Les scénarios des prolongations (3/3) : quand personne ne marque

Publié le 16 avril 2024 - Bruno Colombari

Il arrive que la demi-heure de prolongations ne serve à rien, et mène tout droit à la séance de tirs au but sans qu’aucune des deux équipes ne marque. C’est arrivé six fois depuis 1934 pour l’équipe de France, avec au bout trois victoires et trois défaites.

Lire aussi Les scénarios des prolongations (1/3) : quand la France marque en premier et Les scénarios des prolongations (2/3) : quand l’adversaire marque en premier
9 minutes de lecture

France-Brésil, 21 juin 1986 : un changement français, un changement brésilien

Remplacement pour la France : Bruno Bellone (99e, pour Dominique Rocheteau). Pour le Brésil : Silas (91e, pour Junior). Victoire de la France aux tirs au but (5-4).

Après 90 minutes splendides dans un Jalisco baigné de soleil tropical (le match a débuté à midi), Français et Brésiliens n’ont pu se départager (1-1) malgré de nombreuses occasions des deux côtés. Platini joue sans protège-tibias, les chaussettes baissées, comme Fernandez ou Socrates (ce qui n’est plus possible aujourd’hui). Le rythme est forcément retombé, les mouvements sont lents, personne ne veut se découvrir inconsidérément. L’apport des trois remplaçants entrés dans le temps réglementaire (Zico, Silas et Ferreri) n’est pas très visible. Et c’est Rocheteau qui place une première banderille à la 94e quand une série de dribbles lui ouvre l’accès du but, mais il est contré au moment de frapper par Julio Cesar. Le ballon revient sur Stopyra dont la frappe rasante est détournée en corner par Branco. Double occasion !

Rocheteau, qui a fait un match remarquable, est remplacé par Bellone à la 99e. Il n’y aura plus de changements. Les Brésiliens vont à leur rythme, mais une frappe d’Elzo laissé libre à vingt mètres frôle la transversale de Bats (99e). Careca sert Silas, dont le tir de vingt-cinq mètres est un peu trop enlevé (103e). Juste après, Zico trouve un intervalle dans la surface française pour servir Silas qui contourne Bats mais ne peut conclure.

Socrates n’avance plus, mais sa haute taille peut encore semer la panique dans la surface quand il coupe un centre de Silas, à dix mètres de Bats qui trouve encore moyen de bloquer (105e). Le dernier quart d’heure commence. Amoros s’offre un petit pont sur Socrates devant sa propre surface et Ferreri gâche un contre avec Stopyra. Les Bleus souffrent, les Brésiliens en profitent pour se montrer à nouveau dangereux comme sur un tir d’Alemao détourné en corner par Bats.

C’est le début d’une séquence démentielle, après deux heures de jeu en plein soleil à une altitude de station de ski. Il reste cinq minutes. Corner pour le Brésil. Edinho et Zico le jouent à deux. Centre de Zico, claqué par Bats qui trouve Ferreri côté droit. Ce dernier sert Platini dans l’axe, un peu avant le rond central. Le capitaine français a vu partir Bellone qui n’est pas hors jeu car il part de son camp, et le sert d’une somptueuse passe laser dans la course. Bellone récupère le ballon à 40 mètres et devant lui, il n’y a plus personne hormis le gardien Carlos. Ce dernier sort de sa surface et agrippe le maillot de Bellone qui a choisi de le contourner par la gauche.

La faute est évidente mais Bellone résiste, continue, perd l’équilibre, se redresse et c’est trop tard, Josimar est revenu et lui enlève le ballon. Pendant que les Français protestent auprès de Ioan Igna qui a laissé l’avantage, Josimar sent le bon coup, accélère, trouve Silas le long de la touche. Ce dernier sert Careca qui déborde Battiston d’un ultime coup de rein et centre fort devant le but. Au second poteau, Socrates est tout seul mais le ballon lui arrive derrière le pied d’appui. Il le manque de quelques centimètres. C’est l’ultime étincelle dans le jeu, même si Fernandez tente une transformation qui passe largement au-dessus de Carlos (119e).

Aux tirs au but, l’équipe de France s’impose 4-3 et se qualifie pour les demi-finales de la Coupe du monde, où elle retrouvera la RFA, vainqueur du Mexique aux tirs au but également.

