1992, une année dans le siècle

Publié le 30 septembre 2012 - Bruno Colombari - 1

Un Euro complètement raté, une ancienne gloire au poste de sélectionneur qui s’en va sur et un autre qui arrive : bienvenue en 1992, dont on retiendra les sept buts de Papin et les débuts de Lizarazu.

5 minutes de lecture

Le contexte historique

JPEG - 60.9 kio1992, c’est le référendum sur le traité européen de Maastricht qui ouvre la porte à l’union monétaire et à l’euro, référendum très serré avec 51,05% de oui. Malade, le président Mitterrand a débattu avec Philippe Séguin, partisan du non. Cette année-là, le candidat démocrate Bill Clinton est élu président des Etats-Unis contre Bush père qui n’a pas capitalisé sur la première guerre du Golfe. Dans les Balkans, la guerre frappe la Bosnie-Herzégovine qui vient de déclarer son indépendance. Sarajevo est assiégé par les Serbes soutenus par Milosevic.

Le premier Sommet de la Terre à Rio n’accouche pas de grand chose, hormis un Agenda 21 et la popularisation du concept de développement durable. Une nouvelle chaîne franco-allemande est lancée le 28 septembre : Arte. En Italie, le 23 mai, le juge Giovanni Falcone est assassiné par la Mafia.

Barcelone accueille les Jeux Olympiques, où Carl Lewis gagne sa huitième et dernière médaille d’or en longueur. L’équipe de basket-ball américaine, la Dream Team, survole le tournoi avec ses stars Michael Jordan, Magic Johnson, Larry Bird et Charles Barkley.

Le contexte sportif

Cette année-là comme les trois précédentes, l’Olympique de Marseille est champion de France. Mais le drame de Furiani occulte la performance marseillaise : le 5 mai, quelques minutes avant une demi-finale de coupe de France entre Bastia et l’OM, une tribune provisoire s’effondre et provoque une catastrophe (18 morts et plus de 2357 blessés). Il n’y aura pas de finale cette année-là. L’AS Monaco dirigé par Arsène Wenger joue le lendemain contre le Werder de Brême à Lisbonne une finale européenne (coupe des coupes) et la perd dans l’indifférence générale (0-2).

Le sélectionneur en poste

1992 est une année tournante, c’est-à-dire une année avec deux sélectionneurs. Déçu par un Euro très médiocre, Michel Platini a démissionné début juillet, au moment même où l’on apprenait que la France obtenait l’organisation du Mondial 1998. Son adjoint Gérard Houllier le remplace, tout en pestant contre un amical mal positionné contre le Brésil au mois d’août. Il ne le sait pas encore, mais il sera le sélectionneur le plus bref des vingt dernières années (et des vingt suivantes), avec dix-sept mois à la tête des Bleus. Grand entraîneur de club (champion de France avec le PSG en 1986, vainqueur de cinq coupes en 2001 avec Liverpool, double champion de France avec Lyon en 2006-2007, Houllier ratera son parcours en sélection avec deux défaites pour commencer et deux autres pour finir, comme Laurent Blanc.

 

Le récit de l’année

1992 est une très mauvaise année. Quatre nuls, cinq défaites, soit neuf matches d’affilée au pain sec et à l’eau avant deux victoires en toute fin d’année contre l’Autriche et la Finlande, une attaque indigente (onze buts), une défense passoire (seize buts), aucun projet de jeu et un Euro fantômatique. Au final, une 74e place au classement des années, la pire depuis 25 ans (avec 1987).

année joués G % G N % N P % P
71 1930 10 2 20% 2 20% 6 60%
72 1914 5 1 20% 1 20% 3 60%
73 1921 5 1 20% 0 0% 4 80%
74 1992 11 2 18% 4 36% 5 45%
75 1987 6 1 17% 2 33% 3 50%
76 1911 6 1 17% 1 17% 4 67%
77 1908 6 1 17% 0 0% 5 83%
Classement mis à jour le 1er janvier 2012
voir le classement complet

Après deux années très bonnes (sept victoires et un nul en 1990, six victoires en six matches en 1991), l’équipe de France de Michel Platini fait partie des prétendants pour l’Euro en Suède. Pourtant, dès le mois de février à Wembley, on se dit que ça ne sera pas si simple : malgré une première mi-temps prometteuse, les Bleus s’inclinent sur deux erreurs défensives exploitées de la tête par Shearer et Lineker. C’est la première défaite depuis près de trois ans. Pas grave, ce n’est qu’un match amical, même si c’est contre un futur adversaire du premier tour de l’Euro. Fin mars au Parc, les Belges d’Enzo Scifo font à peu près ce qu’ils veulent face à une défense bleue expérimentale (Sauzée arrière droit, Petit arrière gauche). Les Diables rouges mènent trois fois et il faudra une papinade à cinq minutes de la fin pour sauver le nul (3-3).

PNG - 37.9 kio

Le cinq centième match de l’équipe de France, contre la Suisse à Lausanne, est un nouvel échec. Avec une défense à cinq chère au sélectionneur, les Bleus sont surpris deux fois par Bonvin qui se joue du duo Boli-Angloma. Michel Platini aura un curieux aveu après le match, affirmant que les trois amicaux depuis le début de l’année n’avaint pas été préparés. Le meilleur joueur de l’histoire commence à en avoir assez du banc. Le dernier match amical avant l’Euro est un peu plus rassurant, les Bleus faisant jeu égal avec les champions d’Europe en titre hollandais (1-1), qui alignent Van Basten et Bergkamp en attaque.

