Mise à jour d’un article initialement paru en avril 2017.
Jusqu’à l’été 2017, il n’y avait pas photo : les performances et le palmarès de Fabien Barthez en sélection (une Coupe du monde, un Euro, une coupe des Confédérations, plus une finale mondiale perdue) et en club (une Ligue des Champions, trois titres de champion de France et deux titres de champion d’Angleterre) étaient largement supérieurs à ceux de Hugo Lloris.
Depuis, la donne a changé. Lloris a rejoint puis largement dépassé le record de 87 sélections (pour un gardien) détenu par son aîné depuis 2006, et il a remporté la Coupe du monde avec les Bleus en Russie, en ayant l’honneur de soulever en premier le trophée grâce à son statut de capitaine. il a ensuite remporté la Ligue des Nations 2021, et compte aussi deux finales perdues, celle de l’Euro 2016 et celle de la Coupe du monde 2022. Avec 145 capes, il est a fait tomber le record vieux de 14 ans de Lilian Thuram.
Pour le reste, les performances de Fabien Barthez en sélection restent encore au-dessus, qu’elles soient collectives ou individuelles. Avec une moyenne de buts encaissés par match largement inférieure (0,55 contre 0,83) et une durée d’invincibilité incomparable (8 matchs contre 5), le champion du monde 1998 fait partout mieux que celui de 2018. Hormis au nombre de matchs sans but encaissé (51 contre 63, mais avec 58 sélections de moins), au nombre de sélections et à l’assiduité (qui tient compte du nombre de matchs manqués entre le début et la fin de la carrière internationale). Lloris n’a été absent que lors d’un match sur cinq en moyenne (41 sur 186 possibles), contre près d’un match sur deux pour Barthez.
Les graphes ci-dessous permettent de lisser les bilans pour tenir compte de la différence d’apparitions en équipe de France. Sur le premier, qui dresse un bilan général, on voit que Lloris a gagné 60% de ses matchs en Bleus, pour environ 16% de défaites. C’est moins bien que Barthez, qui compte 70% de victoires pour seulement 8% de défaites. Sachant que si un gardien ne peut évidemment pas gagner un match à lui tout seul, il peut éviter une défaite ou préserver un succès étriqué.
En ne regardant que les matches qui comptent, à savoir ceux en compétition, les proportions sont quasiment les mêmes, avec un peu moins de victoires pour Barthez (65%) et un peu plus de nuls, alors que Lloris obtient des pourcentages un peu meilleurs (63% de victoires, 13% de défaites).
Le champion du monde 1998 n’a été battu qu’à quatre reprises en compétition : contre la Russie en juin 1999 (2-3), face au Sénégal puis au Danemark en 2002 et contre la Grèce en 2004. Lloris s’est incliné treize fois.
Si on se restreint aux matches de compétition les plus importants, à savoir ceux en phase finale, deux choses sautent aux yeux : Barthez en a joué 28 entre 1998 et 2006 [1] contre 35 pour son cadet, et il n’en a perdu que trois (deux au Mondial 2002, on l’a vu plus haut, et le quart de finale de l’Euro 2004). Lloris s’est incliné six fois en cinq phases finales : face au Mexique et à l’Afrique du Sud en 2010, contre la Suède et l’Espagne en 2012, face à l’Allemagne en 2014 et contre le Portugal en 2016. La Coupe du monde 2018 est la première où il termine invaincu. il a réédité cette performance à l’Euro 2020 et à la Coupe du monde 2022, même s’il s’est incliné les deux fois à l’issue d’une séance de tirs au but.
Mais son nombre de buts encaissés est bien supérieur : 36 contre seulement 18 pour Barthez. Ce dernier a réussi 12 clean sheets (matchs sans but encaissé) en 28 rencontres de phases finales, contre 13 pour Lloris (en 35 matchs, donc). Sur ce registre, les deux gardiens sont à peu près aussi performants, Barthez encaissant moins de buts que son cadets sur les autres matchs.
Barthez ne craint pas les prolongations
Fabien Barthez est invaincu en prolongations. Il en a joué six (Paraguay et Italie 1998, Portugal et Italie 2000, Cameroun 2003 et Italie 2006) et n’en a perdu aucune. Mieux : il n’a encaissé aucun but alors que la règle du but en or s’est appliquée pour les cinq premières.
