Sánchez-Pizjuán, un stade dans l’histoire des Bleus

Publié le 8 juillet 2020 - Richard Coudrais

C’est au stade Ramón Sánchez-Pizjuán à Séville que l’équipe de France a disputé son match le plus fou, le plus intense, le plus renversant, le plus injuste, le plus cruel de son histoire.

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Aujourd’hui, il suffit de dire « Séville » et on comprend. Inutile de préciser qu’il s’agit de la demi-finale de la Coupe du monde 1982, inutile de rappeler qu’elle opposait la France à l’Allemagne de l’Ouest.

Le nom seul de la ville andalouse nous ramène à cette terrible soirée du 8 juillet 1982, aux Bleus d’Hidalgo, à l’affreux Toni Schumacher, aux spasmes de Patrick Battiston, aux prolongations, à l’extraordinaire volée de Trésor, à la joie délirante d’Alain Giresse, au regard d’aigle de Rummenigge, au regard perdu de Maxime Bossis, aux sauts de cabri de Horst Hrubesch...

Il nous ramène aussi à cette pelouse inégale aux taches vertes plus sombres ou plus claires à certains endroits. Il nous ramène à ce stade aux tribunes très hautes qui s’arrêtent à quelques mètres des lignes du terrain, doté d’un panneau d’affichage rudimentaire (à la main) loin des appareils technologiques du Camp Nou ou de Santiago-Bernabéu.

On dit Séville, mais on devrait dire Sánchez-Pizjuán, car la capitale andalouse abrite plusieurs stades. Celui où s’est déroulé la demi-finale est le stade du FC Séville. L’autre est l’estadio Benito-Villamarin, où joue le Betis, le club rival.

Un stade andalou

Ramón Sánchez-Pizjuán Muñoz (1900-1956) fut le président du Sevilla Fútbol Club à partir de 1932 jusqu’à sa mort survenue en 1956. Le jeune avocat présida le club à l’époque des premiers titres, notamment la Coupe d’Espagne en 1935 puis 1939, avant le premier (et unique) titre de champion en 1946.

Depuis 1937, Ramón Sánchez-Pizjuán envisageait de faire construire un nouveau stade. Le club avait acquis un terrain du quartier Nervión juste à côté du premier stade devenu trop exigu pour un club désormais important à l’échelle nationale. Mais le projet mit beaucoup de temps à se concrétiser. Sánchez-Pizjuán lui-même passa à autre chose, quand il rejoignit la Fédération espagnole en 1941 pour occuper la vice-présidence.

Lorsqu’il revint à la tête du club sévillan en 1948, Sánchez-Pizjuán réactiva le projet de nouveau stade. Il parvint à ses fins en 1954 et confia la conception à l’architecte Manuel Muñoz Monasterio, le même qui avait oeuvré sur le nouveau stade Chamartin du Real Madrid, futur Santiago-Bernabéu.

Malheureusement, Sánchez-Pizjuán est mort en octobre 1956 et c’est son successeur qui posa la première pierre un mois et demi après sa disparition. Le stade fut inauguré le 7 septembre 1958. En 1974, des travaux sont entrepris pour monter un deuxième étage de tribunes, pourtant la capacité du stade à plus de 77 000 spectateurs.

Une rénovation complète est réalisée en vue de la Coupe du monde 1982 organisée en Espagne. Deux stades sont réquisitionnés pour l’occasion dans la capitale andalouse, le Benito-Villamarin du Betis (50 000 places) et le Sánchez-Pizjuán qui reste plus grand malgré la réduction de sa capacité à 68 110 places.

Rinat Dasaev et Helmut Ducadam y ont brillé

Séville abrite quatre rencontres du Mundial 1982, deux dans chaque stade, mais on peut dire qu’elle a été gâtée. Outre le RFA-France du 8 juillet, la capitale andalouse est aussi le théâtre des trois matches du premier tour de l’équipe du Brésil. Le magnifique Brésil-URSS a eu lieu à Sánchez-Pizjuán. Ce match, sans doute le plus beau du premier tour, a révélé l’extraordinaire gardien soviétique Rinat Dasaev… que l’on retrouvera dans les cages du FC Séville entre 1988 et 1991.

