Du vert au bleu : un club, une sélection, huit matchs, quatre revanches

Publié le 29 avril 2020 - Bruno Colombari

CSKA Sofia et la Bulgarie, le Bayern (ou Hambourg) et la RFA, Ipswich et l’Angleterre : pendant six ans, entre 1976 et 1982, les matchs européens de Saint-Etienne répondent à ceux de l’équipe de France avec des adversaires communs, et des résultats finalement assez proches.

6 minutes de lecture

On l’a vu dans l’article précédent : poussé par l’ascension des Verts, le décollage du football français a lieu à partir de 1976, avec la finale de Glasgow et l’arrivée de Michel Platini en équipe de France.

Entre cette date et la Coupe du monde 1982, période où Robert Herbin était entraîneur de Saint-Etienne et Michel Hidalgo sélectionneur national, il est arrivé souvent que se jouent, à quelques semaines ou quelques mois d’intervalle, des matchs internationaux jumeaux entre clubs dont l’AS Saint-Etienne (en Coupe d’Europe) et équipes nationales dont l’équipe de France, avec de nombreux joueurs en commun.

C’est le cas de huit matchs que l’on peut regrouper en quatre paires comportant chacune une confrontation entre l’ASSE et un club étranger d’une part, et entre les Bleus et une sélection nationale d’autre part. Le jeu consiste d’abord à déterminer, à partir d’une rencontre jouée par les Verts ou les Bleus, quand a eu lieu la revanche, puis à lister les joueurs ayant participé aux deux matchs des deux côtés [1]. Et enfin à voir comment les deux entraîneurs, Robert Herbin et Michel Hidalgo, ont géré la partie.

1976-1977 : Bayern-ASSE (1-0) et France-RFA (1-0)

La série commence le 12 mai 1976 avec la finale de la Coupe d’Europe des Champions à Glasgow, où le Bayern Munich, vainqueur en 1974 et 1975, retrouve l’AS Saint-Etienne qu’il a éliminée en demi-finale la saison précédente. Le Bayern est composé de sept internationaux allemands, dont six champions du monde 1974, et d’un Danois, Johnny Hansen.

L’ASSE n’est pas en reste, puisqu’elle compte au coup d’envoi huit internationaux français (tous sauf Santini), plus le gardien yougoslave Ivan Curkovic et le stoppeur argentin Osvaldo Piazza, tous deux internationaux aussi. On peut donc dire que c’est indirectement un France-RFA qui se joue là.

Privé de trois titulaires (un par ligne, Gérard Farison, Christian Synaeghel et Dominique Rocheteau), Robert Herbin se repose sur le groupe mais le miracle n’a pas lieu, face à une équipe qui défend et est sauvée deux fois par la transversale.

En gras, les joueurs ayant participé aux deux rencontres.

Bayern 1976 :
Maier - Hansen, Beckenbauer, Schwartzenbeck, Horsmann - Roth, Kapellmann, Dürnberger - Rummenigge, G.Müller, Hoeness

ASSE 1976 :
Curkovic - Janvion, Lopez, Piazza, Repellini - Bathenay, Larqué, Santini - P.Revelli, H.Revelli, Sarramagna (Rocheteau)


 

La revanche a lieu huit mois plus tard au Parc des Princes. Ce n’est qu’un match amical, mais pour la jeune équipe de Michel Hidalgo (24 ans, 4 sélections de moyenne) qui aligne trois débutants, il est très important. La RFA qui se présente n’a plus perdu depuis deux ans, et qui est vice-championne d’Europe 1976, peut faire peur. Franz Beckenbauer joue son 103e et dernier match en sélection, quand les trois Stéphanois alignés au coup d’envoi en cumulent 16… De la finale contre le Bayern, il reste six joueurs, trois de chaque côté : Lopez, Janvion et Bathenay pour l’équipe de France, Maier, Beckenbauer et Rummenigge pour la Mannschaft. Cette dernière domine, mais ce sont les Bleus qui marquent en début de deuxième mi-temps et qui tiennent une victoire de prestige contre un super-grand. De quoi commencer à alimenter une réputation de champion du monde des matchs amicaux, qui durera jusqu’en 1982…

France 1977 :
Rey - Battiston, Rio, Lopez, Janvion - Bathenay, Synaeghel, Platini - Rouyer, Lacombe (puis P.Revelli), Amisse

RFA 1977 :
Maier - Vogts, Nogly, Beckenbauer, Dietz - Bonhof, Stielike, Flohe - Rummenigge, D.Müller, Hölzenbein


