Histoire d’un score : les 4-0 et 0-4 de l’équipe de France

Publié le 26 mars 2023 - Bruno Colombari

Résultat victorieux assez fréquent dans les années Deschamps (six fois depuis 2014), le 4-0 est heureusement beaucoup plus rare dans les défaites. Du plus rapide au plus compact en passant par le plus beau et le plus monégasque, et une dataviz en prime.

5 minutes de lecture

Un quatre-zéro est une quasi manita, à laquelle il manquerait un doigt. On peut qualifier ce score de carton, et si dans la période récente il a été acquis contre de nombreuses petites équipes (Luxembourg, Malte, Andorre, Chypre, Estonie, Arménie…), il est arrivé aux Bleus, assez rarement certes, d’infliger ce score à de grands noms, comme la Tchécoslovaquie en 1948, le Portugal en 2001 ou les Pays-Bas en 2017. Jamais obtenu en phase finale d’Euro, le 4-0 a servi deux fois en Coupe du monde, en 1958 contre l’Irlande du Nord et quarante ans plus tard face à l’Arabie Saoudite. Dans les défaites, il a quasiment disparu du paysage : à peine se souvient-on du lointain France-Pologne de 1982, juste après la Coupe du monde en Espagne, dans un Parc quasi vide en plein mois d’août.

Les chiffres clés

 27 victoires par 4-0 depuis 1904 (14 en amical, 13 en compétition dont 3 en phase finale)
 18 victoires 4-0 à domicile, 9 à l’extérieur
 3 victoires 4-0 contre les Pays-Bas et l’Irlande du Nord
 dernière victoire 4-0 le 24 mars 2023 contre les Pays-Bas à Saint-Denis

 10 défaites par 0-4 depuis 1904 (toutes en amical)
 5 défaites 0-4 à domicile, 5 à l’extérieur
 2 défaites 0-4 face à l’Espagne et l’Autriche
 dernière défaite 0-4 le 31 août 1982 contre la Pologne à Paris

Le premier : France-Irlande du Nord, le 21 février 1928

A Montrouge, pour débuter l’année olympique, les Tricolores reçoivent l’Irlande du Nord, une sélection essentiellement amateur renforcée par trois professionnels. Paul Nicolas, l’avant-centre du Red Star, est dans un grand jour et marque trois fois en première mi-temps (8e, 27e, 35e), un has-trick donc, son deuxième après celui contre la Yougoslavie en 1926. L’ailier du CA Paris, Georges Ouvray, inscrit le quatrième but en fin de match pour sa première sélection, qui sera aussi sa dernière.

L’Auto du 22 février 1928 via BNF Gallica


Le plus rapide : Luxembourg-France le 13 octobre 1984

C’est le premier match officiel des Bleus, près de quatre mois après leur titre européen. Entre temps, Henri Michel, nouveau sélectionneur, a glané une médaille d’or avec l’équipe olympique à Los Angeles et il y a eu un amical contre l’Inter Milan début septembre (perdu 0-1) mais qui ne comptait pas dans le palmarès. Pour commencer la campagne qualificative vers le Mexique 1986, les Bleus jouent leur seul match de l’année à l’extérieur, et encore ce n’est pas très loin : à Luxembourg, ils plient l’affaire en une grosse demi-heure avec des buts de Battiston (2e), Platini (12e) et Stopyra (24e et 32e). Platini sort à la 57e et rentre directement à Turin où il doit jouer le lendemain en championnat. Stopyra et Giresse touchent du bois et le score ne bouge plus.

Le plus beau : France-Portugal le 25 avril 2001

C’est bien sûr un amical et rien d’autre, dans une année où les Bleus n’ont qu’une Coupe des Confédérations à jouer (et qu’ils gagneront). Champions du monde et d’Europe, ils reçoivent un Portugal revanchard après la demi-finale de Bruxelles et renforcés par Pedro Pauleta. Les Bleus sont au complet, avec Mikaël Silvestre associé à Marcel Desailly en défense centrale. Wiltord ouvre le score à la 16e au terme d’une action d’école initiée par Pirès, puis Silvestre double la mise sur corner de Petit rabattu de la tête par Vieira. Le troisième arrive dans la minute suivante : quinze passes consécutives, huit joueurs concernés et au bout de 35 secondes, Henry qui conclut d’un intérieur du droit croisé, sa spéciale. Extraordinaire. 3-0 après 33 minutes contre ce Portugal-là, c’est très fort, d’autant qu’à dix minutes de la fin Youri Djorkaeff conclut le récital d’un ballon piqué devant le malheureux gardien de Braga, Quim.


