Le stade Vasil-Levski à Sofia n’a jamais souri aux Tricolores. Depuis 1959, l’équipe de France y a disputé cinq matchs et n’en a jamais remporté un seul (4 défaites, 3 buts marqués, 7 encaissés). Son meilleur résultat reste un match nul héroïque (2-2) en octobre 1976, mémorable pour le qualificatif que le commentateur de service avait décerné à l’arbitre, un Ecossais nommé Ian Foote, lequel n’était pas, il est vrai, dans un grand jour.
Statue de cire et légion d’honneur
Contrairement à 1976, l’équipe de France qui rend visite à la Bulgarie le 2 mai 1985 est armée d’une très grande confiance en elle. Elle détient dans ses rangs un joueur exceptionnel au sommet de son art, Michel Platini. Avant que les Bleus ne décollent pour Sofia, leur capitaine a reçu son Ballon d’Or des mains des journalistes de France-Football. La réception a eu lieu au musée Grévin de Paris, où était inaugurée une statue de cire à son effigie, distinction rarement accordée à l’époque à un footballeur. Dans l’après-midi, les Tricolores se sont rendus à l’Elysée où le président François Mitterrand a remis la légion d’honneur au joueur de la Juventus et l’Ordre national du mérite à huit champions d’Europe (Battiston, Bossis, Genghini, Giresse, Lacombe, Rocheteau, Six et Tigana).
Repue d’honneurs, la sélection française n’a plus perdu contre une autre sélection depuis plus d’un an et demi (seul l’Inter Milan l’a prise en défaut en septembre 1984), remportant au passage le premier titre de son histoire à l’issue de l’Euro 1984. Sa rencontre à Sofia est d’une importance capitale : Si elle l’emporte, sa qualification pour la Coupe du monde au Mexique est quasiment assurée.
Henri Michel a pris depuis le début de la saison le relais de Michel Hidalgo. Il renforce son équipe par fines touches. Il a intégré deux nouveaux visages dans sa défense aux côtés des indiscutables Bossis et Amoros : le latéral nantais William Ayache et le défenseur central bordelais Léonard Specht, lequel a repris du service après n’avoir plus été appelé chez les Bleus pendant trois ans.
Alors qu’il conserve le carré magique de l’Euro 1984 (Fernandez, Tigana, Giresse, Platini), le sélectionneur fait confiance à un duo d’attaque Stopyra-Bellone depuis plusieurs matchs, précisément depuis le France-Bulgarie de novembre 1984. La France s’était difficilement imposée (1-0) au Parc des Princes et n’avait dû son salut qu’à un généreux pénalty transformé par Platini. A Sofia, Alain Giresse a dû déclarer forfait, et c’est au Nantais José Touré qu’Henri Michel a demandé de remplacer le capitaine girondin poste pour poste.
Soleil orange
La rencontre se joue à 18 heures (heure locale), alors que le soleil sofiote jette ses derniers feux orangés sur un stade empli de 70.000 spectateurs. L’arbitre, Brian McGinley, est écossais, tout comme l’était Ian Foote en 1976, ce que d’aucuns pourraient voir comme un mauvais présage. Dès le coup d’envoi, l’ambiance est hostile et les sifflets retentissent dès que les Français s’emparent du ballon. Les hommes d’Henri Michel ne sont guère impressionnés et imposent leur domination à une rugueuse équipe bulgare. Platini, Stopyra et Touré parviennent à se créer des occasions sans toutefois inquiéter le jeune gardien Borislav Mikhailov, tout juste âgé de vingt-deux ans.
Les Bulgares procèdent par contre-attaque. A la 11e minute, ils obtiennent un corner que frappe Plamen Getov. La frappe est tendue et le ballon vole devant le but français. Joël Bats bondit pour s’en emparer, mais il est gêné par Stoycho Mladenov et Nasko Sirakov. Le ballon parvient à Georgi Dimitrov, un peu oublié derrière tout ce beau monde. Le capitaine bulgare pousse le ballon dans les filets. La défense française n’avait plus encaissé de but depuis France-Portugal, demi-finale de l’Euro 1984, soit 481 minutes d’invincibilité.
