Loujniki, un stade dans l’histoire des Bleus

Publié le 15 juillet 2020 - Richard Coudrais

L’équipe de France a joué un grand nombre de rencontres au stade stade Loujniki de Moscou, ancien stade Lénine. Mais la plus mémorable reste celle du 15 juillet 2018 où elle remporte sa deuxième Coupe du monde.

5 minutes de lecture
5 minutes de lecture

Et soudain une averse dantesque s’abattit sur le stade. Hugo Lloris et ses coéquipiers auraient sans doute préféré célébrer leur triomphe sous une météo plus clémente, mais l’Histoire l’a voulu ainsi : c’est sous une pluie diluvienne que le capitaine de l’équipe de France s’est vu remettre la Coupe du monde par Vladimir Poutine.

Le stade Loujniki de Moscou (Loujniki en Français, Luzhniki en anglais) devient en ce 15 juillet 2018 le stade d’un triomphe bleu, lui qui a souvent été paré de rouge. Ce stade n’était pas inconnu du foot français. Avant cette finale, l’équipe de France y était apparu en six occasions. Avec des fortunes diverses.

De Lénine à Loujniki

La Moskova ne traverse pas Moscou en ligne droite. Au contraire, la rivière qui a donné son nom à la capitale russe avance en zig-zag, décrivant trois gracieux virages dans la partie sud de la ville. Au coeur de l’un de ces virages au sud-ouest de Moscou était un vaste terrain que les habitants avaient appelé Loujniki, ce qui signifie plus ou moins les prés, les prairies, les plaines.

C’est sur ce terrain que fut construit au milieu des années 1950 un vaste complexe sportif dans le plus pur esprit communiste comprenant un palais des Sports, une salle de hockey-sur-glace, une piscine olympique et un stade de 103 000 places. Si chacune des enceintes est naturellement appelée Loujniki, comme le complexe d’ailleurs, le stade central hérite du nom de Lénine.

L’enceinte est inaugurée le 31 juillet 1956 par un match de football opposant l’équipe d’URSS à celle de la Chine, une affiche qui s’est sans doute voulue plus politique que sportive. Le stade central Lénine est alors le plus grand du pays. Il a pour vocation d’accueillir les rencontres de l’équipe soviétique de football, mais aussi un grand nombre d’événements sportifs et culturels.

Le premier de ces événements est une rencontre de… hockey sur glace qui le 5 mars 1957 réunit pas moins de 55 000 spectateurs, la plus grande audience jamais réunie pour ce sport habituellement confiné dans des patinoires plus modestes. Mais il s’agit d’un URSS-Suède décisif pour l’attribution du titre de champion du monde, que les Soviétiques doivent absolument gagner. Malheureusement pour eux, les Suédois décrochent le match nul (4-4) et remportent le titre.

Quelques années plus tard, le stade central Lénine est le théâtre des Universiades d’été en 1973, puis surtout des XXIIes Jeux olympiques en 1980. Sous la présidence de Leonid Brejnev, et en l’absence d’une grande partie des athlètes de pays occidentaux, le stade accueille les cérémonies d’ouverture et de fermeture mais aussi les principales épreuves d’athlétisme, d’équitation et la finale du tournoi de football qui voit la Tchécoslovaquie s’imposer face à la RDA.

300 morts lors d’un Spartak-Haarlem en 1982

L’équipe d’URSS de football joue souvent dans ce stade où elle a élu domicile. Le 13 octobre 1963, une rencontre face à l’Italie, en huitième de finale de l’Euro 1964, attire 102 538 spectateurs, la plus grosse affluence jamais enregistrée. Le stade central Lénine accueille également les grands clubs moscovites comme le Spartak, le Dinamo, le Lokomotiv, le CSKA, le Torpedo pour les grandes rencontres, notamment celles de Coupe d’Europe.

C’est à l’occasion de l’une de ces soirées européennes qu’eut lieu, en octobre 1982, une des plus grandes tragédies de l’histoire du sport. Dans les dernières minutes d’une rencontre face à Haarlem (Pays-Bas), le Spartak marque un but décisif qui provoque un mouvement de foule dans les tribunes. Les autorités soviétiques de l’époque ont étouffé le drame. Officiellement, il y aurait eu 66 morts, mais des sources très fiables ont depuis fait état de plus de 300 victimes.

A la suite de la chute de l’URSS, le stade prend le nom de Loujniki. Des rénovations sont entreprises en 1996 où est installé un toit. La réfection des places assises entraînent une baisse de la capacité. En 1999, le stade accueille la finale de la Coupe UEFA, où Parme s’impose 3-0 face à l’Olympique Marseille. Neuf saisons plus tard, c’est la finale de la Ligue des Champions qui y est disputée, opposant Manchester United à Chelsea.

Une nouvelle rénovation en 2012 porte la capacité du stade à 78 360 places, principalement pour accueillir les championnats du monde d’athlétisme 2013. Puis dans la perspective de la Coupe du monde de football, le stade est agrandi en 2017 pour pouvoir accueillir 81 000 spectateurs.

JPEG - 117.8 kio


L’équipe de France et Loujniki

Dans son histoire, l’équipe de France s’est rendue à Moscou en neuf occasions. Deux rencontres ont été disputées au stade Dynamo et sept au stade Lénine/Loujniki.

