3 septembre 1975 : France-Islande, un geyser nommé Guillou

Publié le 3 septembre 2025 - Richard Coudrais

Le mercredi 3 septembre 1975, l’équipe de France se relance dans les éliminatoires de la Coupe d’Europe des nations en dominant l’Islande à Nantes grâce à deux coups d’éclat de son meneur de jeu.

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Après trois rencontres sans en remporter une seule, il ne reste plus qu’une chance infime à l’équipe de France de se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe d’Europe des Nations 1976. Les hommes de Ștefan Kovács abordent la deuxième partie des éliminatoires avec l’obligation de remporter leurs trois prochains matchs, à commencer celui contre l’Islande qu’ils reçoivent à Nantes le 3 septembre 1975.

Retour à Nantes

Trois mois plus tôt, cette même sélection islandaise avait joué un bien mauvais tour aux Tricolores en les tenant en échec (0-0) sur leur terrain pelé du Laugardalsvöllur à Reykjavik. Les footballeurs islandais font alors partie des nations plutôt faibles du continent européen. La première fois que l’équipe de France les a affrontés, c’était déjà à Nantes en 1957 et les hommes d’Albert Batteux leur avaient collé un 8-0 (record égalé pour les Français) avant de leur faire subir un sort comparable sur leur île (5-1). Vingt ans plus tard, les choses ont un peu évolué, même si l’on ignore si le 0-0 d’avril 1975 résulte d’un progrès des hommes du Nord ou du déclin de la sélection française. La sélection islandaise qui débarque à Nantes ne compte que trois professionnels dans ses rangs : le capitaine et défenseur Jóhannes Eðvaldsson, qui joue au Celtic Glasgow, et les attaquants Guðgeir Leifsson (Charleroi) et Ásgeir Sigurvinsson (Standard de Liège), tous deux évoluant dans le championnat belge

Ștefan Kovács, en tout cas, prend l’affaire au sérieux. Comme il en a l’habitude désormais, il lance le rassemblement par un match des Tricolores face à une équipe de club, censé être plus difficile surtout si l’adversaire est de valeur. Il parvient ainsi à faire venir le Real Madrid au Parc des Princes le 19 août 1975, ce qui attire quelque 37.000 spectateurs et permet aux Français d’obtenir une belle victoire (3-1) face à une équipe qui, il est vrai, n’avait pas encore débuté sa saison. Ce match contre le Real a été l’occasion de voir débuter deux ailiers prometteurs, le Stéphanois Dominique Rocheteau à droite et le Marseillais Albert Emon à gauche.

A Nantes, deux semaines plus tard, Ștefan Kovács reconduit à peu près la même équipe avec les deux ailiers autour du Niçois Marc Molitor en attaque. Derrière, il conserve la même défense autour de sa garde noire, Marius Trésor et Jean-Pierre Adams, avec sur les côtés l’inamovible François Bracci et le fougueux Raymond Domenech, dont c’est la deuxième sélection, deux ans et demi après la première.

Cinq Niçois pour un seul Vert

Le technicien roumain reconduit son milieu de terrain fétiche Huck-Michel-Guillou, auquel il avait tenté, contre le Real, de greffer Jean-Michel Larqué, sans y trouver les améliorations envisagées. Le capitaine de l’ASSE étant forfait, Rocheteau est le seul Stéphanois présent sur la pelouse, ce qui ne manque pas de faire grincer quelques dents, notamment ceux qui estiment que le sélectionneur devrait s’appuyer sur l’expérience que les hommes de Robert Herbin ont acquis en Coupe d’Europe.

Le sélectionneur manifeste une préférence pour les deux co-leaders du championnat, Nice et Marseille. Avec Dominique Baratelli dans les buts, cela fait pas moins de cinq Aiglons alignés parmi les Coqs, ainsi que trois Marseillais. On note toutefois l’absence de Georges Bereta, une première depuis trois ans. Son brassard est confié au régional de l’étape Henri Michel.

L’équipe de France se prépare à la Baule avant de gagner le stade Marcel-Saupin où l’attendent quelque 15.000 spectateurs. La FFF n’en espérait pas plus, raison pour laquelle elle a choisi le stade nantais, ce qui n’est pas pour déplaire à Henri Michel, grand maître des lieux. La France n’avait pas joué en province depuis presque quatre ans, et un France-Bulgarie disputé en novembre 1971… à Nantes.

Le début de match est compliqué. Les Français, dans leur traditionnelle tenue bleu-blanc-rouge, sont bousculés par les gaillards d’en face, tout de blanc vêtus. Les hommes de Kovács ne parviennent pas à s’approcher du but gardé par le valeureux Árni Stefánsson. Rocheteau tente bien un tir lointain du gauche, mais il ne surprend pas le gardien islandais.

Guillou brise la glace

L’équipe de France s’en remet alors à son maître à jouer, Jean-Marc Guillou. Le Niçois reçoit un ballon de son coéquipier Huck. Il s’avance vers la surface, s’appuie sur Henri Michel pour un une-deux parfait. Le numéro 10 français entre dans la surface, évite les défenseurs venus à sa rencontre et glisse le ballon dans la cage.

Les Français ont ouvert le score (1-0) et semblent avoir trouvé la clé pour déborder la défense islandaise. A peine le premier but célébré qu’Henri Michel adresse un centre parfait que Marc Molitor, seul devant le gardien, ne parvient pas à contrôler. L’attaquant niçois est dans un mauvais jour. Il manquera plusieurs occasions. Jean-Noël Huck tente également de faire le break, mais ses frappes manquent le cadre ou sont repoussées par le gardien.

