Le jour où l’équipe de France affronta le Real Madrid

Publié le 19 août 2025 - Richard Coudrais

Le mardi 19 août 1975, l’équipe de France de Ștefan Kovács commence sa saison par un match de préparation face au Real Madrid, où se révèle un ange stéphanois.

4 minutes de lecture

La saison 1975/1976 est la dernière de Ștefan Kovács à la tête de l’équipe de France. Le sélectionneur roumain a été rappelé par sa fédération et doit rentrer au pays au plus tard au mois de décembre 1975. Il aurait aimé partir sur un coup d’éclat : qualifier, par exemple, son équipe de France pour les quarts de finale de la Coupe d’Europe des nations. Malheureusement, un match nul (1-1) concédé à Reykjavik contre les faibles Islandais a compromis son projet.

La première de Rocheteau

Ștefan Kovács aurait également aimé désigner son successeur. Il a proposé son adjoint Michel Hidalgo, mais la fédération étudie d’autres candidatures, notamment celle d’Albert Batteux, alors que la presse suggère Robert Herbin. La décision sera prise le 13 septembre 1975. En attendant, la saison de l’équipe de France commence par un hors-d’œuvre. C’est désormais l’UNFP, le syndicat des footballeurs professionnels, qui organise le match de rentrée des Tricolores en proposant une opposition originale avec une équipe de club. Après Cologne en 1974, c’est le Real Madrid, qui rend visite aux Bleus au Parc des Princes.

Le prestigieux club espagnol vient de réaliser le doublé Coupe-Championnat et rêve de nouveaux sommets européens. Ce n’est pas tout à fait la première fois qu’il est confronté à l’équipe de France. En avril 1969, l’équipe madrilène au grand complet avait été reçue au Parc des Princes pour donner la réplique à une équipe de France expérimentale montée par Georges Boulogne. Le sélectionneur voulait tester une poignée de nouveaux joueurs, histoire de tourner la page après le mémorable 5-0 encaissé à Wembley trois semaines plus tôt. Les Français s’étaient imposés 5-3, avec notamment un triplé de Hervé Revelli. La rencontre avait par la suite été reclassée comme un match de l’équipe de France espoirs. Il est vrai que dix des douze joueurs participants avaient moins de vingt-trois ans.

Cinq jours avant le rendez-vous de septembre 1975, Ștefan Kovács a annoncé la liste des seize joueurs retenus. Cinq Niçois sont présents, de même que trois Stéphanois et trois Marseillais. On note la présence de trois nouveaux : le gardien strasbourgeois Dominique Dropsy, 23 ans, l’attaquant marseillais Albert Emon, 22 ans, et l’ailier stéphanois Dominique Rocheteau, 20 ans.

Les ailes du désir

Pas moins de 35.000 spectateurs sont venus assister à cette rencontre de gala. L’équipe dirigée par Miljan Miljanić est au grand complet, avec ses deux champions du monde allemands, Paul Breitner et Günter Netzer, ainsi que ses vedettes espagnoles, Amancio, Pirri, le gardien Miguel Angel et les tout jeunes Antonio Camacho et Carlos Santillana. Toutefois, le championnat espagnol ne reprend qu’au mois de septembre et les joueurs du Real sont encore en préparation. Ce qui explique un fléchissement sur le plan physique dès la fin de la première mi-temps.

Les joueurs français ont deux journées de championnat dans les jambes. Avec Rocheteau et Emon sur les ailes, l’équipe de France montre un visage très séduisant. Il ne lui faut qu’un quart d’heure pour prendre en défaut la défense madrilène, grâce à un but du capitaine Henri Michel.

A la demi-heure de jeu, Dominique Rocheteau reçoit un ballon de Jean-Michel Larqué qu’il expédie d’une lourde frappe sous la barre de Miguel Angel. C’est le premier but de l’Ange Vert sous le maillot bleu. Il ne sera pas compté comme tel dans les bilans futurs, puisque les rencontres contre les clubs ne sont pas retenues comme des sélections officielles. Toutefois, ce but entièrement stéphanois fait écho aux récents propos de Jean-Michel Larqué qui suggérait que le sélectionneur construise l’équipe de France sur une forte ossature stéphanoise.

Ștefan Kovács, visiblement, a une préférence pour l’OGC Nice. Son équipe s’appuie sur une colonne vertébrale azuréenne, avec Dominique Baratelli dans les buts, Jean-Pierre Adams en défense centrale, Jean-Marc Guillou à la direction du jeu et Marc Molitor à la pointe de l’attaque.

