France et Allemagne, des voisins bien peu envahissants

Publié le 3 avril 2023 - Bruno Colombari - 2

Si les Allemands ont disputé quatre des six phases finales jouées en France depuis 1938, les Bleus n’ont participé qu’à une seule des quatre organisées Outre-Rhin depuis 1974. Et aucun n’a remporté le moindre titre chez l’autre.

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L’Euro 2024 sera le deuxième organisé en Allemagne après celui de 1988, auquel il faut ajouter deux Coupes du monde, en 1974 et en 2006. Et, si on veut être tout à fait complet, la Coupe des Confédérations en 2005.

Sur ces quatre compétitions, l’équipe de France, pourtant voisine, a brillé par son absence à trois reprises, même si la seule fois où elle a franchi le Rhin pour une phase finale, elle n’a pas fait le voyage pour rien : c’était en 2006, et elle est passée à trois coups de tête (celui de Materazzi pour l’égalisation italienne et ceux de Zidane détourné par Buffon et amorti par le thorax de Materazzi) d’un deuxième titre mondial.

2005 : Coupe des Confédérations en Allemagne, sans la France

Pour évoquer les trois compétitions manquées par les Bleus, commençons par la moins importante, qui a même disparu du calendrier international depuis. En juin 2005 donc, l’Allemagne organise l’épreuve, selon le principe établi lors de l’édition 2001 : elle sert de répétition générale dans le pays-hôte de la Coupe du monde à venir.

Mais en 2005, si les Bleus n’ont pas encore amorcé leur chute en piqué qui aboutira au crash de Knysna cinq ans plus tard, ils ne sont plus champions du monde (éliminés au premier tour en 2002 en Corée du Sud) ni champions d’Europe (battus en quart de finale par le futur vainqueur, la Grèce, en 2004 au Portugal). Les Grecs ne feront d’ailleurs que de la figuration, avec un nul et deux défaites en phase de poules, alors que l’Allemagne assure le show en battant l’Australie et la Tunisie puis en faisant match nul contre l’Argentine. Elle s’inclinera en demi-finale face au Brésil, futur vainqueur de l’épreuve, et finira troisième en battant le Mexique.

Avant d’organiser la dixième édition de la Coupe du monde en 1974, l’Allemagne avait déjà déposé une candidature pour l’édition 1942. C’était en août 1936, au moment des Jeux olympiques de Berlin, mais la FIFA, alors présidée par le Français Jules Rimet, a traîné les pieds et penchait plutôt pour une candidature sud-américaine, avec le Brésil. La guerre a repoussé le projet à 1950, et c’est en 1966 que la République fédérale allemande a obtenu l’organisation de l’édition 1974, suite à un accord avec l’Espagne qui récupèrera celle de 1982.


 

1974 : Coupe du monde en Allemagne, encore sans la France

L’équipe de France commence à entrevoir le bout d’un tunnel entamé au tout début des années 1960, mais elle n’est pas encore tirée d’affaire. Pour se qualifier pour la Weltmeisterschaft, elle doit sortir en tête d’un groupe à trois avec la République d’Irlande et l’URSS. Mais sa jolie victoire initale face aux Soviétiques d’Oleg Blokhine dans le tout nouveau Parc des Princes (1-0) est vite effacée par deux contre-performances contre les Irlandais de Johnny Giles, 1-2 à Dublin et 1-1 à Paris. Le miracle n’aura pas lieu à Moscou, en mai 1973 (0-2), et pour la deuxième fois consécutive, les Français regarderont la Coupe du monde à la télévision.

Et après l’Uruguay en 1930, l’Italie en 1934 et l’Angleterre en 1966, l’Allemagne de l’Ouest devient la quatrième sélection à remporter une Coupe du monde à domicile. L’affaire aura été compliquée, avec une défaite au premier tour contre le frère ennemi est-allemand (0-1) à Hambourg. Mais ce faisant, les coéquipiers de Franz Beckenbauer évitent au deuxième tour le groupe le plus difficile (celui du Brésil, des Pays-Bas et de l’Argentine) et remportent leurs trois matchs. Leur entame de finale, face à des Néerlandais favoris, est catastrophique, avec un pénalty encaissé dès la première minute. Mais ils reviennent au score et l’emportent finalement (2-1).

