Charly Loubet, bleu azur

Publié le 2 février 2023 - Pierre Cazal, Richard Coudrais

Charly Loubet, décédé le 30 janvier dernier quatre jours après son 77ème anniversaire, a connu 36 sélections en équipe de France entre 1967 et 1974. Portrait d’un surdoué casanier qui est passé à côté d’une grande carrière.

Cet article fait partie de la série Génération 5
6 minutes de lecture

Le début de carrière de Charly Loubet pourrait rappeler celle d’un prodige plus récent. Il débuté très jeune dans un club de la Côte d’Azur, pour être tout aussi précocement transféré dans un club parisien. Mais les comparaisons s’arrêtent là. Malgré 36 sélections et 10 buts entre 1967 et 1974, Charly Loubet n’a pas su laisser une trace indélébile dans l’histoire de l’équipe de France.

Héros du Parc

C’est à seize ans (moins neuf jours) que Charly Loubet fait ses débuts sous les couleurs de l’AS Cannes, en deuxième division, à l’occasion d’un match contre Toulon en janvier 1962. La précocité du natif de Grasse attire l’œil des clubs de l’élite et le prodige est transféré dès décembre 1962 au Stade Français en première division. Il débute contre le grand Reims de Raymond Kopa et l’avenir semble lui sourire.

Mais le surdoué ne s’impose pas dans la capitale. Il déçoit même tellement qu’on le renvoie sur la Côte d’Azur. A l’OGC Nice, le jeune attaquant retrouve le soleil mais tarde à confirmer les espoirs placés en lui. Et alors que l’équipe de France lui semblait promise, celle-ci s’éloigne quelque peu.

La sélection tricolore ne lui ouvrira finalement ses portes qu’en 1967, alors qu’il est âgé de 21 ans. Charly Loubet commence a trouver ses marques dans le championnat de France et à marquer des buts. Il endosse son premier maillot bleu en novembre 1966 au Parc des Princes avec l’équipe de France B contre son homologue hongroise. L’attaquant azuréen inscrit deux buts et le journal L’Équipe le consacre « Héros du Parc ». Ses deux buts sont splendides, l’un grâce à sa technique et son sang-froid (un enchaînement contrôle de la poitrine et tir), l’autre grâce à sa vivacité (un raid solitaire en contre comme il les affectionne). Les Tricolores dirigés par Élie Fruchart l’emportent 4-1.

Un hat-trick contre le Luxembourg

C’est avec Just Fontaine que Charly Loubet connaît sa première (vraie) sélection en Bleu. Après deux rencontres en équipe de France B, et un match resté fameux contre la sélection de Corse, le Niçois est appelé pour la rencontre France-Roumanie du 26 mars 1967 au Parc. Il donne à Dogliani (88’) le but français mais la Roumanie s’impose 2-1. Charly Loubet disputera les quatre rencontres de l’ère Fontaine.

Quand le rigoureux Louis Dugauguez succède à l’ancien buteur de la Coupe du monde suédoise, il garde toute sa confiance envers l’attaquant niçois et l’embarque dans les éliminatoires de la Coupe d’Europe des Nations 1968. Les Tricolores terminent en tête d’un groupe composé de la Pologne, de la Belgique et du Luxembourg. Contre la sélection du Grand-Duché, Loubet inscrit ses premiers buts en Bleu, avec un hat trick en onze minutes à cheval sur la mi-temps (42’, 47’, 53’).


 

Cela restera le meilleur souvenir de sa carrière. Trois buts d’avant-centre alors qu’il était aligné ailier droit, pour laisser à Georges Bereta la place à gauche. Loubet révèle qu’il avait été blessé à l’épaule en championnat et qu’il était question de déclarer forfait. Mais Dugauguez voulait un 4-3-3 strict avec deux ailiers et n’avait pas de solution de rechange. Alors Loubet joua avec une piqûre dans l’épaule… et s’en porta fort bien !

Vif et virevoltant

On peut lire, dans l’exemplaire Football 72 des précieux Cahiers de L’Équipe que Loubet est un joueur « vif, virevoltant, capable de gagner un match à lui seul d’un crochet, d’un tir ou d’une pirouette bien calculée. Il manque seulement de résistance et faiblit au bout d’une heure de jeu. ». Plus loin, il est décrit comme « accroché à la balle. Sa manière de bousculer les défenses ouvre des brèches ». Loubet est un « athlète du football, dur aux chocs, une boule de muscles prête à exploser ». En guise de résumé : « Tout le feu et l’inconstance du football latin. »

Son modèle avoué est son premier sélectionneur, Just Fontaine : un buteur en mouvement. Loubet est un numéro 9 déplacé aux ailes en raison d’un gabarit léger (1m74, 72 kg, et ce dès ses 16 ans), mais ce n’est pas un joueur de débordement. Il centre d’ailleurs peu, et on ne peut que relever la faible quantité de passes décisives qu’il délivre en Bleu : à peine deux, dont un seul centre. Loubet est un joueur de percussion, qui se promène sur tout le front de l’attaque, et qui s’épuise, raison pour laquelle il a du mal à tenir 90 minutes. En outre, il score finalement peu.

