17 juin 1986 : France-Italie

Publié le 2 février 2021 - Bruno Colombari

Inutile d’aller très vite sur la pelouse du stade olympique de Mexico, il suffit de partir à point : avec deux buts inscrits au début de chaque mi-temps, l’équipe de France maîtrise une Italie dépassée puis résignée et file en quart de finale, direction Guadalajara.

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Le contexte

Le champion du monde en titre contre le champion d’Europe : c’est une affiche aux allures de demi-finale qui s’annonce dans le stade olympique de Mexico bien peu adaptées au football. Si les Bleus ont mis trois mi-temps avant d’entrer pour de bon dans leur Coupe du monde, les Italiens n’ont convaincu personne après deux nuls (Bulgarie, 1-1 et Argentine, 1-1) et une courte victoire contre la Corée du Sud (3-2). Leur gardien Giovanni Galli est montré du doigt pour ses interventions approximatives, leur capitaine Gaetano Sciera a 33 ans, les héros de 1982 Marco Tardelli et Paolo Rossi sont sur le banc (ils ne joueront pas la moindre minute, tout comme un certain Carlo Ancelotti) et leur milieu de terrain (Bagni, Baresi, De Napoli) n’est pas impressionnant. Le seul joueur qui semble au niveau mondial est Alessandro Altobelli, qui fait les beaux jours de l’Inter et qui martyrise les défenses adverses au Mexique (voir plus bas, L’adversaire à surveiller).

Côté Français, si le tableau himalayesque qui s’annonce (Italie, puis Brésil, puis RFA) fait un peu peur, on n’est pas fâché d’éviter les Danois et de ne pas croiser la route de Maradona avant la finale. Henri Michel s’est décidé à écarter Papin et à associer Rocheteau et Stopyra devant, le reste de l’équipe ne bougeant pas par rapport au premier tour avec Ayache à droite, Bossis et Battiston dans l’axe, Amoros à gauche et le milieu de l’Euro 84 avec Fernandez et Tigana en couverture de Platini et Giresse.

L’objectif des Français est simple : passer pour continuer l’aventure, et éviter les prolongations, contrairement aux demi-finales de Séville et de Marseille. Le scénario idéal pour eux serait une victoire sèche comme face à l’Espagne en finale de l’Euro, quitte à sacrifier la manière.

Si le passé des confrontations franco-italiennes penchent largement en leur défaveur (6 victoires pour 17 défaites, dont deux en Coupe du monde en 1938 et 1978), les Bleus ne sont plus impressionnés par la Squadra depuis leur belle victoire (la première depuis 62 ans) en février 1982 au Parc des Princes.

Le match

Pour la troisième fois en quatre matchs dans cette Coupe du monde, les Français jouent en blanc, short bleu et chaussettes blanches, la tenue qui leur avait si bien réussi contre la Belgique à l’Euro 1984.

Les Italiens engagent et confisquent le ballon. Alors que la première minute n’est pas terminée, ils obtiennent un coup franc à 25 mètres des buts de Bats. Conti le tire bizarrement en force et à terre, sans conséquences. Le match commence lentement, à cause de la chaleur étouffante sur Mexico, et l’altitude évidemment (2400 mètres). Heureusement, le temps couvert limite les effets d’un soleil brûlant. A la 7e, première alerte française : Platini sert Giresse en profondeur qui en se retournant trouve Rocheteau, lequel perd son duel contre Bergomi dans la surface.

Platini décroche pour armer des passes à longue portée
Le jeu français semble plus vertical, plus direct que celui des Italiens. Les hommes de Michel jouent avec deux pointes, Rocheteau et Stopyra, sans véritable ailier, contre les trois centraux italiens que sont Bergomi, Scirea et Vierchowod. Platini touche les ballons très bas, dans ses quarante mètres, d’abord pour échapper au marquage de Bagni et Bergomi, et pour pouvoir armer des passes à longue portée à destination de ses deux pointes.

Les Italiens tentent à nouveau de frapper de loin, sur un coup franc à trente mètres de Cabrini qui finit dans les gants de Bats (13e). Et juste après, sur un ballon perdu par Baresi, les Français frappent la Squadra avec ses propres armes, le contre éclair impliquant un défenseur (Amoros), un milieu défensif (Fernandez), un attaquant (Rocheteau) et à la conclusion le meilleur buteur de l’équipe (Platini).