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1988 : Euro en Allemagne, toujours sans la France

Quatorze ans plus tard, c’est le championnat d’Europe qu’accueille l’Allemagne bientôt réunifiée, dix-sept mois avant la chute du Mur de Berlin. Les Bleus sont tenants du titre depuis 1984, et ils ont fini troisièmes de la Coupe du monde 1986, battus en demi-finale par cette même Allemagne. Mais ils sont en fin de cycle : Bossis, Giresse et Rocheteau ont raccroché au retour du Mexique, et Platini termine tant bien que mal la dernière saison de sa carrière. Les Bleus d’Henri Michel font plus pitié que envie et ne gagnent qu’un seul match, à domicile contre l’Islande (2-0), pour quatre nuls et trois défaites. Et seulement quatre buts marqués.

L’Euro 88 se jouera donc sans eux, alors que la RFA rêve d’un troisième titre européen, et à domicile. Le premier tour est passé sans encombre malgré un nul initial contre l’Italie, mais en demi-finale, qui voilà ? Les Pays-Bas, qui prennent leur revanche de 1974 grâce à un but tardif de Van Basten (2-1), alors que chaque équipe avait marqué sur pénalty, comme lors de la finale de Coupe du monde.


 

2006 : Coupe du monde en Allemagne, les Bleus en finale

Le mauvais oeil va enfin s’achever en 2006. L’Allemagne réunifiée a obtenu l’organisation de la Coupe du monde et l’a préparée méticuleusement sous les ordres de Jurgen Klinsmann. Et cette fois, l’équipe de France est là, après une phase qualificative laborieuse (cinq victoires et cinq nuls) heureusement dopée par le retour estival du trio Zidane-Thuram-Makelele. On se dit qu’une finale France-Allemagne serait tentante, surtout que les Bleus ont gagné à Gelsenkirchen 3-0 en amical à l’automne 2003. Le pays hôte démarre fort avec trois victoires au premier tour, bat la Suède en huitième, est accroché par l’Argentine de Messi en quart (1-1 aux tirs au but) et tombe face à l’Italie en demi (0-2 après prolongations). Il n’a pas manqué grand chose pour retrouver l’équipe de France à Berlin, car les Bleus ont patiné sévère au premier tour (deux nuls, une victoire), mais une fois lancés, ne s’arrêtent plus, sortent l’Espagne, le Brésil et le Portugal et marquent très vite contre l’Italie, sur pénalty, comme les Pays-Bas en 1974. Mais comme eux, ce but précoce ne les met pas à l’abri, et ils finissent par s’incliner à l’usure, à dix et sans perdre.

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Ironie de l’histoire, si l’Allemagne n’a manqué que deux des six phases finales organisées par la France, elle n’y a jamais brillé.

1938 : Coupe du monde en France, l’Allemagne sortie d’entrée

Alors que l’orage de la Deuxième Guerre mondiale approche, une Mannschaft pourtant renforcée par des joueurs autrichiens suite à l’Anschluss trois mois plus tôt coince d’entrée contre la Suisse en huitièmes de finale, le match étant rejoué suite à un score nul en prolongation (1-1, 2-4). Les Français passeront un tour contre la Belgique avant de s’incliner devant l’Italie en quart. En 1960, pour la toute première Coupe d’Europe des Nations, l’Allemagne n’est pas inscrite et donc ne participe pas à la phase finale en France. Les Bleus privés des héros de 1958 perdent deux fois et finissent quatrièmes.