Quand il évoque son parcours en bleu, notamment dans une interview parue dans France-Football en 2004, Charly Loubet vante « la bonne ambiance qui régnait dans l’équipe, parce que les résultats… Avec Marcel Aubour et quelques autres, je fais partie de de ceux qui ont pris trois fois cinq buts : à Belgrade (1-5) à Berlin (1-5) et à Wembley (0-5) contre la Yougoslavie, l’Allemagne et l’Angleterre. ».

Vitascorbol

A l’époque, l’équipe de France est synonyme de défaite. Après l’élimination de la Coupe d’Europe des Nations infligées par la Yougoslavie d’Ivica Osim, les éliminatoires de la Coupe du monde 1970 débutent par une nouvelle humiliation (0-1) à Strasbourg, contre la Norvège, une équipe peu brillante à l’époque. Dugauguez démissionne quelques jours avant le rendez-vous de Wembley et laisse à Georges Boulogne la responsabilité du 5-0 encaissé chez les champions du monde.

Charly Loubet est de toutes les déconvenues. Interrogé sur la faiblesse récurrente de l’équipe de France, il répond : « Les Allemands et les Anglais, lorsqu’on tombait dessus, sautaient toujours plus haut et couraient plus vite que nous… Peut-être parce qu’on ne prenait que du Vitascorbol (des vitamines) , tandis qu’eux… En jouant par la suite avec des joueurs étrangers, j’ai compris. Mais il y a prescription ». Pas sûr toutefois que cela suffise à expliquer cette infériorité.

A l’été 1969, Charly Loubet rejoint l’ambitieux Olympique de Marseille de Marcel Leclerc, ce qui lui permet de remporter le titre de champion de France en 1971, le seul titre de sa carrière. Avec l’équipe de France, l’attaquant de l’OM participe à la tournée sud-américaine de janvier 1971. A Buenos Aires, il marque le premier but et lance les Tricolores vers une retentissante victoire 4-3 sur les Argentins. Loubet participe aux cinq rencontres de l’équipe, y compris contre les clubs brésiliens et péruviens.

Un jardin à Grasse

Il revient à l’OGC Nice à l’été 1971. En fin de saison, il est présent dans le groupe qui s’envole au Brésil pour la Coupe de l’Indépendance (ou Minicopa). Loubet inscrit notamment deux buts contre la Colombie. L’équipe de France sort invaincue de ce curieux tournoi, mais n’en reste pas moins éliminée. A 26 ans, Charly Loubet n’est plus tout à fait titulaire en équipe de France. George Boulogne ne lui fait plus confiance, pas plus que son successeur Stefan Kovacs qui ne fera appel à lui qu’en deux occasions, contre la RFA à Gelsenkirchen en octobre 1973 et au Parc contre l’Argentine en mai 1974.

Charly Loubet a connu son pic de forme entre 1967 et 1971. A son retour à Nice en 1971 après un épisode houleux à Marseille, on lui a reproché son manque d’ambition. Loubet est un casanier. Loin de son jardin, à Grasse, loin de sa Côte d’Azur, il dépérit. Il n’a jamais eu l’ambition de jouer à l’étranger. Anderlecht l’a sollicité en 1969 et il a refusé. Loubet a privilégié son cadre de vie.

Ce manque d’ambition surgira également quand il deviendra entraîneur. En janvier 1981, il accepte de remplacer Marcel Domingo, bien qu’il n’ait aucune expérience du métier. A la fin de la saison 1982-83, il laisse la place à Jean-Marc Guillou, et devient adjoint : « J’ai préféré devenir adjoint , parce qu’entraîneur, c’est vraiment trop de soucis ! Et c’est un métier très instable : en quinze ans, j’ai travaillé avec 15 entraîneurs. »

36 sélections, 51 matchs en bleu

Selon le site FFF, Charly Loubet compte 36 sélections en équipe de France, dont 29 titularisations, 6 entrées en jeu, 8 sorties sur remplacement, soient 2500 minutes de jeu pendant lesquelles il a inscrit 10 buts. Mais si toutes ses apparitions en Bleu avaient été comptabilisées comme sélection, le compteur de Charly Loubet se serait élevé à 51. En plus de ses 36 sorties officielles, le Grassois compte 10 rencontres contre les clubs ou sélections occasionnelles (choses courantes à l’époque), 3 rencontres diplomatiquement requalifiées “Espoirs” et deux matchs avec l’équipe de France B (loin d’être négligés à l’époque par les aspirants à une carrière internationale).

