L’autre moitié du ciel (1/3) : stats d’anonymes

Publié le 17 septembre 2019 - Matthieu Delahais - 2

Matthieu Delahais sort de l’oubli ces 493 internationaux qui comptent entre une et cinq sélections en équipe de France. Certains pourtant ont gagné tous leurs matchs, d’autres ont marqué plusieurs buts, d’autres enfin sont même devenus sélectionneurs.

5 minutes de lecture

908 joueurs ont porté le maillot de l’équipe de France. Sur ce total, combien seriez-vous capable d’en citer ? Si les noms de Kopa, Platini, Zidane ou Griezmann seront sans doute remontés par la très grande majorité, il est fort probable que beaucoup ne sortiront pas des oubliettes de l’histoire. Pour la bonne et simple raison que plus de la moitié des internationaux Bleus (493 très précisément) n’ont connu, au mieux, que cinq fois l’honneur de jouer pour la France. Cette série de trois articles va rendre hommage à ces anonymes de l’équipe de France, qui ont pourtant contribué à écrire l’histoire de la sélection…

Parmi ces 493 anonymes, certains ne le resteront sans doute pas puisque leur carrière n’est pas terminée. On peut raisonnablement penser que Kurt Zouma (5 capes), Ferland Mendy, Wissam Ben Yedder (4), Alphonse Areola (3), Léo Dubois (2), Clément Lenglet (2) ou encore Jonathan Ikoné (1) devraient améliorer leur total. A l’inverse, même si ils ont encore quelques années devant eux, Jimmy Briand (5 sélections), Mapou Yanga-Mbiwa (4) ou Stéphane Ruffier (3) resteront probablement dans ce club des anonymes des Bleus.


 

5 victoires pour Patrick Revelli, 5 défaites pour Pierre Mony

Si on regarde maintenant en détail les statistiques des anonymes, quelques éléments intéressants ressortent. Certains ont gagné tous leurs matchs mais Patrick Revelli est le seul à l’avoir fait parmi les joueurs à 5 apparitions. A l’inverse, Pierre Mony, Tessier, Henri Mouton et André Sollier ont perdu les 5 rencontres qu’ils ont jouées en équipe de France. Parmi les joueurs avec moins de sélections, on trouve avec 100% de victoires Xavier Gravelaine (4), Joseph Jadrejak, Charles Montagne ou encore Daniel Moreira (3).

Parmi les perdants récurrents, on pourra citer Hector De Bourgoing, Julien Du Rhéart ou Patrick Delamontagne (3 défaites), mais bizarrement aucun anonyme ayant joué exactement 4 matches les a tous perdus.

Si on s’intéresse au temps de jeu, 49 joueurs ont passé moins de 90 minutes cumulées sur le rectangle vert. Pour 36 d’entre eux, leur unique sélection est l’explication. Mais il est plus surprenant de constater qu’en 5 apparitions en Bleu, Jimmy Briand n’a joué que 54 minutes.

Des buteurs récidivistes

78 anonymes ont réussi à marquer au cours de leur court passage en sélection, ce qui représente 15% du total. C’est un chiffre logiquement inférieur à celui de l’ensemble des joueurs sélectionnés (340 buteurs sur 908 sélectionnés, soit 37%).

Célestin Oliver a marqué à 3 reprises (5 sélections) et Jean Sécember et Désiré Koranyi a fait trembler les filets adverses 5 fois en autant de matches, mais ni l’un ni l’autre n’ont réussi à imposer leurs talents de buteurs sur la durée. Le plus efficace des anonymes est d’ailleurs Sécember, puisqu’il a marqué ses cinq buts lors de ses deux premières sélections. A titre de comparaison, Michel Platini ou Just Fontaine n’en était qu’à 4 buts lors de leurs 5 premières capes.

Des gardiens invaincus

46 gardiens, sur un total de 78, comptent moins de 6 sélections. Tous les gardiens invaincus sont bien entendus dans cette liste. Ils sont six (Jean-Pierre Kress, Richard Dutruel, Stéphane Porato, Yves Chauveau, Cédric Carrasso et Benoît Costil) et comptent tous une sélection. Deux d’entre eux (Carrasso et Costil) peuvent encore améliorer leur total et tenter de porter plus loin leur invincibilité. Il leur sera pourtant difficile de faire mieux que Mickaël Landreau qui n’a encaisse son premier but qu’à sa huitième sélection (contre l’Ecosse et McFadden au Parc) et qui étaient donc invaincu au moment où il quittait le club des anonymes.


 

C’est aussi parmi ces joueurs que l’on trouve les portiers ayant le plus souffert à la moyenne de but encaissés par match. On pourra citer André Tessier (12 encaissés en un match) ou Maurice Tilliette, qui avait concédé 21 buts en deux rencontres seulement.

