Robert Mouynet, l’autre doyen des Bleus

Publié le 30 mai 2024 - Pierre Cazal

Il a eu 94 ans le 24 mars 1924 : Robert Mouynet est actuellement le doyen des Bleus toutes catégories confondues, même s’il n’a pas été international A. Il a toutefois été appelé à la Coupe du monde 1958, sans jouer. Avec Bernard Chiarelli, il est l’un des deux derniers survivants français de cette compétition.

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Il existe des internationaux A, Olympiques, et toute la gamme des U, 21, 19, etc… ; il a existé, dans le passé, les A’, les B et même les C (une seule fois), les militaires, et tous sont des Bleus ; sans oublier en outre les « quasi-Bleus » que furent les remplaçants (qui n’entraient pas en jeu avant 1967) et ceux qui ont joué des matchs « officieux », opposés à des clubs ou des sélections régionales étrangers ou français avec le maillot bleu sur les épaules.

Si Serge Roy, 91 ans et six mois, est le doyen actuel des A [1], le doyen « toutes catégories » est Robert Mouynet, qui vient de fêter ses 94 ans le 25 mars 2024.

Robert Mouynet n’a pas de sélection A officielle à son palmarès, mais il a été, successivement, international militaire, international B, international A officieux et enfin, remplaçant en Coupe du monde ! Reprenons en détail : Mouynet a disputé le challenge Kentish en 1951, qui opposait chaque année, depuis 1919 jusqu’en 1986, l’équipe de France militaire à celles d’Angleterre (2-0 en 1951) et de Belgique (1-3) : il avait pour coéquipiers René Dereuddre, Jacques Foix, Joseph Tellechea et Jean Vincent, qui, tous, furent ensuite internationaux A.

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Lyon en 1955. Robert Mouynet est le deuxième debout en partant de la droite

Puis il a été retenu en sélection B en novembre 1955, avec les Pierre Bernard, André Strappe, Rachid Mekhloufi pour aller affronter l’Espagne B à Madrid. La défense tout entière était celle de l’OL : Robert Mouynet, André Lerond, Marcel Nowak, mais cela n’a pas suffi (1-3) ; il a aussi joué, en mars 1958, contre la Tchécoslovaquie B (forte des Popluhar, Kvasniak ou Bubernik, qui se sont distingués lors de la Coupe du Monde 1962, Ján Popluhar ayant plus tard joué à… l’OL), score : 1-1.

Il était alors pressenti par le sélectionneur Paul Nicolas pour intégrer la liste des 22 de la Coupe du monde 1958, en balance, au poste d’arrière droit, avec Raymond Kaelbel. Il avait disputé deux matchs officieux, d’entraînement de l’équipe de France, le premier, en janvier 1958, contre la modeste équipe du FC Limoges (3-2), et le second, en février, contre Rennes, plus convaincant (4-1). Lors de ce match, il était associé à Mustapha Zitouni et à André Lerond, preuve que Paul Nicolas hésitait encore beaucoup quant à la composition de sa défense : Kaelbel ou Mouynet ? Jonquet ou Zitouni ? Lerond ou Marche ?

Une entorse au genou qui l’envoie en tribune en 1958

Les évènements décidèrent à sa place : Zitouni quitta la France pour rejoindre l’équipe du FLN algérien, alors que, dans l’esprit de Paul Nicolas, il avait l’avantage sur le vétéran Jonquet ; Mouynet se fit une entorse au genou, ce qui laissa Kaelbel sans rival, mais aussi sans doublure. Heureusement que le robuste alsacien ne se blessa pas au cours de la compétition, car Nicolas ne disposait plus de solution de rechange ; René Bliard s’était lui aussi blessé, mais la solution de rechange s’appelait… Just Fontaine ! Si Bliard, dépité, préféra rentrer en France, ce ne fut pas le choix de Mouynet, qui assista en tant que supporter aux exploits (inattendus) des Bleus en Suède.