L’Euro 1992 arrive avec une surprise : le Danemark remplace la Yougoslavie dans le groupe de la France, a priori facile puisqu’il compte aussi la Suède et l’Angleterre. Contre le pays organisateur, les Bleus semblent peu concernés et bétonnent avec sept joueurs de champ à vocation défensive et un trio Vahirua-Papin-Cantona devant, chargé de se débrouiller avec des miettes. Evidemment ça ne donne rien, ni contre la Suède (1-1), ni contre l’Angleterre au cours d’un match d’un niveau absolument affligeant (0-0).

Rien n’est gagné, mais rien n’est perdu non plus quand arrive le dernier match du premier tour contre des Danois venus en touristes et qui ne comptent qu’un point. Mais il est dit que cette équipe en fin de cycle n’avait pas envie d’aller plus loin. Malgré un schéma tactique plus audacieux, la France est toujours aussi fragile sur coup de pied arrêté et se retrouve menée d’entrée (8e). La deuxième période est un peu meilleure et Papin égalise à l’heure de jeu, mais une nouvelle bourde signée Boli donne le gain du match et la qualification aux Danois (1-2).

Platini jette l’éponge le 2 juillet et est remplacé par Gérard Houllier qui a pour mission d’envoyer les Bleus aux Etats-Unis en 1994. Il commence par un match compliqué face au Brésil à la fin août. Ce Brésil-là, qui compte dans ses rangs les futurs champions du monde Romario, Taffarel, Zinho, Bebeto ou Rai, n’est pas spécialement redoutable, mais il est plus fort que cette équipe de France en reconstruction après les départs de Luis Fernandez et Manuel Amoros (0-2).

L’essentiel est le match suivant à Sofia contre la Bulgarie, premier match qualificatif pour la coupe du monde 1994. Emmenés par Hristo Stoïchkov, les Bulgares se baladent dans la défense française et mènent déjà 2-0 après une demi-heure. Autant dire que l’affaire est mal engagée, même si plus rien n’est marqué en deuxième mi-temps. En neuf matches disputés depuis le début de l’année, les Bleus en sont à cinq défaites et quatre nuls. Il faudra attendre le 14 octobre contre l’Autriche au Parc pour enfin assister à une victoire (2-0) grâce au duo reconstitué Papin-Cantona, renforcé au milieu par Xavier Gravelaine (celui de France Télévision). A noter que le score aurait pu être triplé puisque pas moins de quatre buts français ont été refusés par l’arbitre.

Cette pénible année se termine enfin contre la Finlande en novembre, par une victoire logique mais étriquée (2-1), après une fin de match prémonitoire du funeste automne 1993 : alors qu’ils mènent 2-0 sans forcer, les Bleus encaissent un but finlandais et perdent complètement le fil du match. Ils conservent le résultat (2-1) mais inquiètent par leur manque de sang-froid et de maîtrise.

 

Les joueurs de l’année

Trente joueurs ont été retenus par les deux sélectionneurs, dont 21 par Platini entre février et juin, et neuf autres par Gérard Houllier entre août et novembre. Les cinq nouveaux de l’année sont d’ailleurs tous arrivés au cours de cette période : William Prunier (contre le Brésil), Jean-Luc Sassus, Xavier Gravelaine (contre l’Autriche), Christian Karembeu et Bixente Lizarazu (contre la Finlande).

Didier Deschamps est le seul à avoir participé aux onze matches. Il ne lui a même manqué qu’une mi-temps (la seconde contre la Suisse) pour faire un carton plein. Juste après viennent Martini, Papin, Boli, Casoni et Durand (10 matches) puis le trio Cantona-Sauzée-Vahirua, l’Auxerrois n’ayant toutefois jamais joué une partie en entier. Pour l’anecdote, on remarquera que six ans avant le titre mondial, cinq futurs champions du monde sont là (Deschamps, Blanc, Petit, Lizarazu et Karembeu).

 

Les buteurs de l’année

Le calcul est vite fait : sur les onze buts marqués en onze matches (bien piteux total), Jean-Pierre Papin en a mis sept. Cantona, en déclin, en a ajouté deux autres, Pascal Vahirua et Fabrice Divert complétant le tableau.

La révélation de l’année

Bien difficile de sortir un joueur d’une année aussi noire. Par défaut, on dira donc Bixente Lizarazu. Appelé en tant que titulaire lors du dernier match de l’année contre la Finlande, le Bordelais ne s’imposera que quatre ans plus tard, lors de l’Euro 1996 où il prendra la place d’Eric Di Meco. Mais à bientôt 23 ans, cet ancien attaquant montre de belles qualités dans le couloir gauche. L’arrivée de Zinedine Zidane puis de Christophe Dugarry (en 1994) feront de ce couloir le point fort des Bleus grâce à la complicité des trois Bordelais.
 

Carnet bleu

L’année 1992 n’a pour l’instant pas encore donné d’international à l’équipe de France. Deux joueurs sont décédés cette année-là : François Ludo le 29 juin et Larbi Ben Barek le 16 septembre.

Vos commentaires

  • Le 1er octobre 2012 à 19:07, par Matthieu En réponse à : 1992, une année dans le siècle

    Petit complément statistique : Amoros porte le record de sélections à 77 contre l’Angleterre (detenu depuis 1986 par Bossis) et ira jusque 82.

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