Antoine Griezmann, le quatrième côté du carré majeur

Publié le 30 septembre 2024 - Bruno Colombari - 1

Longtemps, on a considéré que le trio majeur de l’histoire des Bleus était constitué de Platini, Zidane et Kopa. Griezmann a désormais sa place à leurs côtés pour en faire un carré.

4 minutes de lecture

L’histoire du football en général et de l’équipe de France en particulier est parfois farceuse. Dans quelques années, quand la poussière sera retombée sur les champions du monde 2018, on se souviendra sans doute qu’Antoine Griezmann a annoncé la fin de sa carrière internationale le jour même du 38ème anniversaire d’Olivier Giroud, et alors même que les Bleus devront sans doute se passer de Kylian Mbappé pour leurs prochains matchs.

Finalement la carrière de Griezmann aura été assez courte : 10 ans et un peu moins de 6 mois. C’est un peu plus que celle de Kopa (10 ans et 1 mois entre octobre 1952 et novembre 1962) mais moins que celle de Platini (11 ans et 1 mois entre mars 1976 et avril 1987) ou celle de Zidane (11 ans et 11 mois entre août 1994 et juillet 2006). Et 43 Bleus auront eu, à ce jour, une carrière plus longue que la sienne. Il sera d’ailleurs probablement dépassé par Lucas Digne dès le mois d’octobre, puisqu’ils ont débuté ensemble en mars 2014.

Si le timing de cette annonce interroge (il est quand même rarissime pour un joueur de ce calibre de jeter l’éponge à ce moment de la saison, alors qu’il y a un peu moins de trois mois s’achevait l’Euro), ce n’est qu’une demi-surprise, tant les derniers mois de Grizou chez les Bleus auront été laborieux.

Une dernière passe décisive pour Olivier Giroud

Absent en mars sur blessure pour la première fois depuis six ans et neuf mois (et 84 matchs joués d’affilée, un record qui tiendra sûrement longtemps), on ne peut pas dire qu’il soit vraiment revenu depuis. Titulaire lors des deux premiers matchs à l’Euro (et capitaine contre les Pays-Bas), il se retrouve sur le banc face à la Pologne, puis encore contre l’Espagne, et enfin devant la Belgique en septembre. Avec un positionnement fluctuant et un rendement minimal.

Quant à son impact offensif, il n’a cessé de décliner depuis 2021 (où il avait inscrit 8 buts) : rien en 2022 et un dernier but (sur pénalty) en septembre 2023. Sa dernière passe décisive aura été pour Olivier Giroud face à Gibraltar. Tout un symbole.

Ses 44 buts

C’est ce qu’on peut appeler un gaucher quasi exclusif : sur ses 44 buts, 34 ont été inscrits du gauche (dont 9 sur pénalty), 5 de la tête et 5 du droit. Il aura martyrisé les Pays-Bas dans le premier quart d’heure (trois buts aux 2e, 6e et 14e minutes) et l’Allemagne dans la dernière demi-heure (quatre buts aux 62e, 72e, 80 et 89e minutes). Et il aura été très efficace lors du dernier quart d’heure de chaque mi-temps (10 buts entre la 31e et la 45e minute, 11 buts après la 75e). Il n’aura jamais marqué en prolongations, mais à sa décharge, il n’en a joué qu’une (celle contre le Portugal en 2016), puisqu’il était sorti dans le temps réglementaire face à la Suisse en 2021 et l’Argentine en 2022.

