En Alsace, on évoque toujours avec émotion la formidable saison 1978/1979 où le Racing Club de Strasbourg remporta son premier et unique titre de champion de France. Un exploit indélébile d’où surgit le souvenir d’une poignée de joueurs brillants qui auraient probablement mérité une plus grande carrière internationale.
Les Bleus en renfort
Rappel de l’histoire : A l’issue d’une saison 1975/1976 calamiteuse, le RC Strasbourg et l’AS Monaco descendent en deuxième division. Les deux clubs n’y font pas de vieux os et remontent aussitôt. A la surprise générale, le promu monégasque remporte le championnat 1978 et le club alsacien l’imite un an plus tard.
Lorsqu’il remonte en première division au cours de l’été 1977, le Racing Club de Strasbourg recrute plusieurs internationaux : Gilbert Gress, trois sélections en équipe de France, est nommé entraîneur et voit débarquer dans son effectif le Parisien Jacky Novi (33 ans, vingt sélections entre 1969 et 1972), le Lavallois Jacky Vergnes (31 ans, une sélection en 1971) et le Lyonnais Raymond Domenech (27 ans, six sélections entre 1973 et 1976). L’équipe alsacienne fait mieux que se maintenir puisqu’elle termine à la troisième place du classement.
Deux hommes, déjà, sont remarqués par le sélectionneur national. Albert Gemmrich, 24 ans, cinquième meilleur buteur du championnat, est appelé en février 1978 pour la rencontre Italie-France (2-2) disputée à Naples en préparation de la Coupe du monde argentine. L’attaquant alsacien entre en jeu dès la fin de la première demi-heure pour pallier la blessure d’Olivier Rouyer.
Quant au gardien Dominique Dropsy, 28 ans, il a plusieurs fois été appelé chez les Bleus, mais n’a jamais pu honorer une vraie sélection, étant titularisé soit en équipe de France B, soit pour un match contre un club. Michel Hidalgo l’appelle toutefois pour remplacer le malheureux André Rey, forfait pour la Coupe du monde 1978. A Mar Del Plata, Dropsy connaît sa première sélection contre la Hongrie (3-1).
Lendemains d’Argentine
En 1978, fort de cinq internationaux, le Racing de Strasbourg poursuit ses efforts de recrutement en attirant le Niçois Roger Jouve, 30 ans, quatre sélections entre 1973 et 1977. Le club alsacien est alors richement doté en joueurs de qualité, car en plus des internationaux A, il convient de préciser que le défenseur Léonard Specht et l’attaquant Roland Wagner ont été appelés en équipe de France B.
Cette saison 1978/1979 est historique à plus d’un titre. Non seulement l’équipe alsacienne crée la surprise en remportant le titre national, mais elle fournit un grand nombre de joueurs à l’équipe de France. En août 1978, à l’occasion du match de rentrée des Bleus contre le club belge d’Anderlecht, Michel Hidalgo fait appel à Léonard Specht. Trois semaines plus tard, le sélectionneur rappelle Albert Gemmrich et l’ancien Niçois Roger Jouve, un peu oublié depuis sa dernière sélection en octobre 1977.
A partir du match du 7 octobre 1978 à Luxembourg, l’équipe de France comptera systématiquement trois joueurs strasbourgeois dans son onze de départ. L’ancien Parisien Francis Piasecki, 28 ans, connaît sa première sélection en Bleu contre les Luxembourgeois. Le milieu de terrain offensif évolue aux côtés de Dropsy, Jouve et Gemmrich, ce dernier étant entré à l’heure de jeu et ayant inscrit le troisième but en fin de rencontre.
Un mois plus tard contre l’Espagne, c’est Léonard Specht qui honore sa première vraie sélection. Le défenseur central s’offre le luxe de marquer le seul but du match. Non seulement les Strasbourgeois investissent l’équipe de France en nombre, mais ils marquent des buts. Specht a joué aux côtés de Dropsy, Piasecki et de Gemmrich, à nouveau entré en cours de jeu. Jean-Jacques Marx quant à lui est resté sur le banc de touche.
Les retours de Jouve et Domenech
Hidalgo apprécie les Strasbourgeois. Ils sont à nouveau trois (Dropsy, Specht, Piasecki) contre le Luxembourg au Parc en février 1979. Un mois plus tard, alors que Specht et Dropsy font désormais partie des titulaires indiscutables, c’est Raymond Domenech qui effectue son retour en Bleu, deux ans et demi après sa dernière apparition. L’ancien Lyonnais, à l’instar de Jouve, connaît à 27 ans une nouvelle jeunesse sous le maillot strasbourgeois.
