On aurait tellement été heureux que ce but soit attribué à Lucas Digne. Le défenseur de l’équipe de France, qui fêtait sa 50e sélection, a frappé une merveille de coup franc qu’il a logé en pleine lucarne. Le premier du genre depuis Paul Pogba en 2018. Malheureusement, le ballon ne serait sans doute pas entré dans la cage s’il n’avait percuté le dos du gardien italien Guglielmo Vicario. Du coup, les instances du football ont attribué le point au portier frioulan, au grand dam du Français toujours vierge en terme de buts inscrits en Bleu.

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L’équipe de France et les buts contre son camp en sa faveur, c’est une longue histoire. On en dénombre officiellement trente-neuf à ce jour. Elle en a bénéficié en six occasions en Coupe du monde et cinq fois au cours d’une phase finale de championnat d’Europe. Le phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années. Les règles qui définissent un CSC tiennent désormais compte de la moindre petite déviation de la trajectoire du ballon.

Un phénomène en accélération

Avant 1945, on ne relève que trois CSC sur les 265 buts tricolores (un CSC tous les 90 buts). Dans les quarante années suivantes (de 1945 à 1984), la proportion est encore plus faible avec 5 CSC sur 530 buts (soit un tous les 106 buts ). Mais depuis 1985, sur les quarante dernières années, les choses se sont significativement accélérées avec 31 réalisations adverses sur 861 buts, soit un tous les 28 buts ! Et si on réduit la focale sur les 165 matchs dirigés par Didier Deschamps, pour 335 buts on compte 15 inscrits par un adversaire, soit un tous les 22 buts environ.

Depuis l’Euro 2024, les blagues fusent, selon lesquelles le dénommé “CSC” serait l’un des attaquants les plus efficaces de l’équipe de France actuelle. Lors du championnat d’Europe allemand, l’équipe de Didier Deschamps s’est qualifiée pour les quarts de finale grâce à un tir de Randal Kolo Muani dévié par le défenseur belge Jan Vertonghen. Elle a également débuté le tournoi par un CSC, tout comme elle l’avait fait lors de la précédente édition. Après le malheureux allemand Mats Hummels en 2021 à Munich, c’est l’Autrichien Maximilian Wöber qui a ouvert le compteur bleu de l’Euro 2024 à Düsseldorf.

D’une manière plus générale, les dernières phases finales de l’Euro comptent beaucoup d’auto-gols. En Allemagne, dix buts ont été inscrits par des joueurs contre leur camp. Le record reste toutefois la propriété du tournoi précédent, l’Euro 2020, qui a compté onze CSC !

Les quasi-CSC de Platini en 1984 et de Henry en 1998

En y regardant de plus près, l’équipe de France pourrait compter encore plus de CSC au cours de son histoire. Avec les règles actuelles, certains buts du passé auraient sans doute été qualifiés de « contre leur camp ». Par exemple, si Platini a ouvert le score lors du France-Danemark de l’Euro 1984, c’est bien parce que la trajectoire du ballon a été détournée par la tête du défenseur Sören Busk, ce qui a pris à défaut le gardien danois Ole Qvist. Et que dire du fameux but concédé par Luis Arconada en finale, où c’est le coude du gardien espagnol qui a propulsé le ballon derrière la ligne ?

En Coupe du monde, l’équipe de France détient également le record de buts inscrits par son adversaire. Du Mexicain Raul Cardenas en 1954 au Croate Mario Mandzukic qui ouvrit le score de la finale de 2018, en passant par le Sud-Africain Pierre Issa (1998), le gardien hondurien Noel Valladares (2014), le Nigérian Joseph Yobo (2014) et l’Australien Aziz Behich (2018), ce sont pas moins de six buts que les Tricolores doivent à un CSC. Et encore ces statistiques ont évité d’accabler Pierre Issa à qui on aurait pu attribuer un deuxième csc lors du France-Afrique du Sud de 1998, lorsqu’il ne parvient pas, sur sa ligne, à repousser le tir de Thierry Henry.

Une qualification évolutive et pénalisante pour les défenseurs

On l’a dit, la notion de but contre son camp (comme celle de passe décisive par ailleurs) évolue dans le temps. Selon les critères de 1984 (et des périodes antérieures), Karim Benzema aurait signé un triplé face au Honduras en 2014 et Paul Pogba aurait marqué face à l’Australie en 2018, tout comme Antoine Griezmann contre la Croatie en 2018 sur le coup franc dévié par Mandzukic. A l’inverse, sur les critères de 2024, Platini compterait deux buts en moins à l’Euro 84.

Il serait sans doute plus juste d’attribuer le but au tireur dès lors que son tir est cadré, même s’il est dévié par un adversaire. Cela satisferait sûrement le joueur de l’équipe qui a marqué, et aussi celui de l’équipe qui a encaissé le but. Quand il s’agit d’une passe en retrait ou d’un centre dont la trajectoire est coupée, comme dans le cas de Hummels en 2021 ou de Wöber en 2024, il s’agit à l’évidence d’un CSC. Dans les autres cas, lorsque la frappe est juste déviée, le but pourrait être attribué au tireur. Il est absurde, en outre, d’attribuer un CSC à un gardien de but, sauf bien sûr s’il oriente vers sa cage une frappe qui n’était pas cadrée, comme un centre (on se souvent du gardien espagnol Zubizarreta contre le Nigeria lors de la Coupe du monde 1998).

Les 39 buts adverses contre leur camp

La première colonne désigne l’ordre des buts marqués par l’équipe de France.

Voir le tableau des buts marqués et encaissés depuis 1904