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Rendre meilleur ses partenaires

Indispensable joueur pour Didier Deschamps (il n’aura manqué que six matchs depuis ses débuts en mars 2014), d’une finesse incomparable dans le jeu court, remarquable ratisseur de ballons aussi (ce que n’étaient certainement pas les trois autres membres du carré majeur), il avait la capacité de bonifier ses partenaires, aussi bien derrière lui (Kanté, Pogba, Matuidi, ou plus récemment Rabiot et Tchouaméni) que devant (Giroud et Mbappé, bien sûr, avec lesquels il a formé une des toutes meilleures attaques, mais aussi Payet, Dembélé, Coman ou Benzema). Il est frappant de voir que son équipe-type (les partenaires avec lesquels il a le plus souvent joué) est exactement la même que celle de la finale de la Coupe du monde 2018. Même si Adrien Rabiot (41 matchs en commun dont 33 comme titulaire) et Aurélien Tchouaméni (24/34) ou Théo Hernandez (32/29) ne sont pas loin, mais l’idée était de former une équipe avec le partenaire le plus fréquent à chaque poste.

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Un peu tendre à la Coupe du monde 2014, où il avait pourtant déjà 23 ans mais une expérience en sélection très courte, rayonnant à l’Euro 2016, clinique à la Coupe du monde 2018, il s’était adapté à une position plus basse en 2022, toujours disponible, toujours d’humeur égale. Mais c’est juste après que les choses ont commencé à se gâter, avec la désignation de Mbappé comme capitaine en mars 2023, alors que Lloris et Varane n’étaient plus là.

C’est sans doute ce qui lui a manqué pour franchir un dernier cap, et qui lui a sûrement coûté un Ballon d’or (troisième en 2016 et en 2018) et une victoire en Ligue des champions, barré en finale par le Real Madrid en 2016 : un ego un peu plus grand pour s’imposer plutôt qu’attendre de la reconnaissance.

Des finales sur un goût d’inachevé

D’ailleurs, ses quatre finales en équipe de France laissent toutes un goût d’inachevé : il est carbonisé physiquement en 2016 où il lui manque le dernier coup de rein pour marquer (tête contrée par Rui Patricio en première mi-temps, une autre non cadrée et enfin ce ballon qui lui passe devant, à trois mètres de la ligne de but, dans le temps additionnel…

Celle de 2018 est sans doute sa meilleure, même s’il est noyé comme toute l’équipe dans une première mi-temps asphyxiante. Mais il trouve moyen d’obtenir un coup franc que l’on qualifiera de fantaisiste, et qui débouche sur une déviation de la tête involontaire de Mario Mandzukic. Et c’est lui qui transforme le pénalty qui permet aux Bleus de virer en tête à la mi-temps.

En 2021, par un hasard du calendrier, la finale de la Ligue des Nations tombe le soir de sa centième sélection. Mais si les Bleus s’imposent contre l’Espagne, il n’y est pas pour grand chose. Et en 2022, il manquera cruellement aux Bleus en prolongations, pour mettre le pied sur le ballon au plus fort de la domination argentine, et pour la séance de tirs au but évidemment. Mais il est victime d’une première heure complètement à l’envers et quitte la scène à la 71e. C’est le même scénario que face à la Suisse à l’Euro 2021, où il était sorti juste avant l’égalisation helvète.

La fin d’une génération

Les Bleus vont devoir apprendre à se passer de lui désormais, dans une équipe violemment rajeunie où le joueur le plus capé (Mbappé, 86 sélections et futur dixième centenaire, en 2026) n’a pas encore 26 ans. Avec Griezmann, c’est la dixième génération des Bleus qui s’achève. Attention, car habituellement, les générations impaires (la cinquième avec Bereta, la septième avec Papin ou la neuvième avec Ribéry) dessinent les creux des cycles de la sélection. C’est une autre histoire qui reste à écrire, et nous nous y emploieront.

Vos commentaires

  • Le 1er octobre à 04:46, par Nico En réponse à : Antoine Griezmann, le quatrième côté du carré majeur

    Merci pour tout Grizou ! Un joueur sans équivalent dans sa période ; il mérite amplement de pouvoir déjeuner à la table de Kopa, Platini et Zidane. Je suis tout de même inquiet pour la suite des Bleus, notre manque de créativité va encore en prendre un coup, sachant que ce n’était plus notre point fort depuis quelques temps...

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