 

Automne 1976 : CSKA Sofia-ASSE (0-0) et Bulgarie-France (2-2)

Le premier tour de la Coupe d’Europe 1976-77 met sur la route des Verts le champion de Bulgarie, le CSKA Sofia (club sportif central de l’armée). Pas vraiment des poètes, mais aussi une équipe redoutable avec de bons techniciens comme les internationaux Vassiliev, Stankov, Denev ou Dimitrov. Mais les Verts qui ont récupéré leurs trois blessés de la finale de Glasgow sont supérieurs dans le jeu et se créent quatre occasions franches sans parvenir à conclure, sous le regard du sélectionneur Michel Hidalgo qui a fait le déplacement. Puis ils résistent à une dernière demi-heure étouffante grâce à des arrêts déterminants de Curkovic (0-0).

CSKA 1976 :
Filipov - Sredkov, Rangelov, Vassiliev, Kolev - Stankov, Goranov, Denev - Yontchev, Djevizov, Dimitrov

ASSE 1976 :
Curkovic - Janvion, Piazza, Lopez, Farison - Bathenay, Larqué, Synaeghel - Rocheteau, H.Revelli, Sarramagna


 

Trois semaines plus tard, toujours dans le même stade Vassil-Levski où les Bleus ont connu tant de misères, les sélections bulgares et françaises débutent les qualifications pour la Coupe du monde 1978 sous un chaud soleil d’automne. Quatre Stéphanois sont alignés par Michel Hidalgo : les défenseurs Janvion et Lopez et les milieux Bathenay et Synaeghel. Rocheteau et Larqué sont forfaits. Mais avec Trésor et Bossis derrière, Lacombe et Six devant et surtout Platini au milieu, les Bleus sont abondamment fournis rayon talent. En une mi-temps, ils font du petit bois des Bulgares, menant 2-0 (Platini, Lacombe) et tellement contents d’eux qu’ils concèdent un but casquette juste avant la pause. En deuxième période, ils pourraient marquer trois ou quatre buts supplémentaires, mais l’arbitre, Ian Foote, refuse un pénalty flagrant à Platini, accorde un but hors-jeu à Panov et un siffle un pénalty inexistant que Bonev met à côté (2-2).

Bulgarie 1976 :
Krastev - Grancharov, Stankov, Tichanski, Vassiliev - Bonev, Denev, Panov - Voïnov, Milanov, Dimitrov

France 1976 :
Baratelli - Janvion, Lopez, Trésor, Bossis - Bathenay, Synaeghel, Platini - Gallice, Lacombe, Six


 

Novembre 1980 : RFA-France (4-1) et Hambourg-ASSE (0-5)

A l’automne 1980, l’équipe de France est en route pour la Coupe du monde en Espagne et a plutôt bien commencé les qualifications. Mais en face, la RFA est toute fraîche championne d’Europe avec une nouvelle génération de joueurs dont le gardien Harald Schumacher, les défenseurs Manfred Kaltz, Karl-Heinz Förster et Bernd Schuster et l’attaquant Horst Hrubesch et son jeu de tête dévastateur. Les Bleus prennent l’eau très vite sur un pénalty de Kaltz et un but de Briegel sur lequel la défense est dépassée. Rien ne fonctionne dans ce match où l’impact physique est clairement allemand, et l’égalisation de Larios sur pénalty ne fait que reculer l’échéance. Et en plus, Platini est dans un jour sans. Ce n’est pas le cas de Hrubesch, qui ressemble à un géant dans une cour de maternelle, et qui ajoute un troisième but de la tête avant d’en offrir un quatrième à Allofs. Depuis 1969, jamais l’équipe de France n’avait encaissé plus de trois buts. Et jamais plus de deux depuis 1974. C’est le prélude d’une année 1981 très difficile, et de laquelle Michel Hidalgo s’extirpera d’extrême justesse.

RFA 1980 :
Schumacher - Kaltz, KH Förster, Schuster, Dietz - Briegel, Votava, H. Müller - Allgöwer, Hrubesch, K.Allofs

France 1980 :
Dropsy - Janvion, Specht, Lopez, Bossis - Tigana, Larios, Platini - Zimako, Rocheteau, Amisse


 

Une semaine tout juste après cet affront, Saint-Etienne se déplace à Hambourg pour les huitièmes de finale aller de la coupe UEFA. Si la RFA est championne d’Europe, Hambourg vient de jouer la finale de la C1 (ancienne Ligue des Champions) en mai, et compte deux des internationaux qui ont mis la misère aux Bleus à Cologne : le défenseur Manfred Kaltz et l’attaquant Horst Hrubesch. Mais Robert Herbin n’est pas décidé à faire le voyage pour rien : alors qu’Hidalgo avait dit que l’équipe de France allait en Allemagne pour apprendre, lui annonce que les Verts iront à Hambourg pour gagner. Rien que ça.