1984 : Euro en France, premier tour fatal pour l’Allemagne

L’Euro 1984 restera un mauvais souvenir pour le football allemand. Placés dans un groupe largement à leur portée, les coéquipiers de Rummenigge font match nul contre le Portugal, battent péniblement la Roumanie et pensent se qualifier en faisant jeu égal avec l’Espagne. Mauvais calcul : Maceda marque à la 90e minute et la Mannschaft fini troisième. Elle n’aura pas le loisir de croiser une équipe de France étincelante qui remporte le tournoi avec cinq victoires et quatorze buts inscrits, dont neuf par le seul Platini.


 

1998 : Coupe du monde en France, l’Allemagne cale en quart

Ce sera un peu mieux en 1998, mais toujours insuffisant selon les standards allemands : après un premier tour sans encombre (Iran, Etats-Unis, Yougoslavie), l’Allemagne se fait peur en huitième en battant le Mexique dans les dernières minutes (2-1). Puis elle est balayée en quart par la Croatie après l’expulsion de Wörns avant la pause (0-3). Laquelle Croatie sera la seule à mener au score contre la France en demi-finale, mais pendant une petite minute. Le temps que Lilian Thuram s’énerve et mette tout le monde d’accord. Boostés par cette issue improbable, les Bleus triomphent ensuite contre le Brésil.

En Coupe des Confédérations 2003, les Allemands déclinent l’invitation alors qu’une place est vacante en raison du double titre de la France (championne du monde 1998 et d’Europe 2000). Sollicitée après l’Italie (finaliste à l’Euro), la DFB refuse, alors que l’Allemagne a joué la finale de la Coupe du monde 2002. Elle est remplacée par la Turquie, troisième de l’épreuve.


 

2016 : Euro en France, l’Allemagne clappée au Vélodrome

Enfin, l’Euro 2016 est à ce jour le meilleur résultat de l’Allemagne lors d’une phase finale en France. Mais les hommes de Joachim Löw arrivent avec l’étiquette de champions du monde, et ils le justifient en n’encaissant aucun but dans le premier tour, puis en disposant facilement de la Slovaquie en huitièmes. C’est plus serré en quart face à l’Italie (tirs au but), mais lorsqu’ils retrouvent en demi-finale des Bleus remontés comme des pendules après un joli 5-2 contre l’Islande, ils sont largement favoris. D’ailleurs ils dominent cette seule confrontation franco-allemande de la série, et sans une main anodine de Schweinsteiger juste avant la mi-temps, et sans un Lloris impérial, ils l’emporteraient sans doute. Mais Boateng sort sur blessure et un grigri de Pogba dans la surface permet à Griezmann de signer un doublé (2-0). Le clapping au pied du virage nord aura des allures de titre, sauf qu’il reste aux Bleus une finale à jouer contre le Portugal. On connaît la suite.

En guise de conclusion : la malédiction du dernier carré

En terminant de rédiger le brouillon de cet article, j’ai constaté une chose étonnante : alors que ces deux sélections comptent un nombre très conséquent de titres (16 en tout, dont 8 chacun, avec un cumul de 6 Coupes du monde, 5 Euros, 3 Coupes des Confédérations et une Coupe intercontinentale), la plupart du temps, quand elles atteignent ensemble les demi-finales d’une compétition, aucune ne la gagne. Il y a tout de même une exception, c’est l’Euro 1996, remporté par l’Allemagne face à la République tchèque, qui avait éliminé la France en demi.

En 1958, les deux se sont inclinés en demi-finale de la Coupe du monde, face à la Suède et au Brésil. En 1982, la RFA bat la France en demi mais tombe en finale face à l’Italie. Même chose en 1986, avec l’Argentine dans le rôle du briseur de rêves. En 2006, c’est l’Italie, on l’a vu, qui sort l’Allemagne en demi avant de battre la France en finale. Enfin, en 2016, les Bleus viennent enfin à bout de la Mannschaft en demi-finale, mais ils s’inclinent lors du dernier match face au Portugal.

Entre 1904 et 1919, 128 internationaux ont porté au moins une fois le maillot de l’équipe de France. Si leur carrière internationale est la plupart du temps anecdotique, leur vie est souvent romanesque.

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