Kopa, Platini, Zidane, Griezmann : l’année de leur 26 ans

Publié le 14 novembre 2024 - Bruno Colombari - 3

Kylian Mbappé aura 26 ans le 20 décembre 2024, la fin d’une année difficile et sombre pour lui, aussi bien en club qu’en sélection. Qu’en a-t-il été pour les quatre plus grands joueurs français ? Retour en 1957, 1981, 1998 et 2017.

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Il ne l’imaginait sûrement pas comme ça, cette année de ses 26 ans, en janvier dernier. Pour Kylian Mbappé, 2024 aurait pu être synonyme de la conquête de la Ligue des Champions avant de quitter le PSG, de victoire à l’Euro, les deux ou séparément, ce qui l’aurait bien rapproché du Ballon d’or derrière lequel il court depuis bientôt six ans. Ça aurait pu aussi être l’année de son arrivée triomphale au Real, aux côtés de Vinicius, Bellingham, Rodrygo et Endrick. En sélection, il pouvait viser les 90 sélections et s’approcher du record de buts (57).

Moyennant quoi, le voici début novembre en plein doute après deux mois plutôt décevants à Madrid, couronnés par deux gifles à domicile contre Barcelone (0-4) et l’AC Milan (1-3), et 8 buts en 15 matchs (dont 3 sur pénalty). Avec le PSG, ses espoirs en Ligue des Champions se sont envolés en demi-finale contre Dortmund et son départ, après sept années, s’est fait dans l’amertume et assorti d’un conflit financier en cours. Enfin, avec les Bleus, 2024 est sa pire année en sélection avec seulement deux buts marqués (en 11 matchs disputés) dont un sur pénalty, une fracture du nez, une polémique face à l’Italie en septembre et deux absences consécutives en octobre et novembre.

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Un tel trou d’air a-t-il eu des précédents dans les carrières des quatre plus grands joueurs de l’équipe de France au milieu de leur carrière ? Pour le savoir, j’ai regardé ce qui s’est passé pour Raymond Kopa, Michel Platini, Zinédine Zidane et Antoine Griezmann l’année de leurs 26 ans. Et, pour les deux premiers, ça ne s’est pas forcément bien passé…

Raymond Kopa en 1957 (26 ans le 13 octobre)

Pour lui, c’est exactement le milieu de sa carrière internationale. Il a débuté avec l’équipe de France le 5 octobre 1952, une semaine avant son 21e anniversaire, et a joué son dernier match le 11 novembre 1962, à 31 ans. Mais son transfert au Real Madrid, a l’été 1956, a interrompu son parcours en Bleu : à l’époque, un club n’a aucune obligation de libérer un joueur étranger pour des matchs en sélection. Son dernier en équipe de France remonte donc au 5 février 1956. Il compte donc à l’automne 1957 24 sélections et 13 buts, et a participé à la Coupe du monde 1954 (éliminé au premier tour, un but marqué). Son exploit majeur a eu lieu en mars 1955, quand il a battu l’Espagne quasiment à lui tout seul, au stade Chamartin du Real (2-1).

Depuis, il a été champion d’Espagne avec le Real en 1957 et a gagné la Coupe des Clubs champions européens (l’ancêtre de la Ligue des Champions) la même année. Auparavant, il avait été finaliste de cette même compétition en 1956 avec Reims (battu par le Real) et troisième du Ballon d’or créé cette année-là. Il compte aussi deux titres de champion de France avec Reims en 1953 et 1955.

A l’entame de sa deuxième saison avec le Real, où il est ballotté du poste d’avant-centre à celui d’ailier droit, soumis à une rude concurrence avec Alfredo Di Stéfano (qui préfère l’axe) et les Espagnols Mateos, Rial et Gento. Il marque peu (12 buts, 8 la première saison, 4 lors des deux premiers mois de la seconde) et se sent isolé au sein du club, en jouant à un poste (à droite) qui était celui de ses débuts mais qui ne lui convient plus.

La suite sera bien meilleure avec une splendide année 1958 : deuxième Coupe d’Europe avec le Real, deuxième titre de champion d’Espagne, demi-finaliste de la Coupe du monde avec l’équipe de France, Ballon d’or 1958), une troisième et dernière saison au Real avant un retour à Reims en 1959 qui lui permettra de rejouer régulièrement en sélection, dont il sera capitaine à partir de février 1960. Il terminera sa carrière internationale avec 45 sélections, 18 buts, 20 passes décisives et 6 capitanats. il restera le meilleur joueur français de l’histoire jusqu’à l’avènement de Michel Platini.

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Michel Platini en 1981 (26 ans le 21 juin)

A l’automne 1981, Michel Platini entame sa troisième et dernière saison à Saint-Etienne, où il vient de gagner le championnat de France, trois ans après la Coupe de France conquise avec Nancy. Mais son intégration est laborieuse dans un club qui a longtemps privilégié la formation et où le virage bling-bling pris en 1978 reste en travers de la gorge des supporters. Ces derniers espéraient bien retrouver la C1 en septembre, mais les Verts ont joué de malchance en tirant le Dinamo Berlin en tour préliminaire au mois d’août, et en le perdant (1-1, 0-2). En championnat, il a marqué 7 buts lors des 16 premières journées et les Verts pointent en tête devant Bordeaux.