Pays-Bas-France, 22 juin 1996 : aucun remplacement, but en or appliqué

Victoire de la France aux tirs au but (5-4).

A Liverpool, devant des tribunes latérales peu garnies, le quart de finale de l’Euro anglais est la première prolongation jouée par l’équipe de France qui peut se terminer au but en or. On ne peut pas dire que la nouvelle règle favorise le spectacle, bien au contraire. Déjà bien verrouillée dans le temps réglementaire, hormis une main de Desailly dans la surface sur laquelle l’arbitre accorde un coup-franc, juste à l’extérieur, frappé par Cocu et dévié par Blanc sur le poteau de Lama, a rencontre est cadenassée pendant les trente minutes supplémentaires.

Défenses solides contre attaques inoffensives, avec la volonté de ne surtout pas encaisser un but qui mettrait fin au match, rien ne se passe. Tout juste peut-on relever un centre de De Boer repris de volée dans les nuages par Kluivert (93e). Pedros, entré à la place de Loko, ne trouve ni Zidane ni Djorkaeff, et le manque de présence d’un attaquant de pointe dans la surface est flagrant. Raynald Pedros a remplacé dix minutes avant la fin du temps réglementaire Christophe Dugarry (lui-même ayant succédé 18 minutes plus tôt à Patrice Loko), mais Aimé Jacquet n’utilise pas le troisième remplacement auquel il a pourtant droit. Mais sur le banc, il ne reste que Madar…

L’étincelle aurait pu venir de Zidane à la 105e, quand, dans la surface et serré de près par deux défenseurs, le Bordelais trouve Djorkaeff qui bute sur Van der Sar. Dans le dernier quart d’heure, chaque minute écoulée rapproche les deux équipes de la séance de tirs au but. Les passes latérales sans risque se multiplient, les fautes aussi car elles permettent de casser le jeu et de se replier. Bernard Lama capte un centre aérien de Winston Bogarde (108e) et les Néerlandais obtiennent un coup franc dans l’axe pour une légère faute de Blanc sur Mulder. Sans conséquence. Un changement d’aile de Pedros trouve Djorkaeff dont la frappe tendue est captée par Van der Sar (110e). Un contre français avec une percée plein axe de Djorkaeff relayé par Zidane est stoppée irrégulièrement par Dirk Bogarde dans l’arc de cercle. Le coup franc est à distance platinienne, mais Djorkkaeff n’est pas Platini et sa frappe enroulée survole la transversale (113e). Un dernier tir de Zidane, non cadré, vient conclure des prolongations sans idée (119e).

Aux tirs au but, l’équipe de France s’impose 5-4 et se qualifie pour les demi-finales de l’Euro.

République tchèque-France, 26 juin 1996 : aucun remplacement, but en or appliqué

Victoire de la République tchèque aux tirs au but (6-5)

Cette équipe de France-là, qui n’a pas perdu le moindre match depuis février 1994 et les débuts du mandat d’Aimé Jacquet, n’est pas non plus des plus décisives. Et après le 0-0 contre les Pays-Bas en quarts, privés de Deschamps (forfait) et Karembeu (suspendu) au milieu, les Bleus passent complètement à côté de leur demi-finale européenne contre une équipe tchèque coriace. Seul un tir de Youri Djorkaeff sur la barre à l’heure de jeu (il n’y a eu aucune frappe cadrée côté français) fait passer un léger frisson dans les tribunes très clairsemées d’Old Trafford.

Raynald Pedros a remplacé Sabri Lamouchi à la 63e, alors que Jocelyn Angloma a pris la place de Lilian Thuram à la 83e. Encore une fois, alors qu’il a la possibilité d’un troisième changement, Aimé Jacquet n’en profite pas. Un tir de Zidane, pas très puissant, est capté près du poteau par Kouba (94e) est sur l’action suivante, une frappe rasante de Kubik finit dans les bras de Kouba.

Les rares accélérations françaises sont stoppées irrégulièrement, comme par Kubik à la 98e, qui donne un bon coup franc à Djorkaeff qui cherche Blanc au second poteau, trop court. De l’autre côté, Pobosky est bloqué au sol par Guérin. Côté tchèque, Patrik Berger est le seul à faire des différences dans la défense française, qui ne panique pas à la 103e et dégage en corner.

