coupe intercontinentale qui s’est déroulé de 1960 à 2004. Même si jusqu’à présent depuis la création de la coupe du monde des clubs en 2000, l’uefa & la comnebol se sont partagé les victoires
# Le 26 septembre 2021 à 18:13, par Coeur Bleu En réponse à : Les débats de la rédaction : vers une Coupe du monde tous les deux ans ?
Pour la coupe du monde des clubs, je retiens l’argumentaire de R. Coudrais : on mélange les temporalités, les rythmes différents, l’éphémère et le continu.
Sur le débat de fond, j’ai trouvé la présentation d’A. Wenger très peu chiffrée en détail, c’est une présentation de direction, pour prendre la température et ne pas prendre le bouillon, comme le projet de Super League a pu recevoir comme accueil, un pion avancé pour tester ?
Hors évènement estival, on circule avec environ 72 matches possibles par an en France depuis 20 ans, et c’est assez stable, contre 65 dans les années 90. Il n’y a pas eu une si terrible évolution (et on ne peut pas dire que les clubs français brillent régulièrement jusqu’au bout des compétitions européennes...) : 48 dates domestiques pour les européens, une Ligue des Champions qui a varié de 11 matches dans les années 90 à 13 en passant par 17, et les matches des bleus qui se sont stabilisés à 11 en moyenne (contre 7 jusqu’en 93). La Coupe de la Ligue a eu le bon goût de disparaitre récemment.
Mais on ne met pas assez l’accent sur l’intensité, qui n’est plus la même qu’il y a 10 ou 15 ans, qui est plus l’évolution de ces 20 dernières années que le nombre de matches lui-même.
Le regroupement sur des fenêtres internationales a eu l’avantage de supprimer le perlage qu’on avait auparavant, avec 7 ou 8 dates possibles dans l’année (janvier, février, fin avril, août et décembre ont définitivement disparu).
# Le 26 septembre 2021 à 18:33, par Coeur Bleu En réponse à : Les débats de la rédaction : vers une Coupe du monde tous les deux ans ?
La Coupe du Monde est effectivement un évènement précieux, et elle doit rester tous les 4 ans. Chaque confédération voudra conserver l’alternance avec sa compétition domestique, et donc avoir une compétition tous les étés nous désintéresserait.
À trop manger de gâteau, on est écœuré.
On peut d’ailleurs regretter le passage à 24 pour l’Euro, qui a perdu en charme, en perdant en compétitivité au 1er tour. Tout comme l’Euro est passé à 24, la Coupe du Monde passant à 48 risque aussi de perdre en intérêt.
# Le 26 septembre 2021 à 21:21, par Bruno Colombari En réponse à : Les débats de la rédaction : vers une Coupe du monde tous les deux ans ?
Tout à fait d’accord avec vous. 16 équipes pour l’Euro, 32 pour la Coupe du monde, le tout sur des intervalles de quatre ans, voilà des formats idéaux. J’irais même jusqu’à remplacer le premier tour par un huitième à l’Euro et un seizième à la CM, histoire de réduire le nombre de matchs et de donner de l’intérêt à chacun d’eux, mais peut-être faudrait-il trouver une alternative aux tirs au but qui risquent de se multiplier.