Mais en équipe de France, cette année 1981 est particulièrement sombre. Battu en amical en février contre l’Espagne en amical (0-1), il est forfait sur blessure en mars pour le déplacement aux Pays-Bas, qualificatif pour la Coupe du monde (0-1). Et encore fin avril, pour recevoir la Belgique, avec victoire obligatoire (3-2). Et toujours en mai, en amical face au Brésil (1-3). Trois matchs consécutifs sans le capitaine, ça vous rappelle quelque chose ?

Mais quand il revient le 18 août, pour un match amical et non officiel contre le VfB Stuttgart, c’est un désastre : les Bleus se font hacher menu (1-3) et Platini sort sous les sifflets à la 62e minute. Après le match, Hidalgo prévient : « Michel Platini a manqué son match. Il est certain que s’il ne retrouve pas rapidement les énormes moyens qui sont les siens, l’équipe de France devra se passer de lui. » Tel quel.

Les Bleus ne se passent quand même pas de leur meilleur joueur, mais en position d’avant-centre contre la Belgique, il ne peut empêcher la défaite (0-2), tout comme en octobre à Dublin (2-3). Il faut donc absolument battre les Pays-Bas en novembre pour se qualifier pour la Coupe du monde 1982… A cet instant de sa carrière, Platini compte 31 sélections et 18 buts en Bleu, dont il est le capitaine depuis l’été 1979.

La suite fait partie de la légende : victoire sur les Néerlandais (2-0) grâce notamment à un coup franc de Platini, puis demi-finale mondiale en Espagne contre la RFA, et deux ans plus tard victoire à l’Euro, puis nouvelle demi-finale mondiale en 1986. Entre temps, Platini a signé à la Juventus, où il remportera une Coupe des Champions (1985) et une Coupe des Coupes (1986) et raflera trois Ballons d’or consécutifs (1983, 1984 et 1985), faisant de lui le meilleur joueur du monde avec l’Argentin Diego Maradona.

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Zinédine Zidane en 1998 (26 ans le 23 juin)

Alors que ses trois premières saisons en équipe de France avaient été moyennes, il change brusquement de braquet en 1998 pile au bon moment, pendant la Coupe du monde où il monte en gamme lors des trois derniers matchs, les plus importants, et signe un doublé de la tête en finale contre le Brésil. Il avait aussi marqué trois fois en amical contre l’Espagne pour l’inauguration du Stade de France fin janvier, puis face à la Norvège à Marseille en février et contre la Belgique fin mai. En décembre, il remportera le Ballon d’or, mais en octobre il ne le sait pas encore quand il retrouve le stade de France contre Andorre (2-0). Il compte alors 43 sélections et 11 buts.

En club, il est désormais bien installé à la Juventus, qu’il a rejoint à l’été 1996. Il est deux fois champion d’Italie en 1997 et 1998, mais échoue en finale contre Dortmund puis le Real Madrid, comme Platini l’avait fait avant lui face à Hambourg en 1983. En championnat, la saison 1998-99 est nettement moins bonne. A l’automne, Zizou n’a toujours pas marqué, et il a été expulsé contre l’Inter fin octobre. En Ligue des Champions, c’est aussi très moyen avec trois nuls consécutifs en phase de groupe.

La suite est à la hauteur : il remporte l’Euro 2000 avec les Bleus et rate de très peu un deuxième Ballon d’or à cause de deux cartons rouges en Ligue des Champions avec la Juve. Après avoir remporté enfin la Ligue des Champions avec le Real, puis manqué sur blessure la Coupe du monde 2002, il quitte provisoirement la sélection à l’été 2004 après un Euro décevant. Puis il revient un an plus tard et achève sa carrière internationale par une deuxième finale mondiale contre l’Italie, et un ultime carton rouge.

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Antoine Griezmann en 2017 (26 ans le 21 mars)

A l’automne 2017, Antoine Griezmann ne joue en sélection que depuis trois ans et demi, mais il compte déjà 47 sélections pour 18 buts. Il a participé à la Coupe du monde 2014 au Brésil, et a explosé lors de l’Euro 2016, inscrivant 6 buts et frôlant le Ballon d’or (3e). A 26 ans et 6 mois, il vient tout juste de commencer une série record de 84 matchs consécutifs (depuis celui contre les Pays-Bas le 31 août 2017) qui s’achèvera six ans plus tard, en novembre 2023.

C’est alors le joueur majeur des Bleus depuis la mise à l’écart de Karim Benzema en octobre 2015, et alors que Paul Pogba, plus jeune de deux ans, tarde à concrétiser les espoirs placés en lui. Mais il sent venir la menace d’un très jeune talent, Kylian Mbappé, lancé en mars 2017 et qui vient de marquer son premier but, face aux Pays-Bas.

En club, Griezmann fait les beaux jours de l’Atlético de Madrid, où il a signé en 2014. Mais son début de saison 2017-2018 n’est pas satisfaisant. Il commence très mal en championnat, expulsé à Gérone pour insulte, et suspendu deux matchs. En Ligue des Champions, il marque contre Chelsea, mais l’Atlético sortira dès la phase de poules. La Supercoupe d’Europe remportée avec les Matelassiers en 2014 ne compense pas la finale de Ligue des Champions perdue contre le Real en 2016.

Il contribuera largement à la conquête du second titre mondial des Bleus en 2018 (quatre buts, dont un en finale) et gagnera aussi la Ligue Europa la même année. Mais il échouera en finale de la Coupe du monde 2022 (après un bon tournoi, quand même), et sa carrière en club sera marquée par un trou de deux ans à Barcelone, où il ne s’impose pas, avant son retour à l’Atlético en 2021.

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