C’est précisément le 5 juin 1966 que les Tricolores découvrent le stade central Lénine. Devant 102 000 spectateurs, Français et Soviétiques disputent leur dernière rencontre de préparation avant la World Cup anglaise qui débute dix jours plus tard. Pour sa première sélection, le gardien nantais Daniel Eon aurait sans doute aimé avoir Lev Yachine comme vis-à-vis. Malheureusement l’Araignée Noire est fort discutée et le sélectionneur soviétique lui recherche déjà un remplaçant. Ainsi deux gardiens se succèdent dans la cage face aux Français. Mais c’est bien Yachine que l’on retrouvera en Angleterre, avec une équipe d’URSS qui réalisera le meilleur parcours de son histoire en atteignant les demi-finales. En attendant, les Français arrachent un match nul (3-3) qui laisse augurer aussi un beau parcours en Coupe du Monde.

L’ère CCCP

Du temps de l’URSS, l’équipe de France a connu des fortunes diverses au stade central Lénine. Elle y a définitivement perdu sa participation à la Coupe du Monde 1974 avec une défaite (2-0) le 26 mai 1973 qui mettait fin à la mission du sélectionneur Georges Boulogne. Quatorze ans plus tard, c’est encore l’URSS qui empêche les Bleus de se rendre à une phase finale organisée en RFA, en l’occurrence celle de l’Euro 1988. Si la cause avait été entendue dès octobre 1986 avec une impressionnante victoire soviétique au Parc (0-2), les Bleus d’Henri Michel eurent à coeur de réaliser un bon match au stade central Lénine. On vit notamment José Touré se rappeler au bon souvenir de Rinat Dasaev, en ouvrant le score d’une magnifique reprise de la tête.


C’est au stade Lénine, à l’occasion d’un match amical en 1980, que l’équipe de France s’était découvert un milieu de terrain prometteur, l’infatigable Jean Tigana. 51 sélections suivront par la suite. Par contre, le stade moscovite a aussi été pour trois autres débutants - Bernard Gardon, Rémi Vogel et Jean-Philippe Rhor - le théâtre de leur unique apparition en bleu.

Lorsque l’équipe de France avait arraché ce méritant match nul (1-1) à Moscou en septembre 1987, on ignorait alors qu’elle venait d’affronter pour la dernière fois la prestigieuse sélection au maillot floqué CCCP. Celle-ci dispute la finale de l’Euro 1988 quelques mois plus tard puis se qualifie pour le Mondiale Italien de 1990 où elle rate complètement son rendez-vous. Un an plus tard, sans qu’il y ait de rapport de cause à effet, c’est l’empire soviétique tout entier qui s’effondre sous les yeux ébahis du monde.

Campagnes de Russie

Beaucoup de choses ont changé quand l’équipe de France revient à Moscou le 10 octobre 1998. L’ancien stade Lénine a été rénové puis rebaptisé Loujniki. L’adversaire s’appelle la Russie et non plus l’URSS. Et puis la France elle-même a changé de dimension trois mois plus tôt en remportant la Coupe du monde. L’équipe de Russie, absente du mondial, veut montrer qu’elle reste la digne héritière de l’URSS et donne bien du fil à retordre à des champions du monde tout heureux de s’imposer 3-2.


Vingt ans plus tard, on retrouve une équipe de France sur la pelouse du stade Loujniki. A l’occasion de la Coupe du Monde, elle y rencontre le 26 juin 2018 le traditionnel adversaire de ses épopées victorieuses, le Danemark, contre qui elle décroche un 0-0 diablement ennuyeux mais qui ne remet pas sa qualification en cause. Vingt jours plus tard, quand elle retrouve le stade Loujniki, c’est pour la finale victorieuse face à la Croatie.

Jusqu’alors, seul Marius Trésor avait foulé en deux occasions la perlouse du stade moscovite. Le 15 juillet 2018, sept futurs champions du monde l’imitaient : Antoine Griezmann, Kylian Mbappé, Lucas Hernandez, N’Golo Kanté, Nabil Fekir, Olivier Giroud, Raphaël Varane et Steven Nzonzi. Le sélectionneur Didier Deschamps a quand à lui connu ce stade comme joueur et comme sélectionneur, imitant son illustre ainé nantais, Henri Michel, décédé quelques semaines avant le début de ce mondial russe.

Ils sont dix joueurs français à avoir marqué pour les Bleus au stade Lénine ou Loujniki : Bernard Blanchet, Philippe Gondet, Joseph Bonnel, José Touré, Nicolas Anelka, Robert Pires, Alain Boghossian, Antoine Griezmann, Paul Pogba et Kylian Mbappe, le onzième but étant attribué au Croate Mandzukic contre son camp.

dategenreadversairescoreaffluence
05/06/1966 amical URSS 3-3 102 000
26/05/1973 qCM URSS 0-2 75 000
23/05/1980 amical URSS 0-1 55 000
09/09/1987 qEuro URSS 1-1 86 048
10/10/1998 qEuro Russie 3-2 20 989
26/06/2018 CM T1 Danemark 0-0 78 000
15/07/2018 CM fin. Croatie 4-2 78 000


 

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Vos articles inédits