Le 15 juillet 2018 à Moscou, alors que l’arbitre argentin Néstor Pitana vient de siffler la fin de la finale de la Coupe du monde, la France exulte et ses joueurs manifestent leur joie de mille manières différentes. Le visage de Steven Nzonzi apparaît brièvement à l’écran, calme, le regard lointain. Le milieu de terrain de l’équipe de France savoure à sa façon, avant d’entrer dans le délire collectif.

Un physique trop juste
A ce moment-là, Steven Nzonzi se souvient peut-être de ces années d’adolescence où il n’avait pas été conservé dans les centres de formation du Paris Saint-Germain et du Stade Malherbe de Caen, car on estimait son physique trop juste. Il se souvient aussi que c’est Amiens, club de seconde division, qui lui donne la chance de passer pro.
Clairement, rien ne prédestine le natif de la Garenne-Colombes (où il a vu le jour le 15 décembre 1988) à un destin de champion du monde. A vingt ans, le jeune homme au physique de basketteur (il mesure 1,96 mètre) devient titulaire au poste de demi défensif à Amiens. Le club picard est confronté à des difficultés et se retrouve relégué en National en 2009. Faute de contacts avec les clubs de l’élite française, Steven Nzonzi tente l’exil et traverse la Manche pour rejoindre les Blackburn Rovers, une équipe dirigée par Sam Allardyce.
En dépit d’un physique qu’on estimait trop frêle pour la Premier League, le Français s’adapte rapidement. En fin de saison, il est élu meilleur joueur du club par ses supporters. Dans le même temps, Erick Mombaerts fait appel à lui pour jouer en équipe de France espoirs. Aux côtés d’Antoine Griezmann et Raphaël Varane, Steven Nzonzi songe à un destin en bleu, même si le pays de ses parents, la République Démocratique du Congo, le sollicite également pour jouer en équipe nationale.
Le géant de Séville
En 2012, Blackburn Rovers est relégué en deuxième division anglaise. Le Francilien rejoint Stoke City, à une centaine de kilomètres plus au sud. Ses performances sont comparables à ce qu’il produisait à Blackburn, même si quelques cartons rouges viennent ternir sa production. Toutefois, Didier Deschamps, qui vient d’être nommé à la tête de l’équipe de France, montre peu d’intérêt à ce frenchie de Stoke-on-Trent. Ce n’est pas le cas du FC Séville, double vainqueur de la Ligue Europa, qui recrute le milieu défensif en 2015.
Alors qu’il n’avait connu que les rudes combats de bas de tableau, Steven Nzonzi découvre une nouvelle dimension. Aux côtés d’Adil Rami, de Kevin Gameiro et de Timothée Kolodziejczak, il joue le haut de tableau et brille sur le plan européen. Le club andalou entraîné par Unai Emery remporte sa troisième Ligue Europa consécutive et Steven Nzonzi glane son premier titre. Il n’en remportera qu’un seul autre par la suite.
Lorsque Jorge Sampaoli prend les rênes du club andalou en 2016, il fait du Francilien le patron du milieu de terrain. Le joueur prend de l’envergure et attire la curiosité des médias hexagonaux. Il déclare notamment à L’Équipe qu’il n’a pas de contact avec le sélectionneur : “Sait-il seulement que je suis Français ?” s’interroge-t-il. De son côté, la RDC lui rappelle qu’il est aussi congolais et que la sélection des Léopards lui tend les bras.
Première sélection à vingt-huit ans
Ce n’est finalement qu’en novembre 2017, alors que les Tricolores ont obtenu leur qualification pour la Coupe du monde en Russie, que Didier Deschamps s’intéresse au joueur sévillan. Le sélectionneur a besoin d’étoffer son groupe et l’appelle en même temps que d’autres nouveaux comme Benjamin Pavard, Presnel Kimpembe et Alphonse Areola. Alors qu’il est âgé de vingt-huit ans, Nzonzi remplace Corentin Tolisso à la mi-temps du match contre le Pays de Galles à Saint-Denis et devient, au même titre que Pavard qui entre en même temps que lui, le 897e joueur de l’histoire de l’équipe de France. Le géant devient aussi le plus grand joueur, par la taille, de l’histoire de l’équipe de France. Son mètre quatre-vingt-seize ne passe pas inaperçu.

Le nouvel international entre en jeu quatre jours plus tard à Cologne contre l’Allemagne, mais il n’est pas appelé en mars 2018 pour les rencontres de préparation contre la Colombie et en Russie. Malgré tout, Didier Deschamps l’inscrit parmi les vingt-trois appelés à disputer la Coupe du monde, alors qu’Adrien Rabiot ou Moussa Sissoko semblaient favoris à ce poste.
En Russie, Steven Nzonzi est assigné au banc de touche. Il n’apparaît qu’à la toute dernière minute du deuxième match remporté (1-0) contre le Pérou, mais joue en entier le troisième match sans enjeu contre le Danemark (0-0). On le retrouve en quart de finale contre l’Uruguay (2-0) où il remplace Tolisso pour les deux dernières minutes, puis en demi-finale contre la Belgique (1-0) où il supplée Olivier Giroud à cinq minutes de la fin.
