Depuis 1930, l’équipe de France a joué 30 matchs à élimination directe en Coupe du monde, dans lesquels j’ai compté aussi les finales pour la troisième place (1958, 1982 et 1986) qui sont plus des voies de garages pour battus de demi-finales, mais qui définissent un vainqueur et un perdant.
Des éditions à géométrie variable
A noter que le nombre même de matchs à élimination directe a beaucoup varié depuis 1930 : ainsi, il n’y avait que ça en 1934 et 1938 (pas de phase de poules), aucun en 1950 (pas même de finale, remplacée par un tour à quatre) et seulement deux en 1974 et 1978 (la finale et le match de classement). L’abandon d’un deuxième tour par poules de quatre ou de trois (en 1982) et le retour aux huitièmes de finale en 1986 a permis, en théorie, de mettre plus d’enjeu à la deuxième quinzaine du tournoi.
Sur les 16 Coupes du monde auxquelles ils ont participé, c’est la dixième fois que les Bleus accèdent à cette catégorie en sortant du premier tour. Les cinq autres fois, ils ont été éliminés avant (1930, 1954, 1966, 1978, 2002 et 2010).
21 victoires, 9 défaites
L’équipe de France a remporté 21 matchs à élimination directe et en ont perdu 9 : pour plus de lisibilité, les matchs terminés aux tirs au but (RFA 1982, Brésil 1986, Italie 1998, Italie 2006 et Argentine 2022) sont comptés comme des victoires ou des défaites, même s’ils sont statistiquement parlant des matchs nuls.
Comme dans un tournoi de tennis, il est logique que les défaites soient moins nombreuses que les victoires, puisqu’il ne peut y avoir plus de deux matchs perdus par tournoi (la demi et la troisième place), alors qu’une équipe qui gagne la compétition peut engranger jusqu’à quatre victoires (dans la formule en vigueur depuis 1986).
Voyons maintenant les différents scénarios possibles en fonction du déroulement de la partie. Les Bleus ont marqué les premiers 19 fois, et ont été menés au score en premier 10 fois. La 22e occurrence est le seul 0-0 de la série, contre l’Italie en 1998.
La France marque en premier et gagne (16 fois sur 30)
Belgique 1938 (3-1)
Irlande du Nord 1958 (4-0)
Allemagne 1958 (6-3)
Italie 1986 (2-0)
Paraguay 1998 (1-0)
Brésil 1998 (3-0)
Brésil 2006 (1-0)
Portugal 2006 (1-0)
Nigéria 2014 (2-0)
Argentine 2018 (4-3)
Uruguay 2018 (2-0)
Belgique 2018 (1-0)
Croatie 2018 (4-2)
Pologne 2022 (3-1)
Angleterre 2022 (2-1)
Maroc 2022 (2-0)
Le point remarquable ici est le fait que lorsqu’ils marquent les premiers et l’emportent, les Bleus encaissent assez rarement des buts (six fois, contre dix clean-sheets). Contre la Belgique en 1938, la France mène déjà 2-0 quand Isemborghs réduit le score. En Suède, pour le France-RFA de la troisième place Cieslarczyk égalise juste après l’ouverture du score de Fontaine, à la 17ème, les buts de Rahn et de Schafer n’arrivent qu’alors que les Bleus mènent 4-1 et 5-2. En 2018, après le but de Griezmann, les Argentins mènent 2-1 avant de se prendre la vague. Les Croates égalisent en première mi-temps, puis clôturent le score, mais ont pris trois buts entre temps. En 2022, les Bleus sont plus laxistes contre la Pologne (qui ne marque qu’à 3-0, dans le temps additionnel sur pénalty) et l’Angleterre (qui égalise).
La France marque en premier et perd (3 fois sur 30)
Autriche 1934 (2-3)
Pologne 1982 (2-3)
Italie 2006 (1-1)
Ce cas là est plus rare. En 1934, contre la Wunderteam autrichienne, l’équipe de France débute parfaitement par un but de Jean Nicolas à la 18ème. Mais les Bleus se font reprendre avant la mi-temps par Mathias Sindelar et tombent en prolongations, la toute pré de leur histoire (2-3).