Les Français se déploient pour égaliser. Platini dirige la manœuvre, Fernandez arrache des ballons, Tigana court et l’équipe évolue comme aux plus beaux jours. Les Bleus s’approchent de la cage adverse, mais ratent systématiquement la bonne passe ou le bon placement qui prendrait à défaut les défenseurs bulgares. A la pause le score reste à 1-0. En début de seconde période, les Bleus poursuivent leur emprise sur la rencontre, restant toutefois sous la menace d’un contre.
Maudits corners
A l’heure de jeu, l’équipe bulgare obtient un nouveau corner. Il est frappé côté gauche par le même Getov. Dans la surface française, Sirakov se joue du marquage de Touré et envoie d’une puissance frappe de la tête le ballon dans le but français. Menée de deux buts, une situation qu’elle n’avait plus connu depuis septembre 1983 à Copenhague, l’équipe de France poursuit sa rencontre sur le même schéma, accélérant quelque peu le rythme en raison de l’urgence, mais ne parvenant jamais à se mettre en situation de marquer. La rencontre se termine sur le score de 2-0 pour les Bulgares.
Dès le lendemain, la presse française suggérera que les champions d’Europe ont sous-estimé leurs adversaires, de la même façon qu’elle leur avait reproché d’avoir été trop prudents à l’issue du match aller. Cette rencontre démontre surtout à quel point la sélection française reste vulnérable sur terrain adverse. Quel résultat significatif a-t-elle obtenu hors de ses bases depuis… le Suède-France de 1979 [1] ?
Les deux buts encaissés sur corner ont sonné le glas de Léonard Specht. Le sélectionneur a constaté qu’aucun des quatre défenseurs alignés n’avait un jeu de tête digne du très haut niveau. Il s’est immédiatement rappelé des talents d’Yvon Le Roux dans le domaine, condamnant le défenseur girondin à la retraite internationale. La paire d’attaque Stopyra-Bellone fait elle aussi l’objet d’interrogations sur son véritable niveau dans le contexte international.
Cette défaite relègue l’équipe tricolore à la troisième place du groupe 4 et relance la Bulgarie. Alors que les deux premières places qualificatives semblaient promises à la France et la Yougoslavie, l’équipe bulgare démontre qu’elle compte bien, elle aussi, se rendre au Mexique.
Bulgarie bat France 2-0
Buts : Dimitrov (11’) et Sirakov (61’).
BULGARIE : Mikhailov - Nikolov, Arabov, Domitrov, Petrov - Zdravkov, Getov (75’ Pachev), Sirakov, Sadkov - Velichkov (59’ Jellazkov), Mladenov. Sélectionneur : Ivan Voutsov.
FRANCE : Bats - Ayache, Bossis, Specht, Amoros - Fernandez (69’ Tusseau), Tigana, Touré, Platini, Stopyra, Bellone. Sélectionneur : Henri Michel.
Arbitre : Brian McGinley (Ecosse).
70.000 spectateurs.
Joueur | Âge | Poste | Sel. | Club |
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Joël Bats | 28 ans | Gardien | 17/50 | AJ Auxerre |
William Ayache | 24 ans | Défenseur | 3/20 | FC Nantes |
Léonard Specht | 31 ans | Défenseur | 18/18 | Girondins de Bordeaux |
Maxime Bossis | 29 ans | Défenseur | 64/76 | FC Nantes |
Manuel Amoros | 23 ans | Défenseur | 28/82 | AS Monaco |
Luis Fernandez | 25 ans | Milieu | 22/60 | Paris Saint-Germain |
Jean Tigana | 29 ans | Milieu | 37/52 | Girondins de Bordeaux |
José Touré | 24 ans | Milieu | 6/16 | FC Nantes |
Michel Platini | 29 ans | Milieu | 58/72 | Juventus (Italie) |
Yannick Stopyra | 24 ans | Attaquant | 14/33 | Toulouse FC |
Bruno Bellone | 23 ans | Attaquant | 21/34 | AS Monaco |
Remplaçant | ||||
Thierry Tusseau | 27 ans | Milieu | 16/22 | Girondins de Bordeaux |
Ne sont pas entrés en jeu : Albert Rust, Jean-François Domergue, Daniel Bravo et Gérard Buscher.