Lors de la finale à Moscou, il entre dès la 55e minute à la place de Ngolo Kanté, trop souffrant pour poursuivre la rencontre. Il participe donc pleinement à la rencontre historique et entre dans le gotha des footballeurs français, du moins ceux qui affichent une Coupe du monde sur leur carte de visite.
Une seconde jeunesse au Stade Rennais
Au lendemain du triomphe moscovite, Steven Nzonzi rejoint les rangs de l’AS Roma. Malgré une saison compliquée, l’ancien Sévillan conserve la confiance du sélectionneur, tantôt titulaire, tantôt remplaçant en Ligue des nations. Ses entrées en jeu tardives servent plus souvent à gagner du temps qu’à renforcer l’équipe tactiquement.
Le joueur n’est toutefois plus appelé quand débutent les éliminatoires de l’Euro 2020, au début de l’année 2019. Au terme d’une saison peu satisfaisante à Rome, il est prêté à Galatasaray qui le rend au club romain au bout de six mois, se plaignant de son comportement.
En janvier 2020, Rome prête son joueur au Stade Rennais, et c’est à l’occasion d’un Rennes-Brest que Steven Nzonzi découvre la Ligue 1, à trente-deux ans. Ses premières impressions sont rapidement effacées par la crise sanitaire et les mesures de confinement. Mais lorsque le football reprend ses droits, Didier Deschamps fait de nouveau appel à Steven Nzonzi pour un match de Ligue des nations à Solna. Le Rennais devient même titulaire en l’absence de Paul Pogba.
Un long chemin vers la sortie
Le 17 novembre 2020, de nouveau remplaçant, il entre en jeu dans le dernier quart d’heure de la rencontre France-Suède qui qualifie les Bleus pour le dernier carré de la Ligue des nations. Il ne participera pas à la phase finale en Italie, pas plus qu’il ne sera appelé pour l’Euro 2020 disputé en juin 2021. Sa carrière internationale a pris fin. Son prêt au Stade Rennais arrive également à échéance en juin 2021. Indésirable à Rome, il s’envole trois mois plus tard au Qatar pour jouer à Al Rayyan, et vivre en spectateur le parcours des Bleus lors de la Coupe du monde 2022.
Sa carrière se poursuit en Turquie (Konyaspor) puis en Inde (Sepahan SC) avant de revenir, en 2025, à Stoke City, devenu un club qui se bat pour son maintien en deuxième division. Un peu comme Amiens, le club de ses débuts.
| Sel. | Match | Date | Lieu | Adversaire | Score | TpsJeu | Notes |
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| 1 | Amical | 10/11/2017 | Saint-Denis | Pays de Galles | 2-0 | > 45 | |
| 2 | Amical | 14/11/2017 | Cologne | Allemagne | 2-2 | > 26 | |
| 3 | Amical | 28/05/2018 | Saint-Denis | Irlande | 2-0 | 90 | |
| 4 | Amical | 01/06/2018 | Nice | Italie | 3-1 | > 4 | |
| 5 | CM 2018 | 21/06/2018 | Iekaterinbourg | Pérou | 1-0 | > 1 | |
| 6 | CM 2018 | 26/06/2018 | Moscou | Danemark | 0-0 | 90 | |
| 7 | CM 2018 | 06/07/2018 | Nijni-Novgorod | Uruguay | 2-0 | > 10 | |
| 8 | CM 2018 | 10/07/2018 | Saint-Pétersbourg | Belgique | 1-0 | > 5 | |
| 9 | CM 2018 | 15/07/2018 | Moscou | Croatie | 4-2 | > 35 | |
| 10 | qLN 2019 | 09/09/2018 | Saint-Denis | Pays-Bas | 2-1 | > 9 | |
| 11 | Amical | 11/10/2018 | Guingamp | Islande | 2-2 | 90 | |
| 12 | qLN 2019 | 16/10/2018 | Saint-Denis | Allemagne | 2-1 | > 1 | |
| 13 | qLN 2019 | 16/11/2018 | Rotterdam | Pays-Bas | 0-2 | 80 > | |
| 14 | Amical | 20/11/2018 | Saint-Denis | Uruguay | 1-0 | > 27 | |
| 15 | qLN 2021 | 05/09/2020 | Solna | Suède | 1-0 | > 1 | |
| 16 | qLN 2021 | 08/09/2020 | Saint-Denis | Croatie | 4-2 | 90 | |
| 17 | Amical | 07/10/2020 | Saint-Denis | Ukraine | 7-1 | 90 | |
| 18 | qLN 2021 | 14/10/2020 | Zagreb | Croatie | 2-1 | 90 | |
| 19 | Amical | 11/11/2020 | Saint-Denis | Finlande | 0-2 | 90 | |
| 20 | qLN 2021 | 17/11/2020 | Saint-Denis | Suède | 4-2 | > 12 |








