Histoire des France-Espagne (3) : les Pyrénées centre du monde

Publié le 18 avril 2013 - Bruno Colombari

Dernière partie de notre saga franco-hispanique, avec la période 1984-2013. Avec Platini et Zidane, les Bleus sont les meilleurs, avec Xavi et Iniesta, les Rouges sont invincibles.

5 minutes de lecture

Après 62 ans de matches amicaux, Français et Espagnols se décident à en découdre pour de bon. Entre 1984 et 2006, les Bleus gagnent à tous les coups, ne laissant aux Espagnols que des miettes amicales. Depuis 2008, le cocktail Real-Barça version Roja ne perd plus, et surtout pas contre la France. Depuis trente ans, les deux sélections dominent l’Europe puis le monde.

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Et un, et deux, un Euro !

Ce n’est pas trop tôt ! Il faut attendre le 27 juin 1984 pour voir le premier France-Espagne en compétition. Et quel match : une finale d’Euro, au Parc des Princes. Si la présence des Bleus ne surprend personne, l’Espagne a déjoué les pronostics en sortant la RFA au premier tour et en éjectant les redoutables Danois en demi-finale. Peuvent-ils faire mieux ? La première mI-temps de la finale inquiète Michel Hidalgo. Sans aucun grand nom (Emilio Butragueno n’était pas encore titulaire, et Maceda est suspendu), l’Espagne contrôle bien le redoutable milieu français et se procure même une occasion brûlante par Santillana de la tête (32e) repoussée sur la ligne par Battiston.

On se dit que les Bleus ne vont pas y arriver quand une faute sifflée sur Lacombe offre un bon coup-franc à Platini. La suite est entrée dans la légende. Frappe enroulée sur laquelle Arconada se couche, le ballon lui glisse sous le bras et franchit la ligne. La fin du match est épique : A la 72e, Battiston demande à sortir pour permettre à Amoros de goûter à la fête. A la 85e, les Bleus se retrouvent à dix après l’exclusion de Le Roux. Et à la 90e, Tigana lance dans un ultime contre Bellone qui marque d’une balle piquée. Les Bleus sont champions d’Europe.
 

Fernandez, roi de la bicyclette

La revanche aura lieu quatre ans plus tard, en mars 1988, lors d’un match amical joué à Bordeaux. Les Bleus sont éliminés de l’Euro allemand et Henri Michel aligne pour la première fois le duo Papin-Cantona en pointe, avec Gérald Passi en numéro 10. C’est d’ailleurs lui qui égalise deux minutes après l’ouverture du score espagnole (sur un pénalty repoussé par Bats). Et Luis Fernandez, nommé capitaine, va marquer avant la demi-heure un but d’anthologie, une bicyclette de 25 mètres (2-1).

Trois ans plus tard, Français et Espagnols se retrouvent au Parc en qualification pour l’Euro suédois. L’Espagne est favorite mais les Bleus de Michel Platini devenu sélectionneur l’emportent encore, avec brio, après avoir été menés. Sauzée, Papin et Laurent Blanc donnent du volume et de l’ampleur à la victoire tricolore. En octobre de la même année, au match retour, l’Espagne s’incline encore (pour la quatrième fois d’affilée) sur deux buts de Papin et encore de Luis Fernandez, qui ressort pour l’occasion sa spéciale, ciseau de face victorieux (2-1). L’Espagne manque l’Euro et perd à domicile contre la France pour la dernière fois à ce jour.

Caminero, c’est vraiment trop injuste

Le 15 juin 1996 n’est pas seulement le jour des trente ans de l’auteur de Chroniques bleues : c’est aussi celui d’un France-Espagne en phase finale, lors du premier tour de l’Euro anglais à Leeds. Une victoire enverrait les Bleus en quarts de finale, mais les Espagnols sont invaincus depuis dix-huit matches. Ils le resteront puisqu’ils répondent en fin de match, par Caminero, au but de Youri Djorkaeff. Ce 1-1 malvenu empêche Jacquet de faire tourner son effectif contre la Bulgarie et se paiera au prix fort en demi-finale.

Le 28 janvier 1998, il fait un froid de gueux sur Saint-Denis pour l’inauguration du stade de France. Mais Zidane réchauffe l’atmosphère en reprenant un ballon repoussé par la transversale de Zubizarreta (20e) avant que David Trezeguet ne fasse ses grands débuts internationaux (1-0).

