Histoire des France-Italie (3) : le clásico des temps modernes

Publié le 1er juin 2018 - Bruno Colombari

Entre 1982 et 2016, les France-Italie se multiplient au plus haut niveau : un huitième, un quart et une finale mondiale et l’invraisemblable dénouement de Rotterdam. Désormais, ce sont les Italiens qui doutent.

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Mise à jour d’un article initialement publié en novembre 2012.

Avec la victoire de 1982, où Platini réalise un match éblouissant, le rapport de force bascule. Désormais, et pour le quart de siècle à venir, ce seront les Italiens qui redouteront d’affronter les Bleus. A juste raison : en douze matchs, la Squadra s’inclinera sept fois, fera quatre nuls (dont deux terminés aux tirs au but, un gagné et un perdu) et ne remportera que celui de l’Euro en juin 2008.

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Quand Platini devient grand

Ce 23 février 1982 marque-t-il la naissance de la grande équipe de France, celle qui dominera l’Europe puis (presque) le monde sur les quatre années à venir ? En tout cas, Michel Platini (déjà très inspiré en février 1978 à Naples) réalise un très grand match qui le fait changer de statut : de meilleur joueur français, il devient du jour au lendemain un des meilleurs joueurs du monde. La Juve ne s’y trompe pas et entamera bientôt les négociations pour transférer le Stéphanois.


 

Ce France-Italie est aussi l’occasion de découvrir deux jeunes monégasques qui brillent en championnat : le défenseur Manuel Amoros, qui a fêté ses vingt ans trois semaines plus tôt, et l’attaquant Daniel Bravo, qui a à peine dix-neuf ans. Le premier réalise un sans-faute en défense où il remplace Max Bossis. Le second remplace Didier Six peu après l’heure de jeu et marque le deuxième but suite à un redoublement de passes avec Rocheteau conclu par un tir de près. A ce moment-là, les Bleus mènent depuis la 19e minute grâce à Platini. Celui-ci forme, avec les Bordelais Jean Tigana et Alain Giresse, une ébauche du carré magique entrevu trois mois plus tôt contre les Pays-Bas (où Tigana avait remplacé Platini associé à Giresse et Genghini).

Passage de relais à Mexico

La rencontre suivante, le 17 juin 1986, sera bien plus importante. Elle oppose au stade olympique de Mexico le tout nouveau champion d’Europe au champion du monde en titre. Sans Paolo Rossi (retenu dans le groupe mais qui ne jouera pas), les Italiens sont sur la pente descendante, alors que les Bleus d’Henri Michel semblent placés sur une trajectoire mondiale. De fait, jamais les hommes d’Enzo Bearzot ne semblent en mesure de l’emporter. Il suffit d’un quart d’heure à l’équipe de France pour prendre l’avantage par Michel Platini qui pique une balle en profondeur de Rocheteau par dessus Galli. C’est son quarantième et avant-dernier but en sélection, son troisième contre l’Italie. Et en début de deuxième mi-temps, un contre fulgurant de Tigana relayé par Rocheteau est conclu en force par Stopyra. Nombreux sont ceux qui croient alors assister à une passation de pouvoir. Mais un quart de finale monstrueux contre le Brésil se profile à l’horizon...


 

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Il faudra près de huit ans pour voir le prochain Italie-France. En février 1994 à Naples, Aimé Jacquet inaugure son mandat de sélectionneur par une victoire inattendue contre le futur finaliste de la coupe du monde (1-0), ce qui rétrospectivement laisse bien des regrets. C’est Youri Djorkaeff qui marque juste avant la pause et qui signe la première victoire des Bleus en Italie depuis 82 ans. En juin 1997, lors du Tournoi de France, les Italiens veulent leur revanche mais ils n’obtiendront qu’un nul (2-2) dans les arrêts de jeu sur un pénalty de Del Piero après que Zidane et Djorkaeff aient donné deux fois l’avantage aux Bleus. C’est le premier et dernier match en sélection de Lionel Charbonnier dans les cages tricolores.

Saint-Denis, Rotterdam, l’air rare des sommets

Quand ils se retrouvent au Stade de France le 3 juillet 1998 en quart de finale de la coupe du monde, Français et Italiens repensent forcément à Mexico. Les Bleus qui jouent en blanc dominent et se créent les occasions les plus nettes, mais ils se heurtent à un très bon Pagliuca. En prolongations, alors que la règle du but en or peut interrompre le match à tout instant, Roberto Baggio entre dans la surface et pique une balle au second poteau, hors de portée de Barthez. Il s’en faut de quelques centimètres. Les Bleus s’imposent aux tirs au but grâce au sang-froid de ses jeunes attaquants Henry et Trezeguet et, il faut bien le dire, à un maximum de réussite, la transversale de Barthez renvoyant la tentative de Di Biagio. Fabien Barthez ne réalise pas tout de suite : la grande histoire est en marche.

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Cette fois, ça y est, l’Italie tient sa revanche. Nous sommes le 2 juillet 2000 à Rotterdam, il ne reste que quelques secondes dans le temps additionnel de la finale de l’Euro et les Bleus sont toujours menés 1-0. Montella récupère un ballon dans le camp français, cherche Totti d’une balle piquée, mais le Romain est hors-jeu. Barthez tire le coup-franc, sa trajectoire tendue arrive sur Trezeguet qui dévie de la tête sur Wiltord lequel amorti le ballon le laisse rebondir deux fois et ajuste un tir croisé du gauche qui propulse les Bleus en prolongations. La suite, on la connait, avec un rush de Pires côté gauche d’une défense italienne tétanisée de fatigue, un centre en retrait sur Trezeguet qui claque une reprise du gauche imparable. C’est le plus grand France-Italie de l’histoire.