Sel.GenreDateLieuAdversaireScorebutsTps Jeu
. France B 11/11/1966 Lille Belgique B 0-1
. France B 27/11/1966 Paris (Parc) Hongrie B 4-1
. N/O 28/02/1967 Marseille Sélection de Corse 0-2
1 Amical 26/03/1967 Paris (Parc) Roumanie 1-2 90
. N/O 17/05/1967 Rouen Hanovre 96 3-3
2 Amical 03/06/1967 Paris (Parc) URSS 2-4 90
. N/O 13/09/1967 Odense Odense BK 1-2 1
3 qEuro 17/09/1967 Varsovie Pologne 4-1 90
4 Amical 27/09/1967 Berlin RFA 1-5 90
5 qEuro 28/10/1967 Nantes Belgique 1-1 90
6 qEuro 23/12/1967 Paris (Parc) Luxembourg 3-1 3 90
. N/O 13/03/1968 Nice Torino AC 1-1 1
7 qEuro 06/04/1968 Marseille Yougoslavie 1-1 90
8 qEuro 24/04/1968 Belgrade Yougoslavie 1-5 90
. N/O 27/08/1968 Saint-Étienne Bayern Munich 1-1
9 Amical 25/09/1968 Marseille RFA 1-1 > 56
10 qCM 06/11/1968 Strasbourg Norvège 0-1 90
. Espoirs 12/02/1969 Lyon Hongrie 2-2
11 Amical 12/03/1969 Londres Angleterre 0-5 90
. Espoirs 02/04/1969 Paris (Parc) Real Madrid 5-3
. Coupe Latine 16/04/1969 Grenoble Italie Espoirs 2-0
12 Amical 30/04/1969 Paris (Parc) Roumanie 1-0 90
. N/O 22/08/1969 Béziers Hvidovre IF 4-2
13 qCM 10/09/1969 Oslo Norvège 3-1 90
14 qCM 15/10/1969 Solna Suède 0-2 90
. N/O 29/10/1969 Paris (Parc) France Militaire 2-1
15 qCM 01/11/1969 Paris (Parc) Suède 3-0 90
16 Amical 08/04/1970 Rouen Bulgarie 1-1 90
17 Amical 28/04/1970 Reims Roumanie 2-0 1 90
18 Amical 03/05/1970 Bâle Suisse 1-2 70 >
19 Amical 05/09/1970 Nice Tchécoslovaquie 3-0 1 61’ >
20 Amical 07/10/1970 Vienne Autriche 0-1 45’ >
21 qEuro 11/11/1970 Lyon Norvège 3-1 90
22 Amical 08/01/1971 Buenos Aires Argentine 4-3 1 45’ >
23 Amical 13/01/1971 Mar del Plata Argentine 0-2 90
. N/O 18/01/1971 Curitiba Coritiba FC 1-2
. N/O 21/01/1971 Porto Alegre Internacional 3-1
. N/O 24/01/1971 Lima Universitario 0-0
24 Amical 17/03/1971 Valence Espagne 2-2 10’ >
25 qEuro 24/04/1971 Budapest Hongrie 1-1 > 45
26 qEuro 08/09/1971 Oslo Norvège 3-1 1 90
27 qEuro 09/10/1971 Colombes Hongrie 0-2 45 >
28 qEuro 10/11/1971 Nantes Bulgarie 2-1 1 90
29 qEuro 04/12/1971 Sofia Bulgarie 1-2 76 >
30 Amical 18/06/1972 Salvador de Bahia* Colombie 3-2 2 90
31 Amical 25/06/1972 Salvador de Bahia* Argentine 0-0 > 6
32 Amical 02/09/1972 Athènes Grèce 3-1 > 45
33 qCM 13/10/1972 Paris (Parc) URSS 1-0 > 4
34 qCM 15/11/1972 Dublin Irlande 1-2 63 >
35 Amical 13/10/1973 Gelsenkirchen RFA 1-2 90
36 Amical 18/05/1974 Paris (Parc) Argentine 0-1 > 20

pour finir...

Sources : Les sites selectiona.free.fr, L’Equipe, FFF, Wikipédia... Les ouvrages « L’intégrale de l’équipe de France de football » (First édition, 1998) de Pierre Cazal, Jean-Michel Cazal et Michel Oreggia, « La fabuleuse histoire du football » (Nathan, 1990) de Jacques Thibert et Jean-Phlippe Rethacker, France-Football, L’Equipe, les Cahiers de L’Equipe...

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