En 1982, deux jours après la folle soirée de Séville, les joueurs de Michel Hidalgo prennent l’avantage contre la Pologne grâce à René Girard (18ème). Une accumulation de bourdes défensives avant la mi-temps leur fait perdre le fil et le match (2-3).
En 2006, tout avait trop bien commencé à Berlin contre l’Italie, avec le penalty transformé par Zinédine Zidane à la 7e. Mais en douze minutes les Italiens recollent par Marco Materazzi puis tiennent bon jusqu’aux tirs au but (1-1).
La France est d’abord menée au score et gagne (4 fois sur 30)
Brésil 1986 (1-1)
Belgique 1986 (4-2)
Croatie 1998 (2-1)
Espagne 2006 (3-1)
Si les Bleus encaissent un but en premier, qu’ils se rassurent : à quatre reprises depuis 1986 ils ont su renverser la tendance et l’emporter. Passons rapidement sur le match de classement contre la Belgique au Mexique, anecdotique (Jan Ceulemans ouvre le score à la 11e, score final 4-2 après prolongations). Quelques jours plus tôt face au Brésil, le splendide but initial de Careca avait été annulé par Michel Platini juste avant la mi-temps (1-1, victoire aux tirs au but).
En 1998, la Croatie a mené pendant une minute suite au but de Davor Suker, le temps pour Lilian Thuram d’égaliser puis de donner la victoire aux Bleus 2-1). Enfin, en 2006, le penalty transformé par David Villa pour l’Espagne (27e) n’assomme pas les coéquipiers de Zinédine Zidane qui réagissent par Franck Ribéry (41e) avant de l’emporter en fin de match (3-1).
La France est d’abord menée au score et perd (6 fois sur 30)
Italie 1938 (1-3)
Brésil 1958 (2-5)
Allemagne 1982 (3-3)
Allemagne 1986 (0-2)
Allemagne 2014 (0-1)
Argentine 2018 (3-3)
C’est le scénario a priori le plus logique. Les trois premières fois de cette série, les Bleus ont pourtant bien réagi en égalisant très vite après l’ouverture du score adverse : en 1938 Oscar Heisserer (8e) répond à Gino Colaussi (7e), en 1958, Just Fontaine (9e) réplique à Vava (2e) et en 1982, Michel Platini transforme un pénalty (27e) peu de temps après le but de Pierre Littbarski (18e). Si dans les deux premiers cas, les Français ne reviendront plus au score après le second but, ils prendront l’avantage dans le troisième en menant 3-1 en prolongations.
Les deux cas suivants sont plus classiques : l’Allemagne ouvre le score tôt dans la partie (Andreas Brehme à la 9e en 1986, Mats Hummels à la 12e en 2014) et s’assure de la victoire en ne lâchant plus rien. Le dernier est atypique, puisque quand l’Argentine mène 2-0 à la 36e minute de la finale 2022, on ne donne pas cher de la peau des Bleus. Ils reviennent pourtant en une minute par un doublé de Mbappé, avant d’être encore menés en prolongation, de revenir puis de s’incliner aux tirs au but.
Personne ne marque et la France se qualifie (1 fois sur 30)
Les 0-0 en match à élimination de Coupe du monde sont extrêmement rares, puisqu’on en compte qu’un seul : c’est le quart de finale 1998 contre l’Italie. Rencontre verrouillée par le dispositif ceintures et bretelles mis en place par Aimé Jacquet (trois milieux défensifs derrière Zidane et Djorkaeff, Guivarc’h occupant seul la pointe de l’attaque), et plus encore par la menace d’un but en or en prolongations. Il faudra une séance de tirs au but crispante avec l’échec d’un spécialiste (Lizarazu) et les succès des deux gamins qu’étaient encore Henry et Trezeguet.