2021, un bilan en bleu (2/6) : le sélectionneur

Publié le 6 décembre 2021 - Bruno Colombari

Après le passage de la défense à trois en 2020, Didier Deschamps a fait fort en rappelant Karim Benzema en mai, trop tard pour remporter un Euro mal négocié, mais suffisant pour relever les deux autres défis de l’année. Menacé fin juin, le sélectionneur finit 2021 en position de force et a le temps de préparer la Coupe du monde.

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Même si le double objectif de l’année était la victoire à l’Euro et la qualification pour la Coupe du monde 2022, Didier Deschamps s’est offert au passage un des rares trophées qui lui manquaient encore : la Ligue des Nations. Et pour la première fois depuis l’automne 2013, son statut a été remis en cause juste après l’échec de l’Euro. Mais ça n’a pas duré longtemps : Noël Le Graët l’a reçu chez lui à Guingamp le 7 juillet et tout s’est arrangé très vite. « La question a été réglée en trois minutes. Sa volonté est très forte de continuer, la mienne l’était aussi. Il n’y a pas eu de débat sur qu’est-ce qu’on fait et comment on fait », a raconté à la presse le président de la FFF le lendemain de la rencontre. En revanche, il n’y aura pas de prolongation de contrat avant la Coupe du monde 2022. Ce qui se passera ensuite, on ne sait pas. Mais en novembre, dans un entretien à l’AFP, Le Graët ouvre la porte : « Si Didier Deschamps gagne le Mondial, peut-être voudra-t-il continuer. S’il ne gagne pas, il aura peut-être l’esprit de revanche. Je l’apprécie tellement : on ne peut pas dire que la décision lui appartiendra, mais pas loin. » Entre les deux, bien sûr, il y a eu la conquête de la Ligue des Nations en octobre, la qualification pour la Coupe du monde en novembre et l’intégration meilleure de Karim Benzema dans l’attaque française.

Car le temps fort de l’année aura évidemment été le retour du Madrilène en sélection. Préparé au printemps par une reprise de contact entre les deux hommes, l’annonce faite le 18 mai a déclenché un séisme médiatique, d’autant que l’info avait été gardée secrète jusqu’à la veille. « Mes choix sont toujours dans le sens du bien de l’équipe de France, pour moi elle est au-dessus de tout. La longue discussion qu’on a eu ne regarde que lui et moi. Il avait des choses à me dire, j’avais des choses à lui dire, c’était la première étape importante. Je ne suis pas là pour faire des surprises. J’ai bien conscience de la grande responsabilité qui est la mienne. » D’une certaine façon, c’était un coup de poker que tentait le sélectionneur, qui avait déjà lancé le chantier de l’évolution tactique avec le passage à trois défenseurs, à l’automne 2020. il sera perdant à court terme, gagnant à moyen terme.


 

Mars : inquiétudes devant

Mal commencée par un nul décevant contre l’Ukraine à domicile, l’année s’est poursuivie par deux victoires poussives à l’extérieur au Kazakhstan et en Bosnie. Sept points récoltés, mais seulement quatre buts marqués (dont un CSC) et un choix tactique fort pas payé en retour : le 4-2-3-1 très offensif est un échec, avec deux excentrés pour encadrer Griezmann (Lemar ou Mbappé à gauche, Coman ou Dembélé à droite) et une pointe différente à chaque fois (Giroud, puis Mbappé, puis Martial). C’est sûrement à ce moment-là, constatant l’incapacité de son équipe à franchir des défenses regroupées, que Deschamps a pensé à rappeler Benzema.


 

Juin : navigation à vue

Donc Benzema est de retour, et il va jouer dans un trio d’attaque potentiellement explosif avec Griezmann et Mbappé, ce qui pousse évidemment Giroud sur la touche, même si ce dernier a signé un doublé contre la Bulgarie (après avoir remplacé Benzema...), relançant momentanément le débat. Mais le feu va partir d’une déclaration du champion du monde après le match, visant implicitement Mbappé : « parfois on fait des courses mais le ballon n’arrive pas... On aurait pu mieux se trouver ». C’est sans doute là que le nouveau champion d’Europe (en club, avec Chelsea) a signé sa mise à l’écart des Bleus, effective en septembre.

Pour tirer le meilleur parti de son attaque, le sélectionneur va organiser l’équipe différemment, en une sorte de 4-3-3 avec trois milieux relayeurs (Kanté, Pogba et Rabiot) devant une défense classique. Ça marche contre l’Allemagne car la défense tient, même si aucun attaquant ne marque. Mais ça cale face à la Hongrie (sans Lucas Hernandez, remplacé par Digne), et quand Dembélé entre à la place de Rabiot, il se blesse au bout d’une demi-heure et ne peut finir le match. Derrière, c’est moins sûr (erreur défensive sur le but hongrois) et devant, c’est toujours aussi peu percutant.