Janvion, Lopez, Larios, Platini et Zimako sont toujours là, mais Janvion est installé en numéro 6, Rep a pour consigne de bloquer les montées de Kaltz et Gardon de couper les trajectoires vers Hrubesch. Et surtout, Platini est horriblement vexé d’avoir été moqué par le sélectionneur, Jupp Derwall, le qualifiant de général qui regarde les résultats de son attaque avec des jumelles. Le HSV et pris à la gorge par un tourbillon stéphanois où tout va beaucoup trop vite, et à la mi-temps le score est déjà de 0-3 (Hartwig contre son camp, Platini et Larios). Pour le plaisir, les Verts ajoutent deux autres buts en fin de match par Zimako et Platini et claquent un phénoménal 0-5 en terres allemandes. Du jamais vu. A Saint-Etienne, ce sera le dernier fait d’armes européen de Robert Herbin.

Hambourg 1980 :
Koitka - Kaltz, Jakobs, Hyeronimus, Hidien - Hartwig, Groh, Memering - Milewski, Hrubesch, Reimann

ASSE 1980 :
Castaneda - Battiston, Gardon, Lopez, Zanon - Janvion, Larios, Platini - Zimako, Paganelli, Rep


 

1981-1982 : ASSE-Ipswich Town (1-4) et Angleterre-France (3-1)

Dans les années 70-80, le football anglais est plein de surprises : après Leeds (finaliste européen en 1975), Liverpool (champion d’Europe 1977 et 1978) et Nottingham Forest (vainqueur en 1979 et 1980), c’est Ipswich Town qui sème la terreur sur le continent. Quand ils arrivent à Geoffroy-Guichard le 4 mars 1981, les Blues sont assez peu connus du grand public, mais après l’ouverture du score par Johnny Rep (16e), le jeu en triangle d’Iswich, inspiré de celui du grand Ajax complique considérablement la vie des Stéphanois qui se font remonter dès la 28e (Mariner) et coulent à pic en deuxième période où ils encaissent trois buts pur finir sur le même score qu’un an avant face à Mönchengladbach : 1-4, retour à la case départ. L’échec est très sérieux, même si les Verts finiront champions de France à la fin de la saison. Jamais, jusqu’à ce jour, ils ne rejoueront un quart de finale européen.

Ipswich 1981 :
Cooper - Mills, Osman, Beattie, Butcher - Thijssen, Wark, Muhren - Brazil, Mariner, Gates

ASSE 1981 :
Castaneda - Battiston, Gardon, Lopez, Zanon - Janvion, Larios, Platini - Paganelli, Roussey, Rep


 

Quinze mois plus tard, à Bilbao, Battiston, Lopez, Larios et Platini retrouvent trois joueurs d’Ipswich dans l’équipe d’Angleterre et son beau maillot rouge : les défenseurs Mick Mills et Terry Butcher et l’attaquant Paul Mariner. C’est l’occasion de prendre leur revanche de 1981, mais l’illusion ne dure pas longtemps : Bryan Robson marque après 27 secondes de jeu sur un centre de Butcher et les Bleus cuisent dans la fournaise de San Mames où les Anglais les soumettent à un pilonnage aérien en règle. Soler égalise (25e), les Bleus, qui jouent en blanc, poussent mais les Anglais tiennent bon. Et en deuxième mi-temps, ils achèvent comme il faut une défense française apathique, où la charnière centrale Trésor-Lopez multiplie les ratés et où Ettori fait ce qu’il peut, mais au final pas grand chose. Robson signe un doublé et Mariner, une vieille connaissance, parachève le tableau. Le milieu renforcé (Girard et Larios, qui manqueront terriblement sur le banc à Séville) et Platini avant-centre ont vécu. Michel Hidalgo s’est trompé, mais il retiendra la leçon.

Angleterre 1982 :
Shilton - Mills, Butcher, Thompson, Samson - Coppell, Wilkins, Robson, Rix - Mariner, Francis

France 1982 :
Ettori - Battiston, Trésor, Lopez, Bossis - Girard, Larios, Giresse - Soler, Platini, Rocheteau


 

[1Christian Lopez est le seul à avoir participé à chacun de ces huit matchs.

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