Refroidir les velléités italiennes
Peut-on dire d’un huitième de finale de Coupe du monde qu’il est plié à 75 minutes de la fin ? Sans doute pas, mais les coéquipiers de Scirea ont pris un grand coup sur la tête et on voit mal comment ils vont pouvoir revenir. Ils multiplient les corners et sur l’un d’eux (19e), le ballon traîne dans la surface, est frappé par Baresi, arrive sur Galderisi dont le tir est sorti par Fernandez alors que Bats était à terre. Attention. Un coup franc de Conti à 23 mètres est repoussé par le mur.

L’urgence est de refroidir les velléités italiennes et d’éviter une égalisation rapide. Un tir de Fernandez à 25 mètres frôle le poteau de Galli qui rade à plonger. Le milieu des Français prend le dessus sur celui de l’Italie, Giresse et Tigana combinent bien alors qu’on voit très peu Stopyra. C’est alors qu’une ouverture de Giresse pour Ayache côté droit revient immédiatement à Stopyra, arrêté irrégulièrement par Scirea aux abords de la surface (27e) alors qu’il était passé grâce à un coup du sombrero. Coup franc côté gauche que Platini frappe tendu, Galli détourne. Juste après, Fernandez pas attaqué dans l’axe arme une frappe lourde à trente mètres qui fracasse la transversale. C’était l’occasion du break définitif.

Hormis un centre de Conti repris de la tête au-dessus par Cabrini, les Italiens n’y sont pas. Battus dans les duels, en infériorité numérique dans toutes les zones, ils n’ont pas de solution et voient le chrono tourner inexorablement. Mais sur un pied haut contre Conti, Ayache prend un jaune qui lui coûtera une place en quart de finale contre le Brésil, ce qui aura des conséquences importantes, on le verra. Après une dernière occasion avortée Giresse-Rocheteau-Giresse, la mi-temps arrive sur un score plutôt flatteur pour la Squadra qui n’a quasiment jamais vu le jour.

Di Gennaro a remplacé Baresi au milieu, histoire de donner plus de technique à l’entrejeu italien. Mais ce sont encore les Blancs qui sont les plus dangereux, avec une attaque qui se déploie sur toute la largeur par Giresse puis Ayache qui trouve Platini, lequel bénéficie d’un contre, entre dans la surface et tente un pointu pas cadré (51e). Dans la foulée, un centre d’Amoros trouve Platini dos au but qui remet à Giresse dont le tir est trop croisé. Puis Tigana sert Giresse qui efface Vierchowod et se fait attraper dans la surface par Cabrini. Pas de faute, dit l’arbitre.

Tigana-Rocheteau-Stopyra, action d’école
On est plus près du 2-0 que du 1-1, tellement près que le deuxième but français va arriver. Comme le premier : récupération basse devant la surface française par Bossis qui sert Platini lequel remet pour Fernandez qui ouvre sur Rocheteau. Ce dernier élimine Bagni en se retournant, donne à Tigana qui perce pendant que Rocheteau lui ouvre l’espace d’une course croisée. Tigana centre du gauche pour Rocheteau au point de pénalty qui s’appuie sur Cabrini, contrôle, se retourne et glisse derrière lui pour Stopyra dont la frappe extérieur droit à sept mètres fait mouche. 2-0, merci d’être venus.

Bearzot sort Galderisi (absolument transparent) pour Gianluca Vialli, 21 ans. Pendant ce temps, Amoros sort un ballon italien et part en contre, lancé par Fernandez à longue distance. Mais le défenseur gauche qui dépose Sciera à la course manque de lucidité au moment de frapper (59e). De très compliquée, la mission devient carrément impossible alors que les Français s’amusent. Ils ne seraient pas contre un petit 3-0, histoire de marquer les esprits. Fernandez tente une volée du gauche sur un centre de Platini (68e), dans les nuages. Il laisse sa place à Tusseau avant le dernier quart d’heure : il est temps de s’économiser dans la perspective du quart de finale.

Tigana hérite du brassard pour les six dernières minutes
C’est dans cette perspective, et alors que Bernard Père au commentaire parle de déboucher les bouteilles de champagne (contre des Italiens !), que Henri Michel sort Platini pour Ferreri (84e) afin de préserver son Ballon d’or. Tigana hérite du brassard pour six minutes. Et la dernière occasion est pour Ferreri, à la suite d’un relais avec Giresse, sa frappe croisée touchée par Galli roulant à côté du poteau italien (88e). C’est fini, sans stress et avec une maîtrise impressionnante, celle qu’on retrouvera par exemple contre l’Uruguay en 2018.