Les tirs au but de Sánchez-Pizjuán sont devenus un souvenir très douloureux pour le foot français. Mais c’est aussi le cas du côté de Barcelone. En 1986, le stade du FC Séville accueille pour la seule fois de son histoire la finale de la Coupe des Clubs Champions. Le Barça s’incline face au Steaua Bucarest et son diabolique gardien Helmut Ducadam qui arrête tous les tirs catalans !

L’équipe d’Espagne vient souvent jouer à Séville, où elle reçoit un soutien populaire plus important qu’à Madrid ou Barcelone. Sur les 46 matchs qu’elle a disputé à Séville, 25 se sont déroulées à Sánchez-Pizjuán. La Roja n’en a perdu aucun (20 victoires et 5 matchs nuls).

En août 2007, un joueur du FC Séville, le jeune Antonio Puerta est transporté à l’hôpital après avoir fait un arrêt cardiaque pendant une rencontre de championnat. Il décédera trois jours plus tard.

En 1998, Sánchez-Pizjuán a baissé sa capacité à 45 000 places. En 2015, une nouvelle rénovation porte cette capacité à 42 714. Trois ans plus tard, de nouveaux travaux permettent de gagner 6 000 sièges supplémentaires. Le stade Sánchez-Pizjuán a aujourd’hui une capacité de 48 000 places. Il devrait accueillir la finale de la Ligue Europa en mai 2021.

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L’équipe de France à Séville

L’équipe de France n’a au cours de son histoire joué qu’en trois occasions à Séville. Et à chaque fois, dans un stade différent.

Quarante ans avant Sanchez-Pizjuan, les hommes de Gaston Barreau se sont rendu dans la capitale andalouse pour un match contre l’Espagne. La rencontre a lieu le 15 mars 1942 à l’Estadio Nervión, l’ancien stade du FC Séville. L’équipe avait été composée dans le contexte particulier du régime de Vichy. Une semaine après une rencontre perdue face à la Suisse à Marseille, les Tricolores sont largement dominés par la furia roja qui l’emporte 4-0. On reprochera aux Tricolores une attitude plus proche du touriste que du footballeur professionnel.

Neuf ans et demi après France-RFA, l’équipe de France est de retour à Séville. Elle vient y chercher face à l’Espagne le dernier point qui la qualifiera pour l’Euro 1992. Le match a lieu à Benito-Villamarin et les Français l’emportent 2-1, le score ayant été ouvert par Luis Fernandez, le plus andalou des internationaux français : le Parisien est né à Tarifa, la ville la plus au sud de l’Espagne, à quelques 200 km de Séville. Le sélectionneur de cette équipe de France est Michel Platini et le capitaine Manuel Amoros, celui-ci devenant le seul international tricolore à avoir joué deux fois à Séville avec les Bleus.

Il reste encore à ce jour à l’équipe de France un dernier stade sévillan à visiter, le stade Estadio de La Cartuja, construit en 1999 dans la perspective de Jeux olympiques organisés dans la cité andalouse (qui n’auront jamais lieu). Ce stade olympique sans club résidant de 57 619 places accueille des rencontres de l’équipe d’Espagne et a abrité en 2003 la finale de Coupe UEFA qui a vu la victoire du FC Porto face au Celtic FC.

datestadegenreadversairescoreaffluence
15/03/1942 Estadio Nervión Match amical Espagne 0-4 40 000
8/07/1982 Sánchez-Pizjuán Demi-finale
Coupe du Monde
RFA 3-3 (tab : 4-5) 70 000
12/10/1991 Benito-Villamarin Eliminatoires Euro Espagne 2-1 20 000


 

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