C’est à l’Euro 2000, à Bruges, que se joue le 25 juin de cette année-là un quart de finale brûlant. Les Espagnols dominent, martyrisent la défense française et égalisent sur pénalty par Mendieta (38e) quelques minutes après que Zidane ait ouvert le score d’un coup-franc platinien (32e). Le coup est dur, mais Djorkaeff redonne l’avantage aux Bleus (44e) avant la pause. En toute fin de match, M. Collina accorde un nouveau pénalty pour une faute peu évidente de Barthez. Raul le tire, au-dessus (2-1).

Le 28 mars 2001, ça fait vingt ans que la France est invaincue contre l’Espagne. L’équipe de France championne de tout le prend un peu à la légère et le paie aussitôt, Helguera et Morientes battant un Letizi peu inspiré. Trezeguet réduit le score, mais les Rouges tiennent enfin leur revanche (2-1).

Le retraité vous salue bien

C’est avec une confiance excessive qu’ils abordent le huitième de finale à Hanovre lors de la coupe du monde 2006, promettant d’envoyer Zidane (qui vient de quitter le Real Madrid) à la retraite. La future grande équipe est déjà là (Casillas, Ramos, Puyol, Xabi Alonso, Xavi, David Villa sont titulaires, Iniesta reste sur le banc), mais elle manque un peu de coffre face à Vieira, Zidane, Henry, Makelele ou Thuram. Ribéry répond à David Villa qui a ouvert le score sur pénalty (comme d’habitude), et au terme d’une deuxième mi-temps irrespirable, les Rouges lâchent prise dans les dix dernières minutes, sur un but de près signé Vieira et sur un contre magistral de Zidane (3-1) qui donne un lumbago à Puyol avant de laisser Casillas sur les fesses. L’Espagne devra attendre. C’est à ce jour la dernière élimination de la Roja d’une compétition majeure [1], et la dernière défaite contre la France.

Moutarde ou ketchup ?

Si le match suivant met aux prises deux favoris pour l’Euro austro-suisse, le piètre spectacle donné à Malaga le 6 février 2008 n’impressionne personne. Cinq ans plus tard, tout le monde aurait oublié ce mesquin 0-1 (but de Capdevila) qui a vu jouer Toulalan milieu offensif droit (!) sans une petite fantaisie esthétique de l’équipementier à trois bandes : pour la première (et espérons-le, la dernière) fois de l’histoire, on a vu une équipe de France jouer en rouge ketchup contre une Espagne habillée en jaune moutarde.

Retour à un peu plus de sérieux et de classicisme le 3 mars 2010 à Saint-Denis. Les Bleus sont en blanc et les Rouges en rouge, mais ces derniers sont désormais champions d’Europe et visent le titre mondial. L’équipe de France, elle, peine à se remettre de sa qualification-pickpocket acquise en novembre contre l’Eire. Et donc l’Espagne s’impose au petit trot, dans ce qui ressemble pour elle à une partie d’entraînement (0-2, buts de David Villa et Sergio Ramos).
 

Les fantômes de Donetsk

Le mois de juin 2012 sera celui de la consécration pour la Roja : première équipe nationale à réussir un invraisemblable triplé Euro-Mondial-Euro, mais surtout, douce revanche, première victoire en compétition contre une équipe de France fantomatique. Les Bleus, renforcés par Laurent Blanc sur leur couloir droit (avec Debuchy placé devant Réveillère), sont battus sur la première accélération sérieuse de Jordi Alba et d’Iniesta, au profit de Xabi Alonso (12e) que Malouda n’a pas jugé utile de suivre. La défaite est consommée sur un pénalty transformé par le même en fin de match (0-2) [2], mais les Bleus n’ont jamais donné l’impression de croire un seul instant en leur chance.
 

Pourtant les Espagnols sont prenables : la deuxième mi-temps à Madrid, quatre mois plus tard (en qualifications du Mondial 2014) le démontre. Avec un milieu de terrain batailleur, un pressing haut et une prises de risque en attaque, les Bleus dominent leur adversaire et arrachent au bout du bout du temps additionnel un nul largement mérité (1-1) [3]. Mais ils ne confirment pas ces bonnes dispositions en mars 2013, même si l’écart entre les deux équipes semble beaucoup moins large qu’il y a un an. L’arrivée des petits derniers Varane et Pogba ne suffit pas à compenser un impact offensif insuffisant et des erreurs défensives fatales (0-1) [4]. Mais elle entretient une envie de revanche l’an prochain, sous le soleil du Brésil.

[1Si l’on met de côté une défaite anecdotique en juin 2009 contre les Etats-Unis en demi-finale de la coupe des Confédérations.

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