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Coups de barre à Berlin

Comment faire mieux ? Plus grand ? Plus émouvant ? Plus dramatique ? Facile : une finale de coupe du monde, dernier match de la carrière de Zidane. Berlin, le 9 juillet 2006. Septième minute de jeu, Malouda est balancé dans la surface par Materazzi. Pénalty. Zidane va le tirer, bien sûr, mais comme Buffon, gardien de la Juventus, le connaît par cœur, le Français tente un geste insensé. Une panenka plein axe, un poil trop haute car elle tape sous la transversale, tombe juste derrière la ligne de but, remonte sous la barre et ressort des cages italiennes. Ce sont pourtant les Italiens qui, galvanisés par ce sort contraire (la faute sur Malouda était loin d’être évidente), prennent en main le jeu, égalisent rapidement par Materazzi sur corner, et voient la barre de Barthez repousser une tête de Luca Toni juste avant la mi-temps.

Les Bleus vont alors prendre le dessus en gagnant la bataille du milieu, où le duo Makelele-Vieira est souverain. Mais Henry n’est pas assez soutenu en pointe de l’attaque, Ribéry et Malouda jouant un peu trop bas dans les couloirs. Et surtout, Vieira sort après dix minutes en seconde période, victime de contractures aux cuisses. Dès lors le ressort est cassé (Alou Diarra jouant plus bas et plus prudemment), et les Italiens, épuisés, visent clairement les prolongations. Celles-ci vont voir le match basculer en quatre temps : à la 99e, une frappe de Ribéry termine de très peu à l’extérieur du poteau de Buffon qui était battu. A la 103e, sur un centre parfait de Sagnol, Zidane décoche une tête croisée parfaite que Buffon sort d’une claquette magistrale. Puis vient le fameux coup de boule de Zidane sur Materazzi à dix minutes de la fin du match, et une dernière occasion française à la 119e, Wiltord dans la surface dévisse son centre en retrait alors que Trezeguet était tout seul devant Buffon.

Il était dit quelque part que l’équipe de France ne gagnerait pas ce match. Pour une fois, les Italiens ne manquent aucun tir au but, alors que celui de Trezeguet, qui cherchait la lucarne, est renvoyé par la transversale devant la ligne de but. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Le sort, favorable aux Français depuis 24 ans, tourne ce soir-là. Mais depuis 1997, les deux équipes ne se sont jamais départagés sur les 90 minutes réglementaires.

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Fin de série, tout doit disparaître

Cet équilibre parfait casse après le Mondial allemand. En septembre 2006, malgré l’arrêt de Barthez et Zidane, les Bleus donnent des regrets à leurs supporters en battant facilement les nouveaux champions du monde à Saint-Denis (3-1) avec notamment un doublé improbable de Sidney Govou. Cette victoire de prestige, qualificative pour l’Euro 2008, marque pourtant le début de la fin de la grande équipe de France. Un an plus tard à Milan, les Bleus viennent chercher un point et le trouvent (0-0) au terme d’un match tendu qu’ils auraient pu remporter avec un peu plus de réussite.

Mais le 17 juin 2008 à Zurich au premier tour de l’Euro, le vent a tourné. Alors que les deux équipes ont lourdement chuté contre les Pays-Bas, les Bleus réalisent un début de match catastrophique : Ribéry se blesse après dix minutes, et un quart d’heure plus tard, Eric Abidal crochète Luca Toni dans la surface. Pénalty et carton rouge. Réduits à dix et menés au score, les coéquipiers d’Henry n’ont plus rien à espérer. Le score final (0-2) est même flatteur. Pour les Italiens, c’est la première victoire dans le cours du jeu depuis trente ans.

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Quand Sakho éteint Balotelli

Le 14 novembre 2012 à Parme, les Bleus retrouvent les vice-champions d’Europe et continuent sur la lancée de leur match nul à Madrid. L’ouverture du score par El-Shaarawy est immédiatement suivie par une égalisation de Mathieu Valbuena après un slalom dans la défense et un superbe tir en lucarne. Une percée de Ménez pour Gomis donne l’avantage aux Français (2-1) qui le garderont jusqu’au bout. C’est le dernier match des Bleus avant l’arrivée du duo Varane-Pogba en mars 2013.


 

Dix ans plus tard...

Bari, ça vous dit quelque chose ? Demandez aux supporters marseillais... C’est là que les Bleus s’imposent plutôt facilement contre une Squadra moyennement concernée le 1er septembre 2016, quelques semaines après l’Euro et dix ans après leur dernière victoire post-phase finale. En attaque, Anthony Martial se réveille enfin et ouvre le score, Giroud redonne l’avantage après l’égalisation de Pellè sur une erreur de placement de Varane et Kurzawa conclut en fin de match (3-1). Alors qu’elle avait été séduisante à l’Euro, l’Italie va se déliter lors des qualifications pour la Coupe du monde 2018 et se faire sortir en barrages par la Suède.


 

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