Aurait-il pu prendre la place de titulaire à Raymond Kaelbel, qui avait déjà une trentaine de sélections, et, quoique plus jeune que Robert Mouynet (de deux ans) avait déjà l’expérience de la Coupe du monde, ayant joué (et gagné) contre le Mexique en 1954 ? Pas sûr, même si es deux hommes présentaient un profil similaire, c’étaient des guerriers. Mouynet, 1,79 m pour 79 kg était le prototype de l’arrière latéral de WM : apte au duel et au marquage « à la culotte », rugueux dans les contacts. L’époque — et le système — n’étaient pas aux chevauchées offensives des latéraux, pour cela, il a fallu attendre le modèle que proposa, à l’Inter de Milan, Giacchinto Facchetti, mais pas avant 1964. Auparavant, l’arrière se contentait de relancer le plus proprement possible, mais sans guère dépasser la ligne médiane, sauf exception.

Cinq buts en carrière

Des exceptions qui arrivaient, puisqu’on a vu Roger Marche, le fameux « sanglier des Ardennes » et longtemps recordman des sélections marquer un but d’un tir en cloche, depuis son couloir gauche, et ce pour sa 63ème et dernière sélection, contre l’Espagne, en 1959 ! Des buts, il est arrivé à Robert Mouynet d’en marquer, mais peu, cinq au total au cours de sa carrière professionnelle ; aussi faut-il signaler qu’il a réussi l’exploit de battre à lui seul, en 1957, l’AS Monaco en marquant les deux buts de la victoire : sans doute était-il ce jour-là inspiré comme le fut Lilian Thuram contre la Croatie en Coupe du monde 1998…

Robert Mouynet est né le 25 mars 1930 à Toulouse, et il a intégré l’équipe minime du TFC dès 1942, alors que les nazis envahissaient l’ex-zone libre. Le TFC, à l’époque, jouait les premiers rôles dans le championnat de la Zone Libre, le remportant même en 1943, dans une terre de rugby ! Mouynet était alors ailier droit et intégra l’équipe première en 1949, reculant au poste d’arrière latéral en raison de son gabarit. Il fut même champion de France de Division 2, en 1953, l’équipe était animée par le tandem scandinave Mellberg-Rytkonen, mais Mouynet n’était pas titulaire, ne jouant que 5 matchs, la place revenant à Pierre Pleimelding, taillé dans le roc, qui a glané une sélection en Bleu en 1953.

Mouynet a alors accepté d’être prêté à l’AS Cannes, où il évolué sous les ordres de Lucien Troupel ; lequel, passant à l’OL en 1955, a tenu à emmener avec lui son arrière latéral, et c’est ainsi que Robert Mouynet a fait son trou en Division 1. L’OL ne jouait alors pas les premiers rôles, mais cela n’a pas empêché Mouynet de se faire remarquer, avec ses coéquipiers André Lerond et Marcel Nowak, d’où la sélection B, et ainsi de suite. Une entorse au genou au mauvais moment, ainsi que la concurrence de Kaelbel, ont empêché Robert Mouynet de connaître la consécration d’une sélection officielle en bleu, et c’est bien entendu son grand regret.

Barré en sélection par Kaelbel puis Wendling

Après la Coupe du monde 1958, il a disparu des listes de sélection, pour n’y jamais réapparaître, Kaelbel restant solide au poste, avant d’être remplacé par un joueur au profil opposé, Jean Wendling. Mouynet a quitté l’OL en 1959, non sans avoir disputé les deux premiers matchs européens du club, dans la Coupe des villes de foire, contre l’Inter de Milan (0-7, mais 1-1 au retour, à Gerland). Et il est revenu dans sa ville natale, à Toulouse, jouant à nouveau pour le TFC jusqu’en 1963.

Il s’est ensuite essayé à la fonction d’entraîneur, qui s’ouvrait alors massivement aux anciens pros, et a été en fonction dans des petits clubs amateurs de sa région, Muret (pendant 10 ans) et enfin Montauban, jusqu’en 1981. Depuis, il réside toujours à Toulouse, bon pied, bon œil comme on dit, et l’OL a eu l’élégance de venir l’honorer chez lui et l’inviter à Décines pour un match de championnat à l’occasion de son 94ème anniversaire.

Deux sélections B, deux matchs non officiels

Sel.MatchDateLieuAdversaireScoreTps
France B 05/10/1957 Athènes Grèce 1-2 90
non officiel 22/01/1958 Limoges FC Limoges 3-2 90 > 45
non officiel 12/02/1958 Rennes Stade Rennais 4-1 90
France B 13/03/1958 Toulouse Tchécoslovaquie B 1-1 90

[1Il est né le 9 novembre 1932, c’est le père de l’entraîneur de Brest Eric Roy.

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