 

Le plus tardif : Tchécoslovaquie-France, le 12 juin 1948

C’est la première victoire des Français sur ce score à l’extérieur, lors d’un match qui a failli ne pas avoir lieu en raison du coup de Prague qui renverse la République et porte les communistes au pouvoir. Mais elle est longue à se dessiner, puisqu’à l’heure de jeu le score est toujours de 0-0 à Prague, quand Albert Batteux, le milieu de terrain du Stade de Reims, marque d’un corner direct. Pour une équipe tchécoslovaque en plein déclin, c’est la débandade et les Tricolores s’engouffrent dans les brèches : Jean Baratte, l’attaquant de Lille, marque deux fois (66e et 89e) et Henri Baillot complète la marque (74e). Le duo Batteux-Ben Barek (dont c’est l’avant-dernière sélection, et qui va partir à l’Atlético de Madrid) a fait des merveilles.

Le plus compact : France-Irlande du Nord, le 19 juin 1958

C’est le premier 4-0 remporté en compétition, et il est d’une importance capitale, puisque c’est un quart de finale de Coupe du monde et qu’il permet aux Français d’accéder pour la première fois de leur histoire au dernier carré de la compétition. C’est le seul match de leur part sans but encaissé pendant la compétition (où ils en concèderont 15). C’est aussi le plus compact, puisqu’entre le premier et le quatrième but, il ne s’est passé que 24 minutes. Enfin, si on ne compte pas le quart d’heure de la mi-temps, puisque Maryan Wisniewski ouvre le score à la 44e. Le plus dur est fait, et Just Fontaine peut doubler la mise à la 56e sur un centre de Penverne. Les Français déroulent, Fontaine dribble Harry Gregg et signe un doublé (64e), son huitième but dans le tournoi. Roger Piantoni, servi par Kopa, termine le travail à la 68e et l’équipe de France peut commencer à penser à la demi-finale qui l’attend. Ce sera contre le Brésil cinq jours plus tard.


 

Le plus 10 contre 10 : France-Arabie Saoudite, le 18 juin 1998

Après des débuts difficiles dans le Mistral du Vélodrome contre une Afrique du Sud coriace, les Bleus rencontrent à Saint-Denis l’Arabie Saoudite. La première mi-temps est compliquée, marquée par la sortie sur blessure de Christophe Dugarry avant la demi-heure mais aussi par l’expulsion du Saoudien Mohammed Al Khlaiwi dès la 19e. A dix, on voit mal comment les Saoudiens pourraient tenir, mais les Bleus tardent à ouvrir le score : c’est Henry qui le fait, à la réception d’un centre de Lizarazu à la 36e. L’affaire est enfin pliée à la 68e grâce à une tête de David Trezeguet, mais juste après, Zidane reçoit un rouge direct pour s’être essuyé les crampons sur les côtes de Fouad Amin. Les vingt dernières minutes risquent d’être longues. Mais les Bleus marquent encore deux fois, par Henry sur un dégagement laser de Barthez, et Lizarazu suite à une talonnade de Djorkaeff. La qualification pour les huitièmes est assurée, mais Zidane écopera de deux matchs de suspension et Dugarry sera forfait jusqu’à la finale.

Le plus monégasque : France-Pays-Bas le 31 août 2017

Battus en Suède en juin, les Bleus sont sous pression au moment de recevoir les Pays-Bas en tout début de saison en qualifications de la Coupe du monde 2018. Le début de match est parfait avec un but de Griezmann à la 14e, puis les Néerlandais poussent pour égaliser. Mais Strootman, averti en début de deuxième mi-temps, est expulsé six minutes après. Thomas Lemar en profite pour inscrire un doublé (73e, 88e) et Kylian Mbappé, qui fête sa cinquième sélection et qui vient de signer au PSG, ouvre son compteur but sur un centre en retrait de Sidibé dans le temps additionnel. C’est la 400e victoire de l’équipe de France, à laquelle auront largement contribué les trois champions de France de l’AS Monaco.


 

Et côté adverse...

C’est heureusement un score beaucoup plus rare côté défaite que côté victoire, puisqu’on ne compte que dix 0-4, donc huit avant la Libération (entre 1910 et 1942), le premier remontant à avril 1910, à domicile contre la Belgique avec un triplé de Six. Non pas Didier, évidemment, ni son homonyme Pierre, mais l’attaquant belge Alphonse Six. Il y a eu seulement deux 0-4d après guerre : un contre l’Angleterre en 1957 à Wembley et un contre la Pologne au Parc en août 1982, les deux en amical. Le dernier est d’ailleurs la dernière défaite française par quatre buts d’écart, et elle remonte à près de quarante ans. Belle performance !

Dataviz : les 4-0 et les 0-4

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