L’expérience de Hugo Lloris est moindre. Il n’a joué que quatre prolongations, et s’il n’a pas encaissé de buts lors de la première (face à l’Irlande en barrages 2009) et de la troisième (Suisse, 2021), il s’est incliné sur un tir lointain d’Eder à la seconde, contre le Portugal en 2016 et sur une reprise de près de Messi face à l’Argentine en 2022. Autrement dit, il a toujours perdu lorsqu’il a disputé une prolongation.
Enfin, si Hugo Lloris a perdu deux séances de tirs au but en sélection (sur deux jouées, dix tirs concédés), Fabien Barthez en a joué trois. En 1998 contre l’Italie, il a arrêté la tentative d’Albertini et a été suppléé par sa transversale sur celle de Di Biagio. En 2000 contre le Japon au tournoi Hassan-II, il n’est pas malheureux non plus : Inamoto trouve le poteau et Nanami échoue sur la barre. La réussite le fuira la troisième fois, lors de son ultime sélection à Berlin contre l’Italie en 2006. Il n’arrêtera aucun des cinq tirs au but transalpins.
Les pénos, ce n’est pas leur truc
Ni l’un ni l’autre ne sont des spécialistes des penalties. Fabien Barthez en a négocié dix en cours de match avec les Bleus. Il en a encaissé huit. Le neuvième, Raul l’a mis au dessus à la dernière minute de France-Espagne en quart de finale de l’Euro 2000. Et le dixième est aussi le seul qu’il a arrêté, contre David Beckham à Lisbonne pour l’Euro 2004.
Le bilan de Hugo Lloris est encore moins bon. Le capitaine de l’équipe de France a subit 25 pénalties depuis 2009. Il en a arrêté trois, un autre a été frappé à côté. Le premier était l’œuvre du Biélorusse Serguei Kornilenko en septembre 2012, mais Putilo avait suivi et marqué (dans ce cas, le but n’est pas inscrit sur penalty). Un mois plus tard à Madrid, il avait sorti la frappe de Fabregas alors que l’Espagne menait 1-0. Enfin, il a capté le tir du Suisse Roberto Rodriguez en 2021, et Harry Kane n’a pas frappé sa deuxième tentative avec l’Angleterre en 2022. Pour être complet, Lloris avait arrêté le pénalty de Lewandowski contre la Pologne quatre jours plus tôt, mais ce dernier avait pu retirer après que l’arbitre ait annulé sa tentative. Après avoir concédé trois pénalties en 2016, trois en 2017 et encore quatre en 2018, il en a subi un en 2019, aucun en 2020, trois en 2021 et quatre autres en 2022.
Influence dans le jeu : avantage Barthez
Capitaine très précoce et recordman du brassard (121 fois), Hugo Lloris n’a paradoxalement eu que peu d’influence sur le jeu. Sur le terrain, on le voyait assez peu interpeller ses joueurs (hormis ses défenseurs). Son influence se déploie plutôt hors champ, où elle est difficile à mesurer. Mais ses deux brillantes phases finales, à l’Euro et à la Coupe du monde, lui ont fait passer un cap.
Très rarement capitaine (5 fois, dont une pour dix minutes en fin de finale 2006), Fabien Barthez était très présent dans le jeu. Sa décontraction et sa capacité à rester concentré rassurait sa défense. Il savait aussi prendre le dessus sur un attaquant, notamment dans les un contre un.
Technique : Lloris meilleur sur sa ligne, Barthez loin de ses cages
Remarquable sur sa ligne, où il a réalisé souvent des sauvetages spectaculaires (notamment à l’Euro 2016 contre la Roumanie et l’Allemagne et à la Coupe du monde 2018, à chaque match, ou plus récemment contre l’Allemagne à l’Euro 2020, face à la Belgique et l’Espagne en Ligue des Nations 2021 et contre l’Angleterre en 2022), Lloris était également efficace sur les sorties aériennes (hormis une erreur en 2010 contre l’Afrique du Sud sur corner) grâce à son envergure. Ses sorties hors de la surface (notamment de la tête) étaient généralement maîtrisées, mais il n’a quasiment jamais eu de un contre un à devoir gérer. Son jeu au pied était par contre largement défaillant : la plupart de ses dégagements finissaient dans les pieds adverses ou en touche.
Barthez était bon sur les sorties aériennes malgré une envergure moyenne (1,83 m) et un gabarit plutôt trapu, mais plus vulnérable sur sa ligne, notamment sur des têtes adverses (Lampard 2004, Charisteas 2004, Materazzi 2006). Il était excellent dans les duels loin de ses buts (contre Chevtchenko en 1999), capable de jouer en avançant pour fermer les angles de tir, très dynamique dans sa surface.