 

Contre le Portugal, Koundé est aligné à droite et Hernandez revient à gauche, mais il sort à la mi-temps. Il est remplacé par Digne qui se blesse sept minutes après, et c’est Rabiot qui finit le match. Benzema signe enfin un doublé, mais Ronaldo aussi.

Comment jouer contre la Suisse ? Deschamps décide de revenir à la défense à trois, et place Lenglet entre Varane et Kimpembe, Pavard et Rabiot occupant les couloirs. Ce n’est pas une bonne idée, la première mi-temps est un désastre et Lenglet sort, remplacé par Coman. Revenus en 4-3-3, les Bleus reviennent dans le match grâce à un nouveau doublé de Benzema et un but de Pogba, mais l’équipe est en déséquilibre et craque sur la fin, alors que Griezmann est remplacé par Sissoko (alors que le score est à 3-2) et que Coman, visiblement blessé, ne veut pas sortir. Rien ne va plus, le groupe vole en éclats avec les noms d’oiseaux échangés entre Pogba et Pavard après l’égalisation suisse et lorsque Mbappé manque son tir au but, il est bien isolé. « Évidemment, la première mi-temps ne me donne pas raison, constate-t-il le lendemain dans L’Equipe. Mais est-ce qu’on aurait fait mieux en commençant différemment ? Quand on gagne, c’est le mérite des joueurs. Quand ça se passe moins bien, c’est ma responsabilité. Je l’assume. »

A cet instant, son avenir en équipe de France semble beaucoup moins évident, mais juste après la rencontre, au micro de TF1 il élude : « Poursuivre à la tête des Bleus ? Là n’est pas la question. Aujourd’hui je suis triste comme l’ensemble du groupe, le staff. Il faut l’accepter, c’est le foot ». Il sera confirmé neuf jours plus tard.

Septembre : ça repart comme en mars

Quand arrive le moment de reprendre le fil des qualifications pour 2022, Deschamps revient à la défense à quatre, mais avec Koundé à droite et un milieu inédit Veretout-Lemar-Pogba contre la Bosnie. Ça ne marche pas, d’autant que Koundé est expulsé en début de deuxième mi-temps alors que le score est de 1-1. L’attaque de l’Euro est encore en échec, Coman et Martial entrant dans le dernier quart d’heure à la place de Griezmann et Benzema. Mbappé forfait contre l’Ukraine (et très fâché contre les critiques qui pleuvent depuis l’Euro), Coman complète le trio offensif alors que Dubois est aligné à droite de la défense. Même résultat décevant (1-1) et retour à la défense à trois contre la Finlande, avec un nouveau à gauche, Théo Hernandez. Pour la première fois depuis cinq matchs, les Bleus n’encaissent aucun but et s’imposent grâce à un doublé de Griezmann, dont l’entente avec Benzema a été en progrès.


 

Octobre : une équipe à réaction

Privé de Kanté au milieu, Deschamps reconduit son 3-4-3 face à la Belgique, avec Koundé de retour dans une position plus axiale, les frères Hernandez associés sur le flanc gauche et Pavard à droite. Ce n’est pas bon en première mi-temps, mais le match se débloque à l’heure de jeu et portés par un bon Pogba et un duo offensif Mbappé-Benzema en grande forme, les Bleus renversent le score (3-2). L’entrée de Tchouaméni à la place de Rabiot est une réussite. Ce dernier est maintenu contre l’Espagne, mais la blessure de Varane entraîne l’entrée d’Upamecano et ce dernier se manque sur le but espagnol. Comme face aux Belges, les Bleus changent de braquet et s’imposent grâce au duo Benzema-Mbappé.

Novembre : un final en feu d’artifice

Bien que l’opposition soit très différente, Deschamps maintient son système sans Pogba et Varane, forfaits. Avec des couloirs animés par Théo Hernandez et Kingsley Coman, Benzema signe un doublé mais c’est surtout Mbappé qui impressionne avec un quadruplé historique. La relation technique entre les deux pointes s’améliore à chaque match, même si c’est aux dépens d’un Griezmann plus effacé. Après la victoire en Ligue des Nations, la qualification pour la Coupe du monde est acquise, avec la manière. Le tout dernier match en Finlande est sans enjeu, et l’équipe bis ne propose pas grand chose, jusqu’à l’entré simultanée de Benzema et de Coman qui servent de détonateur.


 

La défense à trois, en échec à l’Euro où elle a été utilisée une mi-temps, est revenue en force à l’automne avec cinq victoires en cinq matchs. Mais avec Koundé replacé en axial droit, Théo Hernandez dans le couloir gauche et Kingsley Coman à droite, quelque chose est en train de se dessiner, qu’on devrait certainement revoir en 2022.

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