L’épopée des Bleus à l’Euro, une histoire continentale

Publié le 28 mai 2021 - Bruno Colombari

Pierre Cazal, historien de l’équipe de France et rédacteur régulier de Chroniques bleues, vient de sortir chez Mareuil éditions un nouveau livre consacré à l’histoire de l’équipe de France à l’Euro depuis 1960.

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Si la Coupe du monde a largement contribué à forger la légende de l’équipe de France, des anciens de Suède contre le Brésil de Pelé aux fulgurances de Mbappé en Russie en passant par Séville, Guadalajara, le 12 juillet 1998 et la nuit de Berlin, l’histoire des Bleus l’Euro est beaucoup moins connue. Ou du moins, les titres de 1984 et de 2000 sont un peu les arbres — magnifiques et pleins de fruits — qui cachent la forêt d’épisodes plus ou moins glorieux des différents championnats d’Europe depuis 1960.

Pierre Cazal, L'épopée des Bleus à l'Euro. Mareuil éditions, 244 pages, 19 euros.
Pierre Cazal, L’épopée des Bleus à l’Euro. Mareuil éditions, 244 pages, 19 euros.

C’est cette histoire, dont le prochain et prometteur chapitre va s’écrire dans quelques jours, que Pierre Cazal raconte dans son nouvel ouvrage publié, comme le précédent (Sélectionneurs des Bleus : ruptures et héritages) aux éditions Mareuil. « L’épopée des Bleus à l’Euro » ne se contente pas d’énumérer les quinze éditions du championnat d’Europe depuis sa création en 1958. Il va plus loin, creuse, analyse, compare et va aux sources, qui remontent, le saviez-vous, aux origines mêmes de la sélection puisque le premier projet de tournoi européen date, et oui, de 1904.

Ce n’est pas la moindre des choses que vous apprendrez en lisant les 244 pages très riches de cet ouvrage. Parce qu’il a l’esprit joueur, Pierre Cazal introduit en effet le ratio potentiel/résultats qui permet d’évaluer finement si une compétition est ratée ou pas. Car bien sûr, tout dépend des attentes du public et des médias, ainsi que des objectifs fixés par le staff et les joueurs eux-mêmes. En 2021, championne du monde en titre, l’équipe de France fait évidemment partie des favoris pour le titre (avec la Belgique, et à un degré moindre l’Espagne, l’Allemagne et l’Angleterre). Mais l’annonce du retour en sélection de Karim Benzema le 18 mai dernier a rebattu les cartes. Avec cette arme offensive supplémentaire (le Madrilène est certainement le meilleur attaquant d’Europe actuellement, avec Robert Lewandowski), les Bleus ne peuvent que gagner l’Euro ou décevoir.


 

Quand l’attente était bien moindre, comme en 2012 par exemple, un résultat moyen (élimination en quart de finale par le tenant du titre, champion du monde de surcroît) passe encore. Les éliminations précoces pour les éditions 1968, 1972 et 1976 ne font pas beaucoup de vagues, étant donné la faiblesse des ambitions de l’époque. dixit l’avant-centre de Saint-Etienne Hervé Revelli : « même contre le Luxembourg, on n’était sûrs de rien. On avait toujours un problème pour finir les matchs. Physiquement, on était trop justes. »

Dessiner la lente ascension des Bleus dans la hiérarchie continentale

Si vous avez déjà lu Sélectionneurs des Bleus, voire L’Intégrale de l’équipe de France [1], vous retrouverez avec plaisir cette manière de raconter les matchs de façon si vivante (car Pierre Cazal est avant tout un raconteur d’histoires), mais avec une perspective différente : alors qu’il analysait l’apport, la réussite ou les échecs des sélectionneurs depuis Eugène Fraysse en 1900, là il s’agit de retracer le parcours des quinze premières éditions de l’Euro, phases de qualification comprises. Et de dessiner la lente ascension des Bleus dans la hiérarchie continentale, en partant de la morne plaine des années 1960-1970 aux sommets des années 2000.

Car une des leçons de ce livre, c’est qu’il est très hasardeux d’extrapoler ce que sera une phase finale à l’aune du parcours en qualifications. Ce sont deux choses différentes, dans l’enjeu, dans le temps et dans la gestion du groupe, qui peut amener de grosses surprises : une équipe rayonnante pendant quinze mois (1990-1991, 2002-2003) et qui s’étale en beauté en juin (1992 en Suède, 2004 au Portugal). A contrario, on a vu des Bleus très poussifs, voire inquiétants en année impaire (1999, 2015) devenir injouables un an plus tard, à un poteau dans le temps additionnel près [2]

Deschamps vers un double doublé historique ?

Tout livre d’histoire qu’il est, L’épopée des Bleus à l’Euro regarde avec beaucoup d’attention le moment que nous vivons, avec ce chamboulement inédit que constitue la pandémie de Covid-19, ses millions de morts à l’échelle mondiale, le quotidien bouleversé, et, même si c’est d’une importance moindre, un football diminué par l’absence de public dans les stades. La deuxième partie du livre évoque la Ligue des Nations, soeur jumelle de la Coupe d’Europe des Nations des origines avec son « Final four » (auquel la France participera en octobre), l’année 2020 coupée en deux et tente d’imaginer ce que pourrait être le parcours des Bleus à l’Euro. L’équipe de France réussira-t-elle un doublé que seule l’Espagne a fait (en 2008 et 2012) ? Didier Deschamps entrera-t-il dans l’histoire avec un double doublé complètement fou (comme joueur en 1998 et 2000, puis comme sélectionneur en 2018 et 2021) ?


 

Mais parce qu’il connaît trop le football pour se laisser enfermer dans les statistiques, Pierre Cazal remarque avec sagesse : « Ne négligeons pas cependant le rôle de la chance — ou de la malchance — qui vient relativiser celui du mérite, dans ce genre de compétition. D’un côté, la panique d’un Lamia en 1960, mais de l’autre, l’erreur d’Arconada qui laisse échapper le coup franc de Platini en 1984 ; le tir au but raté de Pedros en 1996, contre le pénalty de Beckham arrêté par Barthez, suivi du pénalty réussi par Zidane en 2004, les mains d’Abel Xavier et de Schweinsteiger sifflées en 2000 et 2016, mais celle d’Ooijer oubliée par l’arbitre en 2008 [...] Le sort vient parfois choisir son camp, c’est une donnée impondérable de l’épopée, qui en accentue encore la charge dramatique. »

Il faut dire aussi que depuis 1996, les Bleus reviennent tous les deux ans, en juin et parfois en juillet si affinités, pour transformer nos espoirs et nos rêves en victoires magnifiques, souvent, ou en échecs amers, parfois. Il a fallu attendre trois ans pour que les champions du monde doublement étoilés reviennent défier les meilleures équipes européennes. Vivement que ça commence ! Et en attendant, vous avez de quoi lire.

[1avec Jean-Michel Cazal et Pierre Orregia, éditions First, 1998

[2celui qui a sorti le tir de Gignac en finale 2016 contre le Portugal.

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