On retrouve d’ailleurs les deux hommes, aux côtés de Dropsy, lors de l’expédition express à New York pour la large victoire 6-0 sur la sélection des États-Unis. Jouve manque même de marquer le plus beau but de sa carrière sur une merveille de reprise de volée qui s’écrase sur la barre. Domenech quant à lui est crédité d’une passe décisive sur le cinquième but.
Au total, six Strasbourgeois ont été appelés par Michel Hidalgo au cours de cette saison 1978/1979 : Specht, Jouve, Gemmrich, Dropsy, Piasecki et Domenech, dans l’ordre d’apparition. La saison suivante, le Racing se renforce avec François Bracci (28 ans, seize sélections entre 1973 et 1978) et Jean-François Jodar (30 ans, six sélections entre 1972 et 1975), sans oublier le buteur argentin Carlos Bianchi.
Léonard Specht et Dominique Dropsy sont régulièrement appelés (et titularisés) par Michel Hidalgo. En octobre 1979, le sélectionneur ajoute un nouvel alsacien, l’attaquant Roland Wagner, 23 ans, titularisé en octobre 1979 contre les États-Unis. Celui-ci marque le deuxième but français, mais il est victime d’une blessure qui le contraint à sortir à la mi-temps. Touché au tendon d’Achille, il ne se rétablira jamais vraiment et devra mettre prématurément fin à sa carrière.
Des lendemains qui déchantent
Après son épopée européenne terminée en quarts de finale de la Coupe des clubs champions devant l’Ajax, le Racing de Strasbourg entre dans le rang. Il termine cinquième du championnat de France en 1980 puis connaît une crise profonde lors de la saison 1980/1981 qui aboutit au licenciement de Gilbert Gress. Michel Hidalgo maintient sa confiance envers Specht et Dropsy jusqu’au début de la saison 1980/1981. Mais après une médiocre prestation contre le club de Stuttgart, le sélectionneur remet en cause la titularisation systématique des deux hommes. Ceux-ci n’apprécient guère ce traitement et le font savoir dans la presse locale. Fin de l’histoire.
Léonard Specht sera toutefois rappelé pour une rencontre face au Pérou juste avant la Coupe du monde 1982, mais ne sera pas retenu pour le tournoi en Espagne. Les deux hommes poursuivront leur carrière à Bordeaux (dans le sillage de Gemmrich, Bracci et Domenech) où ils reviendront à leur meilleur niveau sous les ordres d’Aimé Jacquet. Specht sera même rappelé au début de l’année 1985 pour deux sélections sous la conduite d’Henri Michel.
Avec sept internationaux appelés entre 1978 et 1981 (auxquels il faut ajouter Didier Six, qui a fini la saison 1980/1981 au Racing et compté quatre sélections au passage), on peut affirmer que le RC Strasbourg, champion de France 1979, a exercé une influence sur la composition de l’équipe de France. Une influence toutefois éphémère à l’image de la domination de l’équipe alsacienne sur le football français.
Pour l’anecdote, on ajoutera que l’effectif strasbourgeois de 1979 comptait un autre futur international, le défenseur Rémy Vogel, alors âgé de dix-sept ans, et qui connaitra une sélection en 1987. Deux autres défenseurs de l’effectif (au faible temps de jeu) se feront un nom à l’avenir, loin toutefois de l’équipe de France : Arsène Wenger, vingt-huit ans et le tout jeune Jacques Glassmann, lancé dans le grand bain à seize ans.
Les champions de France 1979 chez les Bleus
Joueur | Période Racing | Période France | Sel. |
---|---|---|---|
Albert Gemmrich | 1973-1979 | 1978-1978 | 5/5 |
Dominique Dropsy | 1973-1984 | 1978-1981 | 17/17 |
Roger Jouve | 1978-1980 | 1973-1979 | 3/7 |
Francis Piasecki | 1977-1985 | 1978-1979 | 3/3 |
Léonard Specht | 1972-1982 | 1978-1985 | 16/18 |
Raymond Domenech | 1977-1981 | 1973-1979 | 2/8 |
Roland Wagner | 1972-1982 | 1979-1979 | 1/1 |