Daniel Ollivier : “Pour Jean Vincent, rien de plus beau que de porter le maillot bleu frappé du coq”

Publié le 10 octobre 2023 - Richard Coudrais - 1

Daniel Ollivier consacre son dernier ouvrage, “Jean Vincent, la passion du football” (éditions Eric Jamet) à l’un des plus grands joueurs du football français. Nous revenons avec lui sur sa carrière en équipe de France.

5 minutes de lecture

Spécialiste du management et de l’organisation du travail, le sociologue Daniel Ollivier a rédigé de nombreux ouvrages sur ses travaux, axés sur l’adaptation à la transformation au travail. Ses écrits récents se sont tournés vers le football, un domaine qu’il connait très bien puisqu’il a travaillé dans les années 1990 à la DTN aux côtés de Gérard Houllier, notamment dans la refonte de la formation des entraineurs professionnels et le développement de leurs compétences managériales.

Son premier ouvrage sur le football s’est tout naturellement attaché au travail managérial des entraineurs du FC Nantes, club dont il est supporter depuis sa plus tendre enfance. Publié en 2022 chez Solar, « L’alchimie du jeu à la Nantaise » décortique le management des quatre entraîneurs emblématiques du grand FC Nantes, à savoir José Arribas, Jean Vincent, Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix.

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Lorsqu’il a enquêté sur le deuxième nommé, entraineur du FCN entre 1976 et 1982, Daniel Ollivier a reçu de l’épouse de Jean Vincent une somme impressionnante de documents : des articles de presse, des photos, des notes éparses... autant de matière pour se lancer dans une biographie. Le personnage a laissé une excellente impression lors de son passage à Nantes où en plus d’avoir maintenu le club local au plus haut niveau, il a apporté un sourire qui tranchait singulièrement avec le visage souvent grave de son prédécesseur et de ses principaux successeurs.

La passion selon Jean Vincent

Outre le soleil qu’il a amené au FC Nantes, Jean Vincent a laissé aux endroits où il est passé l’image d’un homme passionné par le foot, mû par le partage et l’amitié. Il n’aimait rien tant que passer de bons moments avec ses joueurs et ses amis. Pour rédiger son ouvrage, Daniel Ollivier a sollicité de nombreux hommes qui ont jalonné son parcours : Son ami et coéquipier de Reims Bernard Hiegel, qui a signé la préface, mais également Christian Lagon avec qui il a joué durant sa période lilloise.

De nombreux joueurs qu’il a dirigé interviennent également, parmi lesquels ceux du FC Nantes (Maxime Bossis, Loïc Amisse, Jean Paul Bertrand-Demanes, Bruno Baronchelli, Gilles Rampillon, Raynald Denoueix...), mais aussi le Suisse Daniel Jeandupeux, qui a joué sous ses ordres à La Chaux-de-Fonds, et l’indomptable Roger Milla, attaquant de la sélection du Cameroun que Jean Vincent à dirigé lors de la Coupe du monde 1982.

L’ouvrage revient bien entendu sur la carrière de joueur de Jean Vincent, dont on peut dire qu’elle fut l’une des plus riches de son temps. Joueur des deux clubs majeurs des années 1950, Lille et Reims, vainqueur de quatre championnats et trois Coupes de France, il a aussi été un des pionniers français de la Coupe d’Europe avec le club champenois. Il a connu par ailleurs 46 sélections avec l’équipe de France et fut un acteur déterminant de l’épopée de 1958 en Suède. Nous revenons avec l’auteur de “Jean Vincent, la passion du football” sur son parcours de joueur en Bleu.

“Il était programmé pour intégrer l’équipe de France”

Jean Vincent fait partie de la première grande équipe de France, celle de 1958 qui accède aux demi-finales de la Coupe du monde. Quel était son rôle dans le quintet offensif qu’il formait avec Kopa, Fontaine, Piantoni et Wisniewski ?

Il a longtemps été un ailier gauche rapide, physique, capable de marquer des deux pieds et possédant un excellent timing dans les airs. Albert Batteux avait fait évoluer son jeu pour faire de lui un joueur complet capable d’apporter le surnombre au milieu de terrain et de distiller de formidables offrandes face au but à son ami Justo. Ces joueurs se connaissaient par cœur. Maryan Wisniewski et Raymond Kopa étaient ses voisins. Ils sont nés dans le Pas-de-Calais à moins de dix kilomètres les uns des autres.

Il fut l’un des premiers internationaux à remporter un titre avec l’équipe de France, le championnat d’Europe juniors 1949 aux côtés de Jacques Foix, Antoine Bonifaci, Francis Méano et Jean Fournet-Fayard.

