Comment Deschamps utilise les matchs de préparation

Publié le 5 février 2024 - Bruno Colombari - 3

Trois en 2014 et 2018, deux en 2016 et 2021, aucune en 2022. Les rencontres amicales avant une phase finale ont plusieurs objectifs : mettre en place une tactique, tester les remplaçants, associer des joueurs...

Mise à jour d’un article initialement paru en mai 2018.
8 minutes de lecture

A quoi servent ces matchs amicaux disputés quelques semaines avant une phase finale mondiale ou européenne ? Pas à obtenir des résultats, évidemment. Pas non plus à retenir ou écarter des joueurs, puisque la liste est déjà faite. A tester différentes options tactiques ? A donner du temps de jeu à des éléments qui joueront peu ou pas du tout ? Ou au contraire à rôder l’équipe qui débutera le tournoi, sachant que ce ne sera pas forcément la même que celle qui disputera l’ultime rencontre ?

Pour le savoir, j’ai regardé comment a varié l’équipe de France lors des trois matchs de préparation aux Coupes du monde 2014 et 2018 et durant les deux rencontres amicales avant les Euro 2016 et 2020. Et ce, en détaillant d’abord la composition de l’équipe au coup d’envoi, puis en la comparant avec celle qui a fini le match, sachant qu’il y a généralement cinq à six changements.

Enfin, l’ensemble de ces rotations seront mises en regard avec la composition au coup d’envoi du premier match du premier tour (contre le Honduras en 2014, la Roumanie en 2016, l’Australie en 2018 et l’Allemagne en 2021) et du dernier match du tournoi (le quart de finale face à l’Allemagne en 2014, les finales contre le Portugal en 2016 et la Croatie en 2018 et le huitième contre la Suisse en 2021).

2022 est un cas très particulier, puisque la Coupe du monde au Qatar, disputée du 20 novembre au 18 décembre, n’a pas permis aux sélections participantes (en tout cas pas les européennes) de jouer des matchs amicaux juste avant. Mais le fait que les Bleus n’avaient plus aucune chance de terminer premiers de leur groupe qualificatif de Ligue des Nations dès le mois de juin (deux nuls et deux défaites) ont rendu les rencontres de septembre quasiment amicales [1]. Mais comme elles avaient lieu deux mois avant la Coupe du monde, bien en amont de l’annonce de la liste, elles n’ont pas permis à Didier Deschamps de disposer des 26 joueurs qui iraient au Qatar.

2014 : beaucoup de changements avant, stabilité ensuite

Contre la Norvège le 27 mai, Deschamps aligne au coup d’envoi ce qui ressemble déjà à son équipe-type, à l’exception de Lloris, remplacé par Ruffier, et de Benzema et Varane, retenus avec le Real Madrid pour la finale de la Ligue des Champions. Giroud et Koscielny les remplacent. En deuxième mi-temps, il change tout son milieu de terrain ainsi que les deux attaquants excentrés et le latéral gauche. Aucun de ceux-là n’aura de temps de jeu significatif au Brésil.

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Le 1er juin à Nice face au Paraguay, toujours pas de Varane et de Benzema. Rémy et Sagna sont alignés au départ à la place de Griezmann et Debuchy. Les cinq changements après la pause sont à peu près les mêmes qu’au match précédent, sauf que Pogba ne sort pas et que c’est Mangala qui supplée Sakho.

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Enfin, le 8 juin à Lille, Deschamps aligne sa défense-type, tente Sissoko en milieu droit à la place de Pogba et associe Benzema et Giroud en pointe. En deuxième mi-temps, il change ses trois joueurs offensifs, fait monter Sissoko d’un cran et teste Scheiderlin aux côtés de Mavuba et Pogba, Sagna suppléant Debuchy dans le couloir droit.

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Le plus étonnant, au Brésil, c’est que la composition des Bleus contre le Honduras est exactement la même que celle, trois semaines plus tard, à Rio face à l’Allemagne. Cette composition n’a jamais été alignée lors des trois matchs de compétition, même si le France-Norvège s’en est le plus approché.

Entre temps, Koscielny a remplacé plusieurs fois Sakho en cours de match, Sissoko a suppléé Pogba, Digne et Schneiderlin ont joué les utilités contre l’Equateur et Giroud a été associé deux fois à Benzema, partageant son temps de jeu avec Griezmann.

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2016 : à la recherche de la bonne formule

Deux amicaux seulement sont organisés au printemps 2016. Le 4 juin face au Cameroun, Deschamps a sa défense de l’Euro, compte tenu du forfait de Varane remplacé par Adil Rami. Au milieu, Lassana Diarra, qui sera bientôt forfait, est titulaire plutôt que N’Golo Kanté alors que Coman profite de la finale de Ligue des Champions qui mobilise Griezmann. Après la pause, quatre changements seulement sont effectués, avec Gignac en pointe, Cabaye et Kanté au milieu et Sissoko à droite.