A la pause, Ștefan Kovács décide de faire sortir le malheureux Marc Molitor, qui met sans le savoir fin à sa carrière internationale. Le Niçois est remplacé par l’Angevin Marc Berdoll, toujours convoqué alors que son club, le SCO Angers, évolue en deuxième division. Les Français reprennent timidement la partie alors que les Islandais se payent leur première véritable occasion, quand un centre-tir tendu oblige Baratelli à dévier le ballon en corner.

Après l’heure de jeu, Huck adresse un centre aérien à Rocheteau qui lutte avec le gardien pour reprendre de la tête. Alors que les deux hommes sont au sol, Rocheteau pousse discrètement le ballon du bras pour le faire rouler derrière la ligne. Mais l’arbitre luxembourgeois Albert Victor a tout vu.

Le moral des Français

Plus le temps passe, moins les Français se créent d’occasions et plus ils s’exposent à une égalisation islandaise. La situation, une nouvelle fois, va être débloquée par Jean-Marc Guillou. A l’entrée du dernier quart d’heure, le Niçois combine avec Emon, s’avance vers la surface islandaise et, au niveau de l’arc de cercle, déclenche une frappe du droit qu’il loge dans la lucarne de Stefánsson. Ștefan Kovács a souvent reproché à Guillou de ne pas marquer assez de buts. Ce doublé inattendu le comble de joie. Le joueur niçois rappelle en quelque sorte que c’est lui le régional de l’étape, puisqu’il est né et a grandi dans la région nantaise.

Comme en première mi-temps, l’équipe de France ragaillardie par la réussite de son meneur de jeu retrouve l’inspiration et se crée de nouvelles occasions. Cela permet de faire briller le gardien islandais mais aussi aux montants de trembler. Il faut toutefois attendre la 87e minute pour voir l’équipe de France concrétiser enfin sa domination. Sur un centre de Rocheteau, un défenseur islandais manque son dégagement, ce dont profite le remplaçant Berdoll, qui fait à son tour trembler les filets.

Les Français trouvent le temps de se créer de nouvelles occasions mais le score en restera finalement à 3-0. Au coup de sifflet de l’arbitre, Jean-Noël Huck glisse le ballon du match sous son maillot. Bien que la rencontre n’ait pas été vraiment aboutie, le résultat permet aux Tricolores de conserver un peu d’espoir pour la suite de l’épreuve. Ils recevront d’ailleurs un télégramme enthousiaste du Premier Ministre Jacques Chirac, soucieux du moral des Français en ces temps devenus incertains après les chocs pétroliers.


 

Nantes, stade Marcel-Saupin, le mercredi 3 septembre 1975
France bat Islande 3-0
Buts : Guillou (20’), Guillou (74’), Berdoll (87’).
FRANCE : Baratelli - Domenech, Adams, Trésor, Bracci - Huck, Michel (cap.), Guillou - Rocheteau, Molitor (46’ Berdoll), Emon. Sélectionneur : Ștefan Kovács.
ISLANDE : Stefánsson - O.Sigurvinsson, Pétursson, M.Geirsson, Eðvaldsson (cap.) - Torfason, Hilmarsson (61’ K.Þórðarson), Leifsson - A.Sigurvinsson, T.Þórðarson, Hallgrímsson (75’ E.Geirsson). Sélectionneur : Tony Knapp.
Arbitre : Albert Victor (Luxembourg)
14 217 spectateurs.
JoueurÂgePosteSélectionsClub
Dominique Baratelli 27 ans Gardien 10/21 OGC Nice
Raymond Domenech 23 ans Défenseur 2/8 Olympique Lyonnais
Jean-Pierre Adams 27 ans Défenseur 20/22 OGC Nice
Marius Trésor 25 ans Défenseur 23/65 Olympique Marseille
François Bracci 23 ans Défenseur 11/18 Olympique Marseille
Jean-Noël Huck 26 ans Milieu 16/17 OGC Nice
Henri Michel (cap) 27 ans Milieu 44/58 FC Nantes
Jean-Marc Guillou 29 ans Milieu 10/19 OGC Nice
Dominique Rocheteau 20 ans Attaquant 1/49 AS Saint-Etienne
Marc Molitor (45’) > 26 ans Attaquant 10/10 OGC Nice
> (45’) Marc Berdoll 22 ans Attaquant 5/16 SCO Angers
Albert Emon 22 ans Attaquant 1/8 Olympique Marseille

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, RSSSF, L’Équipe, FFF, Wikipédia, La Maison Jaune, la relecture d’anciens exemplaires de France-Football, L’Équipe, Mondial, Onze... ainsi que des ouvrages « La fabuleuse histoire du football » de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker (Nathan, 1990), « L’intégrale de l’équipe de France de football » de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia (First édition, 1998), « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), « Un maillot, une légende » de Bruno Colombari et Matthieu Delahais (Solar 2020), « Jean Vincent, la passion du football » de Daniel Ollivier (Jamet éditions, 2023), « L’année du football 1975 » de Jacques Thibert (Calmann-Levy) et « Le Livre d’or du football 1975 » de Charles Biétry (Solar).

Mots-clés

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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Les gardiens des Bleus