L’action souvenir

Le but de Platini. Alors que le match a débuté pianissimo et qu’aucune occasion franche n’est arrivée, Amoros prend le ballon dans les pieds de Baresi et sert Fernandez qui avance, franchit le rond central, temporise, trouve Rocheteau à 25 mètres des cages italiennes. Sans contrôle, et en pivotant, Rocheteau sert Platini qui arrive lancé dans le dos de Cabrini. Platoche s’emmène le ballon dans la surface, attend la sortie de Galli et pique le ballon au-dessus de la main droite du gardien italien. 1-0, KO parfait et quarantième but de l’artiste. Contre la Hongrie, le dernier but avait été signé Rocheteau sur une passe décisive de Platini, là c’est l’inverse.

Le Bleu du match : Dominique Rocheteau

C’est lui qui allume la première mèche française à la 7e en percutant dans la surface, et c’est encore lui qui sert parfaitement Platini, lancé dans son dos, par une remise en pivot en forme de passe décisive. La deuxième après celle pour Tigana contre la Hongrie. Un but, deux passes décisives rien que sur un bout de match et un quart d’heure de jeu. L’Euro 84 est oublié. Juste avant la mi-temps, il manque d’un rien trouver Giresse en une-deux dans la surface italienne d’une talonnade subtile. Et c’est encore lui qui est à l’origine et à la conclusion du deuxième but, où il sert Stopyra après avoir lancé Tigana en contre.

L’adversaire à surveiller : Alessandro Altobelli

S’il a été un peu éclipsé par les performances de Zoff, Scirea, Tardelli, Conti ou Rossi en 1982, il faut se souvenir que c’est lui qui a marqué le dernier but italien en finale contre la RFA. Et au Mexique, il enchaîne, devenant le premier buteur de la compétition face à la Bulgarie (1-1), ouvrant le score sur pénalty contre l’Argentine (1-1) et marquant deux des trois buts contre la Corée du Sud, le dernier étant attribué rétrospectivement par la FIFA au Coréen Cho alors qu’il pensait en être l’auteur. Autant dire, les cinq buts italiens sont pour lui. Si ce n’est pas un Mondial à la Rossi, ça commence à y ressembler. C’est pourquoi Henri Michel demande à Max Bossis de s’occuper du confrère, à l’ancienne.

Mais c’est Ayache qui le tacle sauvagement dans l’axe à la 12e, une faute qui aurait mérité un carton. On ne le voit plus beaucoup en première période, hormis sur la seule occasion italienne où il rabat de la tête le corner de Bagni. En deuxième mi-temps, il peste de plus en plus contre l’arbitre, la défense française, ses coéquipiers et le sort contraire. Il sent bien que le match lui échappe. Les rares fois où le ballon lui arrive, Bossis est sur lui, ou Amoros, ou Battiston. Un dernier duel de la tête avec Bossis près de la ligne de sortie de but, et il est temps de plier bagage. On le reverra à l’Euro 88, où il jouera la demi-finale contre l’URSS, perdue elle aussi 0-2.

La fin de l’histoire

Quatre jours plus tard, c’est le monumental France-Brésil de Guadalajara qui attend les Bleus. Trop près, trop tôt, pour des Bleus qui jetteront tout dans la bataille et se feront ramasser à la petite cuillère par des Allemands réalistes en demi-finale.

Les Italiens, déjà éliminés, attendront longtemps leur revanche. Ils l’aimeraient à domicile, en 1990, mais les Français dirigés par Platini n’y sont pas. En 1994, toujours pas de France aux Etats-Unis, et une finale inespérée et stérile perdue contre le Brésil de Romario. Elle arrivera finalement en 1998, au Stade de France, et la Squadra passera à quelques centimètres d’un braquage en règle, mais la volée de Baggio ne se transformera pas en but en or. Il faudra attendre vingt ans pour que sur la pelouse de Berlin la vengeance, bien tardive, soit enfin consommée au terme d’une soirée marquée par les têtes de MM (Marco Materazzi) et ZZ (Zinédine Zidane).

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