Le grand soir de l’Ange vert

A la pause, le sélectionneur effectue trois changements, puisque les règlements en autorisent plus de deux lors des matchs amicaux : le gardien Baratelli est remplacé par le Strasbourgeois Dominique Dropsy, dont c’est également la première apparition. Le défenseur Raymond Domenech cède sa place au Stéphanois Christian Lopez et le capitaine Henri Michel sort pour le Niçois Jean-Noël Huck. Il est vrai que le milieu de terrain était composé de trois créateurs (Larqué, Guillou, Michel) et qu’il manquait un véritable milieu assigné aux tâches défensives.

Cinq minutes après la reprise, l’avant-centre Molitor, qui ne semble pas à son affaire, est remplacé par le Lillois Christian Coste. C’est juste après ce changement que les Madrilènes parviennent à réduire l’écart, par Carlos Santillana. Mais les Français vont rapidement reprendre le dessus. A l’heure de jeu, Jean-Marc Guillou lobe Miguel Angel et Rocheteau n’a plus qu’à pousser le ballon pour inscrire son deuxième but de la soirée.

C’est un grand soir pour celui que la France surnomme déjà l’Ange Vert, pour ses dribbles cheveux au vent et sa classe folle. Le Stéphanois aurait pu, en fin de rencontre, alourdir la note sur deux frappes dangereuses, l’une étant repoussée par le gardien espagnol et l’autre frôlant un poteau du mauvais côté. Avec un tel joueur, le football français se prend à rêver de grands lendemains. Et l’AS Saint-Etienne de grandes épopées européennes où elle pourrait bien croiser… le Real Madrid.

Paris, Parc des Princes, le 19 août 1975
FRANCE bat REAL MADRID 3-1 (mi-temps 2-0)
Buts : Michel (16’), Rocheteau (32’ et 60’) pour la France ; Santillana (51’) pour le Real.
FRANCE : Baratelli (46’ Dropsy) - Domenech (46’ Lopez), Adams, Trésor, Bracci - Michel (46’ Huck), Guillou, Larqué - Rocheteau, Molitor (50’ Coste). Emon. Sel : Ștefan Kovács.
REAL MADRID : Miguel Angel - Camacho, Taurino, Pirri, Uria - Vitoria, Netzer, Breitner - Guerini, Santillana, Amancio. Entr : Miljan Miljanić.
Arbitre : Robert Wurtz (France)
35.000 spectateurs
JoueurÂgePosteSel.Club
Dominique Baratelli (46’) > 27 ans Gardien 9/21 OGC Nice
> (46’) Dominique Dropsy 23 ans Gardien 0/17 RC Strasbourg
Raymond Domenech (46’) > 23 ans Défenseur 1 / 8 Olympique Lyonnais
> (46’) Christian Lopez 22 ans Défenseur 2/39 AS Saint-Etienne
Jean-Pierre Adams 27 ans Défenseur 19/22 OGC Nice
Marius Trésor 25 ans Défenseur 22/65 Olympique de Marseille
François Bracci 23 ans Défenseur 10/18 Olympique de Marseille
Henri Michel (46’) > 27 ans Milieu de terrain 43/58 FC Nantes Atlantique
> (46’) Jean-Noël Huck 26 ans Milieu de terrain 15/17 OGC Nice
Jean-Michel Larqué 27 ans Milieu de terrain 10/14 AS Saint-Etienne
Jean-Marc Guillou 29 ans Milieu de terrain 9/19 OGC Nice
Dominique Rocheteau 20 ans Attaquant 0/49 AS Saint-Etienne
Marc Molitor (50’) > 26 ans Attaquant 9/10 OGC Nice
> (50’) Christian Coste 26 ans Attaquant 4/5 Lille OSC
Albert Emon 22 ans Attaquant 0/8 Olympique de Marseille

pour finir...

La rédaction de cet article a nécessité la consultation des sites selectiona.free.fr, RSSSF, L’Équipe, FFF, Wikipédia, Racingstub, Sur la route des verts, la relecture d’anciens exemplaires de France-Football, les Cahiers de L’Équipe, ainsi que des ouvrages « Les 1000 joueurs de l’équipe de France » de Jérôme Bergot (Talent Sport, 2021), « Sélectionneur des Bleus » de Pierre Cazal (Mareuil, 2021), « Le Dico des Bleus » de Matthieu Delahais, Bruno Colombari et Alain Dautel (Marabout, 2017-2018-2022), les éditions 1976 de « L’année du football » de Jacques Thibert (Calmann-Levy) et du « Livre d’or du football » de Charles Biétry (Solar).

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Les gardiens des Bleus