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Le 10 juin contre l’Ecosse, c’est presque l’équipe du premier tour qui est alignée d’entrée, Coman débutant à la place de Griezmann. L’attaquant de l’Atlético rentre en deuxième période, comme cinq de ceux qui partent comme remplaçants potentiels : Digne à la place d’Evra, Cabaye pour Kanté, Sissoko pour Pogba, Gignac pour Giroud et Martial pour Payet.

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Lorsque l’Euro commence, face à la Roumanie, Adil Rami est associé à Laurent Koscielny en défense centrale, et N’Golo Kanté est placé en sentinelle devant eux. Un mois plus tard contre le Portugal, Samuel Umtiti occupe l’axe gauche de la défense centrale, Rami est retourné sur le banc, où il a rejoint Kanté. Moussa Sissoko est devenu entre temps le troisième homme du milieu de terrain, alors que Antoine Griezmann s’est replacé dans l’axe, derrière Giroud.

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2018 : hésitations dans les couloirs

Avec trois amicaux préparatoires à la Coupe du monde 2018, Didier Deschamps a le temps de tester différentes formules. Face à l’Irlande le 28 mai, c’est une équipe mixte qui est alignée avec Mandanda, Rami, Nzonzi, Tolisso et Fekir qui ne sont pas des titulaires potentiels. Pour les latéraux Sidibé et Mendy, il y a encore un doute, qui sera vite levé. Trois des six changements concernent d’ailleurs la défense, alors que le flanc droit est réorganisé avec les entrées de Pogba, Griezmann et Dembélé.

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Quatre jours plus tard à Nice contre l’Italie, Varane (qui a joué la finale de Ligue des Champions avec le Real) n’est toujours pas là, mais pour le reste on se rapproche d’une équipe-type, en tout cas de celle qui sera alignée contre l’Australie. Benjamin Mendy et Djibril Sidibé sont évincés des couloirs où Hernandez et Pavard s’installent durablement. En deuxième période, tout le secteur offensif est changé, ainsi que deux joueurs au milieu et un défenseur (Mendy).

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A une semaine de la Coupe du monde, face aux Etats-Unis à Lyon, Deschamps peaufine sa compo et touche presque au but : il remet au coup d’envoi Mendy et Sidibé, mais pour le reste, les neuf autres seront ceux qui débuteront la finale contre la Croatie un mois plus tard. Les six changements après la pause amèneront quatre des titulaires contre l’Australie (Pavard, Hernandez, Tolisso et Dembélé).

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Quand ils débutent le tournoi contre l’Australie, les Bleus jouent sans Matuidi et Giroud, auxquels ont été préférés Tolisso et Dembélé. C’est une erreur que Deschamps corrige en cours de match, même si ce sont Giroud et Fekir qui remplacent Dembélé et Griezmann à la 70e, Matuidi arrivant huit minutes plus tard pour Tolisso. C’est à la suite de ces changements que le tir de Pogba dévié par Behich a donné la victoire aux Bleus. Trois semaines plus tard face à la Croatie, l’équipe-type du tournoi est bien en place : c’est celle de France-Etats-Unis avec Pavard et Hernandez à la place de Sidibé et Mendy.

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2021 : un équilibre perdu

Le retour de Karim Benzema, annoncé le 18 mai, propulse la France au rang de grand favori de l’Euro, mais le temps manque pour intégrer le Madrilène dans le groupe des champions du monde, relativement stable depuis 2018 : Umtiti et Matuidi ne sont plus là, mais les neuf autres tiennent leur place. Olivier Giroud sera sacrifié, ce qui ne sera pas sans conséquence pour l’équilibre général de l’équipe et l’ambiance dans le groupe.

Le 2 juin contre le pays de Galles à Nice, alors que Giroud et Kanté sont absents car ils viennent de gagner la Ligue des Champions avec Chelsea, Deschamps aligne une quasi équipe-type avec Tolisso en sentinelle. En deuxième période, les cinq changements concernent les couloirs, a sec les entrées de Koudé, Digne, Sissoko et Dembélé alors que Ben Yedder remplace Griezmann en fin de match.

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Six jours après, face à la Bulgarie à Saint-Denis, Kanté est de retour mais Giroud débute sur le banc, alors que Tolisso complète le milieu de terrain. Deschamps n’est clairement pas dans l’expérimentation, même si les six changements de la deuxième mi-temps chamboulent le secteur offensif sans apporter d’enseignements clairs pour la suite. En tout cas, on est d’évidence dans un 4-3-3 relativement classique à ce moment-là.

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Quand débute le tournoi à Munich le 15 juin contre l’Allemagne, seul Rabiot a pris la place de Tolisso côté gauche du milieu de terrain. C’est une équipe sur la papier très proche de celle de 2018 (moins Umtiti, Matuidi et Giroud), mais avec un profil différent devant puisque Benzema n’évolue pas dans le même registre que l’avant-centre de Chelsea. Il va manquer un point d’appui aux Bleus devant, et surtout, les trois joueurs offensifs vont avoir tendance à évoluer dans la même zone, celle déjà occupée par Griezmann.