Déjà pas rapide dans le premier quart d’heure, le rythme ralentit encore. On en est à bientôt quatre heures au pain sec et à l’eau, et il faut être vraiment motivé pour ne pas s’assoupir devant la bouillie de football proposée par les deux équipes. A la 21e, Lizarazu, Pedros et Djorkaeff sont bousculés à l’entrée de la surface tchèque, sans obtenir ce qu’ils cherchent. Puis un centre tendu de Pedros est enleva par Kouba devant Loko (24e). A la 26e, un tir de Djorkaeff est contré par le bras de Rada. Aujourd’hui, avec la VAR, le pénalty serait indiscutable. L’arbitre Leslie Mottram ne bronche pas. Les Tchèques se contentent d’éteindre les flammèches françaises et de garder le plus possible le ballon. A la 28e, un coup franc de Djorkaeff à 30 mètres est à peine touché par Blanc au second poteau. Comme d’habitude…

Aux tirs au but, la République tchèque s’impose 6-5 et se qualifie pour la finale de l’Euro, qu’elle perdra contre l’Allemagne... au but en or.

Italie-France, 3 juillet 1998 : un remplacement italien, but en or appliqué

Remplacement : Angelo Di Livio (93e, pour Gianluca Pessoto). Victoire de la France aux tirs au but (5-4)

Pour la quatrième fois d’affilée depuis le quart de finale de l’Euro 1996, l’équipe de France termine le temps réglementaire d’un match à élimination directe sur le score de 0-0. Les deux premières se sont terminées aux tirs au but, la troisième au but en or. Car désormais, le premier qui marque a gagné. Autant dire qu’il ne faut pas trop se découvrir et essayer de pousser les actions jusqu’au bout. C’est Lizarazu qui se crée la première demi occasion au terme d’une percée rageuse plein axe relayée par un appui sur Trezeguet, mais il bute sur Cannavaro dans la surface. C’est encore lui qui pousse côté gauche, crochète vers l’intérieur et frappe, du droit malheureusement (101e).

Lire l’article 3 juillet 1998 : France-Italie


C’est alors qu’arrive la balle de match, et elle est italienne. Côté droit, Albertini lance Baggio dans la surface entre Blanc et Desailly. L’Italien frappe sans contrôle alors que Barthez perd ses appuis en reculant et se retrouve sur les fesses. Le ballon longe la cage et vient mourir à quelques centimètres du poteau (103e). Un ange est passé.

Dans les dix dernières minutes de la prolongation, les Bleus subissent. Il n’y a plus de construction, plus beaucoup de lucidité et quasiment plus de jus. C’est au courage que l’équipe de France va chercher la séance de tirs au but car c’est à peu près tout ce qu’elle peut faire. Et pourtant Henry obtient un corner à la 117e et qui va le tirer ? C’est Petit bien sûr. A la 119e, Henry lance Djorkaeff dans la surface. Mais l’Intériste n’a plus le coup de rein nécessaire pour faire la différence, et vient buter sur Pagliuca. C’est la dernière occasion française.

Aux tirs au but, les Bleus s’imposent 4-3.

Italie-France, 9 juillet 2006 : deux remplacements français

Remplacements : David Trezeguet (pour Franck Ribéry, 100e) et Sylvain Wiltord (pour Thierry Henry, 107e). Expulsion de Zinédine Zidane (110e). Victoire de l’Italie aux tirs au but (4-3)

Marcello Lippi a déjà fait entrer ses trois remplaçants en cours de match, il n’a donc plus de cartouches disponibles quand arrivent les prolongations de la finale de la Coupe du monde alors que le score est de 1-1. Et ses Italiens, qui ont déjà joué deux heures en demi-finale contre l’Allemagne, tirent sérieusement la langue. Raymond Domenech, lui, n’a fait appel qu’à Alou Diarra pour pallier les contractures aux cuisses de Patrick Vieira à la 55e minute. Il dispose en réserve de trois attaquants : Sidney Govou, Sylvain Wiltord et David Trezeguet. Wiltord et Trezeguet, en finale contre l’Italie, c’est plutôt tentant, non ? Le second remplace donc Franck Ribéry à la 99e alors que les Bleus (qui évoluent en blanc) dominent, avec des percussions de Florent Malouda bien pris par Cannavaro ou Gattuso. Et juste avant de sortir, Ribéry manque d’un rien de battre Buffon, son tir de la pointe du pied frôlant le montant de Buffon (99e).