Des anonymes champions d’Europe ou du monde

Être anonyme ne veut pas dire que l’on n’a pas laissé une trace dans l’histoire de l’équipe de France. Albert Rust (1 sélection) est champion d’Europe 1984 tandis qu’Alphonse Areola (3 sélections) est champion du monde 2018. Ces deux gardiens n’avaient pourtant jamais joué en équipe de France au moment de ces titres. Albert Rust n’a connu sa seule cape que deux ans plus tard face à la Belgique, même s’il avait entre-temps gagné un titre olympique, sur le terrain cette fois, en 1984. Quant à Alphonse Areola, son statut de numéro 2 actuel peut lui laisser espérer encore d’autres matchs, voire d’autres titres avec les Bleus.

Si on se limite aux finales de Coupe du monde et du championnat d’Europe, seul Samuel Umtiti a participé à l’un de ces matches avec le statut d’anonyme (3 sélections à ce moment). C’était en 2016 face au Portugal, sans que ça lui porte chance. Mais il s’est rattrapé deux ans plus tard en Russie. Si on prend en compte la Coupe des Confédérations, Steve Marlet et Eric Carrière (4 capes chacun) ont participé à la finale victorieuse de 2001 face au Japon.


 

William Ayache et Michel Bibard, qui fêtaient leur 4e cape lors de la finale de la Coupe Intercontinentale en 1985 face à l’Uruguay, font également partie de cette liste de joueurs titrés avec moins de 5 sélections. Ces cinq joueurs ont tous quitté le statut d’anonyme à l’issue de leur parcours en équipe de France.

A ces anonymes titrés en Bleu, il convient d’ajouter les gardiens Philippe Bergeroo (champion d’Europe 1984, 3 capes) et Lionel Charbonnier (champion du monde 1998, 1 sélection). Mais également Jérémie Bréchet (3), Zoumana Camara (1), Nicolas Gillet (1), Frédéric Née (1), vainqueur de la Coupe des Confédérations en 2001, et Ousmane Dabo (1) vainqueur du même trophée deux ans plus tard.

Sept anonymes sans frontières

L’évolution des règlements internationaux, qui autorise le changement de nationalité sportive pour les joueurs n’ayant disputé aucun match officiel, a permis à deux internationaux français de prolonger leur carrière pour d’autres sélections. Après avoir défendu 5 fois les couleurs françaises entre 2013 et 2015, Geoffrey Kondogbia a décidé de poursuivre son aventure internationale avec la République Centrafricaine depuis 2018. Paul-Georges Ntep a suivi le même chemin, puisqu’après 2 capes en 2015 sur le maillot bleu, il a choisi depuis 2018 de défendre les couleurs de Lions Indomptables du Cameroun.

En remontant beaucoup plus loin dans le temps, à une période où les règlements étaient plus flous, Maurice Vandendriessche avait suivi un parcours similaire. Il compte deux sélections françaises en 1908. Mais en 1915, alors que la France et la Belgique jouent un match amical non officiel (par temps de guerre), ce même Vandendriessche est aligné aux côtés des Diables Rouges sous le nom de Vandendey.

Des joueurs ont suivi le chemin inverse et finit leur carrière avec l’équipe de France. Il s’agit de Rudi Hiden (ancien international autrichien, 1 sélection avec les Bleus en 1940), Heinrich Hiltl (Autriche, puis 2 capes avec la France en 1940 et 1944), Miguel Lauri (Argentine, 1 rencontre avec les Tricolores en 1937) et Hector De Bourgoing (Argentine également, puis 3 matches avec l’équipe de France entre 1962 et 1966).

Les sentiers de la gloire : les anonymes devenus sélectionneurs

Enfin, il est impossible de terminer cette analyse statistique sans parler de deux joueurs dont le nom est connu de tous les amateurs de l’équipe de France. Pourtant, il n’est pas sûr que ces noms auraient été cités lors de la question qui commençait cet article. Il s’agit de Michel Hidalgo et d’Aimé Jacquet. Le premier a connu une fois les honneurs de l’équipe de France en 1962 avant de devenir le sélectionneur apôtre du beau jeu et du premier titre des Bleus en 1984. Le second avait porté deux fois le maillot bleu en 1968, 30 ans donc avant de remporter la Coupe du monde dans le costume (ou plutôt le survêtement) de sélectionneur.

Une petite carrière en Bleu n’est donc pas de mauvais augure au moment d’entamer une mission de sélectionneur. Par contre, l’inverse n’est pas forcément vrai. Le seul sélectionneur qui a le statut d’anonyme en tant que tel n’est autre que Just Fontaine, 30 buts en 21 sélections, et probablement détenteur mondial pour l’éternité du nombre de buts marqués en une seule édition de Coupe du monde.

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