En huitièmes de finale contre la Suisse, alors que l’équipe de France a montré des limites inquiétantes face aux Hongrois et aux Portugais, le 3-4-3 de l’automne 2020 est de retour. Un peu par la force des choses, puisque Digne et Hernandez sont blessés, tout comme Dembélé devant. Mais Rabiot et Pavard n’ont pas le profil pour ça, Lenglet est hors de forme et les automatismes manquent partout, hormis à la rigueur dans l’axe avec le triangle Kanté-Pogba-Griezmann. Les Bleus ne jouent que par à-coups et s’inclinent aux tirs au but après avoir mené 3-1.

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2022 : les forfaits s’accumulent

Deux mois avant la Coupe du monde, Didier Deschamps compte bien utiliser les matchs face à l’Autriche, le 22 septembre, et au Danemark, le 25, pour préparer la compétition. Avec trois écueils majeurs : l’intervalle de temps, beaucoup trop long, le fait de rencontrer un futur adversaire du premier tour (le Danemark) et surtout une cascade de forfaits. Le sélectionneur est ainsi privé, jusqu’ 48h du coup d’envoi, de Hugo Lloris, Karim Benzema, N’Golo Kanté, Paul Pogba, Lucas et Théo Hernandez, Ibrahima Konaté et Kingsley Coman, autant dire au moins 6 titulaires potentiels et 8 joueurs qui pouvaient espérer aller au Qatar. Et qui iront, hormis Kanté et Pogba.

Cinq nouveaux, un chiffre aberrant en préparation d’une Coupe du monde, en profitent pour (essayer de) se faire une place : le gardien Alban Lafont, les défenseurs Benoît Badiashile et Adrien Truffert, le milieu Youssouf Fofana et l’attaquant Randal Kolo Muani. Les deux derniers obtiendront une place en Coupe du monde, tout comme Jordan Veretout, Dayot Upamecano et Eduardo Camavinga, que l’on n’avaient pas vu depuis longtemps. Et comme si ça ne suffisait pas, Maignan se blesse en première mi-temps.

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Trois jours plus tard Copenhague, le sélectionneur conserve son attaque Griezmann-Giroud-Mbappé, mais pour le reste, il place Camavinga au milieu plutôt que Fofana et remplace Clauss par Pavard en piston droit. En défense, Upamecano et Saliba succèdent à Koundé et Varane. Le résultat n’est pas bon du tout (défaite 0-2) et les cinq changements en seconde période n’y changeront rien. C’est suite à cet échec (le deuxième en trois mois contre les Danois, futurs adversaires au Qatar) que Deschamps va abandonner la défense à trois qu’il avait adoptée avec le retour de Benzema.

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Deux mois après ces vrais-faux matchs amicaux de préparation, il est temps de passer aux choses sérieuses, mais les forfaits sont toujours aussi nombreux : outre Kanté et Pogba, Deschamps doit se passer de Maignan, de Kimpembe et de Nkunku (pendant la préparation). Benzema semble se rétablir, mais il se blesse à nouveau à l’entraînement le 19 novembre, à trois jours du premier tour. A ce moment-là, objectivement, il ne reste plus grand monde pour croire à un parcours vainqueur des Bleus.

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Et, comme en 2021, l’équipe-type va bouger entre le premier match contre l’Australie le 22 novembre et la finale face à l’Argentine le 18 décembre. Par la force des choses : Varane n’est pas prêt pour l’ouverture et laisse sa place à Konaté, et les couloirs sont occupés par Pavard (à droite) et Lucas Hernandez (à gauche) dans un 4-3-3 plus offensif qu’en 2018. Mais le second se blesse sur la première occasion adverse, à la 8e minute, et doit sortir, remplacé par son frère Théo. On ne le reverra plus du tournoi. Le premier est remplacé par Koundé et ne sortira plus du banc. Pour le reste, le milieu (où Griezmann évolue en position plus basse) et l’attaque, avec Dembélé à droite, iront jusqu’au bout. On peut donc considérer que c’est au deuxième match, contre le Danemark le 26 novembre, que Deschamps aura trouvé son équipe-type.

Dans les années 1980, des matchs d’entraînement non-officiels

Il y a une trentaine d’années, les Bleus préparaient une Coupe du monde loin des caméras, contre des équipes de club ou non affiliées à la FIFA, pour des matchs d’entraînement qui ne comptaient pas pour une sélection et n’étaient pas répertoriés en tant que rencontre officielle. En 1982, ils avaient ainsi battu (petitement) deux fois le Andorra FC pendant leur stage d’altitude à Font-Romeu, 2-1 et 2-0, avant d’aller affronter la Real Sociedad à Saint-Sébastien (3-1).

En 1984, avant un amical officiel à Marseille contre l’Ecosse (2-0), les Bleus avaient à nouveau battu deux fois le FC Andorra (9-0 et 5-1) à Font Romeu et à Andorre. Enfin, en 1986, ils s’étaient préparés au Mexique, à Tlaxcala, contre le Guatemala (8-1), les U20 du Mexique (1-1) et les Pumas de la UNAM (0-2).

[1Le seul enjeu étant d’éviter la quatrième place du groupe pour ne pas descendre en Ligue B.

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