Le portier italien va sauver la patrie quatre minutes plus tard, quand un centre tendu de Sagnol est repris de la tête par Zidane à moins de dix mètres dans l’axe. La claquette de Buffon prive le capitaine français d’un nouveau doublé en finale, et sans doute les Bleus d’une deuxième étoile… Ce sera sans Thierry Henry, remplacé par Sylvain Wiltord à la 108e. C’est alors qu’arrive le geste catastrophique de Zidane. Après un corner français où il s’est accroché avec Marco Materazzi, le défenseur italien se retrouve au sol alors que le ballon est déjà loin.

Le ralenti montre Zidane se replier en discutant avec Materazzi, puis s’arrêter et assener à son adversaire un violent coup de tête en plein thorax. L’arbitre central Horacio Elizondo n’a rien vu, mais son quatrième arbitre lui signale la faute après l’avoir aperçue sur l’écran de contrôle d’un caméraman. De la VAR douze ans avant, donc… Zidane est expulsé pour le tout dernier match de sa carrière, les Français sont à dix et sonnés par ce coup du sort. Après trois minutes d’arrêt de jeu et cinq minutes confuses, Ils trouvent quand même les ressources pour chercher le deuxième but avec Malouda qui sert Wiltord à droite de la surface mais ice dernier glisse et ne parvient pas à redresser son centre pour Trezeguet, seul devant Buffon…

C’est terminé. L’Italie a tenu le choc jusqu’à la séance de tirs au but, qu’elle va remporter 5-3 pour devenir championne du monde pour la quatrième fois.

Suisse-France, 28 juin 2021 : deux remplacements suisses, un remplacement français

Remplacement pour la Suisse : Fabian Schär (pour Seferovic, 97e). Pour la France : Olivier Giroud (pour Karim Benzema, 94e) et Marcus Thuram pour Kingsley Coman (111e).

Les Suisses sont revenus de nulle part au terme d’un match sans queue ni tête : ils ont ouvert le score, puis eu une balle de 2-0 sur pénalty, sauvée par Lloris, puis ont encaissé trois buts pour être menés 1-3 à dix minutes de la fin et ont terminé en trombe à 3-3. Mehmedi se crée la première occasion à la 93e sur corner, reprise décroisée arrêtée par Lloris sur la ligne. Benzema est remplacé par Giroud (94e). Sur un centre de Coman, Pavard tire depuis le point de pénalty, Sommer la sort d’une manchette (95e). Varane sort un ballon brûlant de Mbabu dans la surface, puis Coman, trouvé par Mbappé côté gauche, percute et trouve le petit filet, mais se blesse à la cuisse (98e). Il va tenir encore dix minutes, au courage.

Sur un contre rapide lancé par Pogba, Sissoko tire largement au-dessus de l’extérieur de la surface (101e). Sur un corner suisse, Rabiot repousse de la tête aux six mètres et la reprise de Mehmedi n’est pas cadrée (103e).

Les Bleus semblent flancher physiquement, mais sur une percée de Kanté, Coman centre en retrait pour Mbappé dont la reprise du gauche écrasée passe à droite des cages (109e). Juste après, une belle ouverture de Pogba trouve Mbappé qui tire du gauche à angle fermé, à côté (110e) et revient se placer en boitant.

Coman est remplacé par Marcus Thuram. Ce dernier percute sur une passe de Pogba, trouve Giroud dans l’axe dont la frappe est déviée du dos par Mbappé (114e). La dernière occasion est pour les Bleus avec une passe en profondeur de Kimpembe, mais la tête de Giroud est superbement bloquée par Sommer (119e). C’était la balle de match.

La Suisse s’impose aux tirs au but (5-4) et se qualifie pour les quarts de finale, où elle est battue par l’Espagne, aux tirs au but également.

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