C’est toutes catégories confondues le premier titre de la France en football. Une incroyable surprise puisque c’était aussi la première participation de notre pays dans cette compétition. Lors de l’épreuve initiale en Angleterre les dirigeants n’avaient pas considéré utile d’envoyer une sélection. Le coach s’appelait Gabriel Hanot un personnage de légende qui a été un des artisans de la création du football professionnel en 1932 et le créateur de la Coupe d’Europe des clubs et du Ballon d’Or.

Jean Vincent fait ses véritables débuts en équipe de France une quinzaine de jours avant le début de la Coupe du monde en Suisse. Il se retrouve dans la liste des 22 et dispute les deux rencontres. Comment a-t-il convaincu les sélectionneurs ?

Sa trajectoire est linéaire. Il a brillé préalablement en équipe de France amateur et militaire. Comme Raymond Kopa malgré son jeune âge (23 ans) il est programmé pour intégrer l’équipe car c’est déjà un taulier au Lille Olympique Sporting Club. Il va rester une décennie en équipe de France (46 sélections) et être systématiquement titulaire.

“Son rêve, c’était de jouer une troisième Coupe du monde”

Deux ans après la Suède, Jean Vincent est le capitaine de l’équipe de France qui dispute la première phase finale de la Coupe d’Europe des nations. L’équipe tricolore est démunie avec les blessures de Kopa, Fontaine et Piantoni.

Une compétition organisée en France et dont nous sommes les grands favoris. Pour cette génération, cela doit être l’apothéose et Jean Vincent est le capitaine tout désigné pour cette équipe du fait de ses qualités : altruisme, engagement, régularité. Cette compétition est une cruelle désillusion et la fin d’une époque car ses copains Fontaine et Piantoni ne sont plus en mesure de retrouver leur niveau d’antan et Robert Jonquet est atteint par la limite d’âge.

Il perd sa place en équipe de France durant les éliminatoires de la Coupe du monde 1962. Il joue le premier match en Finlande mais par la suite il n’est plus appelé que pour les matchs amicaux. C’est du banc de touche qu’il voit ses coéquipiers s’incliner face à la Bulgarie. Comment vivait-il cette situation ?

Son rêve c’est de jouer une troisième Coupe du Monde. Il a perdu sa place en équipe de France à l’aile gauche car pour aider le Stade de Reims il joue au milieu du terrain. C’est un survivant puisque tous les joueurs de sa génération ont pris leur retraite. Il est là pour apporter son expérience et pour donner si besoin un coup de main. Son dernier match il le joue contre la Belgique dans un rôle défensif face à Paul Van Himst. Il n’y avait pour lui rien de plus beau que de porter le maillot bleu frappé du coq.

“Il aurait aimé être appelé dans le staff de l’équipe de France en 1982”

Durant son passage au FC Nantes en tant qu’entraîneur, le club fournissait de nombreux joueurs à l’équipe de France (jusqu’à six titulaires lors de certains matchs en 1977 et 1978). Avait-il de fréquents contacts avec le sélectionneur Michel Hidalgo ?

Ils ont joué une saison ensemble au Stade de Reims et se connaissaient bien. Le nombre de joueurs sélectionnés en équipe de France avait une conséquence sur les résultats de l’équipe nantaise si on en croit les propos de Bruno Lautrey. Jean laissait Michel Hidalgo travailler sans pression. Ce qui est sûr c’est qu’il aurait aimé être appelé par lui pour être dans le staff de l’équipe de France 82. Il s’est consolé en prenant la sélection du Cameroun.

Il reste l’un des rares sélectionneurs au monde à n’avoir jamais connu la défaite en Coupe du monde. Aurait-il pu diriger l’équipe de France ?

C’est vrai qu’il a vécu une belle aventure avec les Lions Indomptables. L’Italie championne du monde n’avait qu’un seul but d’avance sur le Cameroun et Jean a montré son talent dans ce job où ses compétences humaines ont fait des merveilles. Nul doute qu’il aurait rêvé de diriger les Bleus mais il n’était pas homme à vouloir conduire des stratégies pour être l’heureux élu. Ce poste requiert un talent politique et des réseaux que Jean n’a jamais voulu cultiver. Il était fier d’être un homme de terrain et il a gardé intact jusqu’à la fin de sa vie sa passion pour le football.

pour finir...

« Jean Vincent, la passion du football » de Daniel Ollivier (Eric Jamet éditeur, 2023). 222 pages. Format 130x190mm broché. Sortie le 5 octobre. Disponible sur le site www.editionduborrego.com

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